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Présidentielle au Mali – Moussa Sinko Coulibaly : « Nous voulons faire entendre une nouvelle voix »

Moussa Sinko Coulibaly a officialisé la semaine dernière sa candidature à l’élection présidentielle du 29 juillet. Ancienne figure de la junte qui a renversé ATT en 2012, ce général démissionnaire se montre aujourd’hui très critique à l’égard du président sortant IBK.

Il a démissionné de l’armée mais accepte toujours qu’on l’appelle « Général ». « C’est ainsi que les Maliens me connaissent », justifie-t-il. Après avoir remis son uniforme au placard en décembre dernier, Moussa Sinko Coulibaly a confirmé le 10 juin, à Ségou, qu’il se portait candidat à la présidence de la République.

Ancien fidèle d’Amadou Haya Sanogo, il avait été un des auteurs du coup d’État contre Amadou Toumani Touré, en mars 2012. Devenu ministre de l’Administration territoriale sous la transition – un poste auquel il s’était fait connaître en organisant les élections présidentielle et législatives de 2013 -, il avait ensuite été maintenu quelques mois à ce poste par Ibrahim Boubacar Keïta. Désormais opposant au président sortant, l’ex-général entend incarner une troisième voie entre la majorité et l’opposition.

Jeune Afrique : Est-ce le rôle d’un militaire d’entrer en politique pour briguer la présidence de la République ?

Moussa Sinko Coulibaly : Les politiques maliens ont échoué. Il nous faut des solutions de rechange. Nous pouvons instaurer une vraie démocratie au Mali et corriger les erreurs commises depuis 1991. L’échec des hommes politiques poussent les autres corps socio-professionnels à s’intéresser à cette activité. L’expérience que j’ai acquise durant la transition en 2012-213 me permet aujourd’hui d’apporter une contribution positive à la vie politique de mon pays.

L’APPARITION DES MILITAIRES SUR LA SCÈNE POLITIQUE ÉTAIT INÉVITABLE

Comment justifiez-vous le fait d’avoir participé au coup d’État de 2012 contre ATT et de vouloir aujourd’hui devenir président ?

Le coup d’État a trouvé sa source dans les difficultés des politiques à régler les questions sécuritaires et le bon fonctionnement des institutions. Tout le monde savait que nos institutions étaient fragilisées par les querelles entre partis. L’apparition des militaires sur la scène politique était inévitable et a fini par arriver.

Heureusement, nous avons réussi à corriger les choses rapidement. Une transition a été mise en place au bout de trois semaines et a été relativement bien réussie. Elle a permis d’avoir des institutions élues et de remettre le pays sur les rails.

Vous assumez donc pleinement le rôle que vous avez joué en 2012 ?

Je ne nie pas le rôle que j’ai joué durant cette période. Mais je pense que les responsabilités doivent être partagées – même si elles se situent davantage du côté des politiques que des militaires. Maintenant, nous ne pouvons évidemment pas encourager un coup d’État ou une prise de pouvoir non constitutionnelle dans un pays. Cela n’est pas acceptable.

N’est-ce pas ambitieux de se présenter à l’élection présidentielle sans l’appui d’un grand parti avec une base électorale nationale ?

Les grands partis traditionnels ont échoué dans leur mission. Le peuple malien réclame à cor et à cris un renouvellement de la classe politique. C’est justement ce que nous essayons de lui offrir. Nous n’avons peut-être pas d’appareil politique présent sur la scène publique depuis des années, mais grâce au travail effectué ces derniers mois nous serons des concurrents très sérieux le 29 juillet.

NOUS ALLONS CHERCHER À PRÉSENTER UNE CANDIDATURE UNIQUE. SI NOUS Y PARVENONS, TANT MIEUX

Vous faites partie de la « Convention des bâtisseurs ». Où en sont les discussions sur un regroupement des candidatures ? Seriez-vous prêt à vous désister au profit d’un autre ?

Nous avons accepté d’être membre de cette convention car nous sommes prêts à des concessions. Ce groupe présente deux avantages : mutualiser nos moyens et montrer aux Maliens que la vie politique ne se résume pas seulement au clivage majorité contre opposition. Nous voulons faire entendre une nouvelle voix. Voilà l’intérêt majeur des « Bâtisseurs ». Nous allons chercher à présenter une candidature unique. Si nous y parvenons, tant mieux. Mais si nous n’y parvenons pas, cela ne nous empêchera pas de proposer une nouvelle offre politique aux Maliens.

Si IBK se retrouve au second tour contre un opposant, que ferez-vous ?

Si nous avons des élections justes et transparentes, IBK ne sera pas au deuxième tour. Cette question ne se pose donc pas.

Êtes-vous satisfait de l’organisation du scrutin jusqu’à présent ?

Il y a beaucoup d’inquiétudes et nous essayons d’être vigilants. Nous souhaitons avoir des élections les plus justes possible, mais aujourd’hui nous ne pouvons pas faire confiance au gouvernement. Pendant cinq ans, il n’a montré aucune volonté réelle d’aller vers des élections transparentes.

Que reprochez-vous à IBK ?

Nous lui reprochons d’être à la tête d’un système qui n’arrive plus à résoudre les problèmes des Maliens. L’équipe au pouvoir n’arrive pas à apporter des solutions à la crise que traverse le Mali. Or notre pays n’est pas condamné à rester englué dans cette crise.

Quelles seraient vos premières mesures si vous êtes élu président ?

Je rassemblerai les Maliens. Je formerai un gouvernement d’union nationale, pour permettre à l’ensemble de nos compatriotes de se retrouver dans notre projet de transformation de la société. Notre vision est de faire un Mali de tous les Maliens, pour tous les Maliens, et avec tous les Maliens.

SI LE RETOUR D’ATT PEUT AIDER À APAISER CERTAINES TENSIONS, IL FAUT LE PRENDRE EN COMPTE

Que pensez-vous du sort réservé à Amadou Haya Sanogo ? Aimeriez-vous le voir libéré ?

Nous faisons entièrement confiance à la justice malienne. Pour le reste, je peux juste vous dire qu’Amadou Haya Sanogo est un ami.

Êtes-vous favorable au retour au Mali d’Amadou Toumani Touré, que vous avez renversé par la force en 2012 ?

Toute action qui peut contribuer à la réconciliation nationale est positive. Si le retour d’ATT peut aider à apaiser certaines tensions, il faut le prendre en compte.

Vous êtes général démissionnaire des Forces armées maliennes. Quel regard portez-vous sur l’état de l’armée nationale ?

Cinq ans après l’arrivée d’IBK, la restructuration de notre armée reste très timide. Nous avons de grosses difficultés au niveau du commandement. La corruption s’est installée au sommet de l’État. L’armée sert aujourd’hui de vache à lait aux hommes politiques. Cela ne permet pas d’obtenir des résultats sur le terrain. Il faut lutter contre cette corruption, tant au niveau des militaires que des politiques qui commandent l’armée. Sans cela, il sera difficile d’entamer un vrai processus de restructuration.

 

Source: jeuneafrique

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