En déclarant : « nous ne voulons ni d’IBK, ni des autres acteurs politiques de Mars 1991 », le secrétaire politique et porte-parole de YELEMA commet une énormité politique rarement égalée dont la conséquence logique ne devrait être que de disqualifier son Président, Moussa MARA, pour la présidentielle qui se profile à l’horizon. Cela, pour au moins trois raisons essentielles.
Il est vrai que l’approche d’un rendez-vous électoral de l’importance d’une présidentielle fait monter le mercure au niveau des états-majors politiques qui ont une réelle ambition de gouverner le pays.
Mais, pour les ouvriers politiques de la 25e heure, cela va au-delà d’une simple fébrilité. Ça devient une névrose.
La preuve est cette sortie épouvantable du porte-parole du Parti YELEMA, Amadou Aya, lors d’une conférence de presse, organisée le samedi dernier à son siège: « nous ne voulons ni d’IBK, ni des autres acteurs politiques de Mars 1991 »
L’atavisme
Au regard d’une telle déclaration, la première raison de la disqualification du probable candidat certain de YELEMA, Moussa MARA, est qu’en se démarquant du Mouvement démocratique, il affirme qu’il se reconnait dans le Parti de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), le Parti unique sous le régime de GMT. Ce faisant, il se montre réfractaire à l’avancée démocratique obtenue de haute lutte par le ‘’Mouvement démocratique’’ victime d’objurgations de sa part et dont l’action salutaire lui permet aujourd’hui de pouvoir présenter un candidat contre le Président sortant, de se laisser aller à toutes sortes d’élucubrations sans crainte aucune d’éventuelles représailles du régime en place.
Sans être exempt de toute critique, le ‘’Mouvement démocratique’’ à qui YELEMA tente de laver la planche, à cet égard, mérite respect et considération, surtout de la part de ceux qui croquent à pleine dents dans les fruits de ses actions victorieuses. Incontestablement, le Parti YELEMA qui n’a vu le jour qu’en juillet 2010, est de ceux-là.
Dans la logique où il ne voudrait plus d’un acteur du ‘’Mouvement démocratique’’ aux affaires en 2018, le Parti YELEMA devrait arrêter de s’asseoir entre deux chaises. Pour être conséquent, il s’impose à lui d’emboîter le pas au MPR de Choguel Kokalla MAIGA qui s’est assumé sans ambages et dont l’emblème le «Tigre» n’est qu’un succédané du «Lion débout» du défunt Parti UDPM. Cela, après avoir perdu une bataille judiciaire pour récupérer l’appellation UDPM.
Au demeurant, Choguel MAIGA, qui s’est assumé jusqu’au bout, a trouvé l’exutoire de s’approprier néanmoins l’appellation UDPM en faisant la devise de son Parti : ‘’Union pour la Défense de la Patrie Malienne’’ (UDPM). Cela s’appelle du courage politique, dans un contexte de l’époque où un tel choix pouvait s’avérer suicidaire du point de vue politique. Ce qui ne semble pas être dans les cordes du Parti YELEMA dont la seule obsession du Président est Koulouba, rien que Koulouba.
En s’arc-boutant sur le rejet du ‘’Mouvement démocratique’’ YELEMA donne la nette impression qu’il est resté au stade rabougri du slogan des lendemains euphoriques de la Révolution de Mars 1991 : ‘’an te korolen fè, fo kura’’ (nous ne voulons pas de l’ancien, mais du neuf). La donne était claire en son temps : tous ceux qui ont servi le Parti unique UDPM, à défaut être guillotinés, devaient vider le plancher et être rangés dans les placards. Il fallait des hommes neufs, pour un nouveau départ. En a-t-il été ainsi à l’épreuve du temps?
L’inculture
La réponse à cette question est la deuxième raison pour laquelle MARA se disqualifie pour l’élection présidentielle de 2018. La pratique politique, au Mali, a démontré qu’il est difficile, voire impossible, de gouverner sans les anciens qui étaient en place. Personne mieux que l’ADEMA-PASJ ne peut corroborer cette assertion. En effet bien qu’ayant le vent en poupe au lendemain de la Révolution et en ayant son candidat élu à la magistrature suprême de l’Etat, il a dû composer avec des responsables politiques qui ont fait leurs armes dans les rangs de l’Union démocratique du peuple malien qui a été interdit à la chute de GMT.
L’histoire est connue : la plupart des députés à l’Assemblée nationale étaient d’anciens membres de l’UDPM. C’est en s’alliant avec lesdits députés, en les faisant militer en son sein que l’ADEMA s’est doté d’une majorité confortable à l’Assemblée nationale dès la première mandature du Président Alpha Oumar KONARE.
Quelle mouche a donc pu piquer le secrétaire politique et porte-parole de YELEMA pour croire qu’il peut faire table rase du passé, dire comme en 1992 ‘’an te korolen fè, fo kura’’ ? Le Parti a-t-il perdu tout sens moral d’objectivité et de franchise ? La vérité est que YELEMA excelle dans la vente d’illusions.
L’auto-flagellation
La troisième raison de la disqualification de MARA est que lui et tous ceux de sa génération, au sein du Parti YELEMA ou ailleurs, ont pris part au mouvement de renversement du régime de GMT. A moins d’avoir fait le choix de se terrer sous le lit, les jeunes de son âge ont manifesté contre le défunt régime, d’une manière ou d’une autre.
Par conséquent, MARA ou Amadou AYA sont tous acteurs du ‘’Mouvement démocratique’’ qu’ils vouent aujourd’hui aux gémonies pour des considérations purement électoralistes. Ainsi, en restant dans la logique de son Parti, Moussa MARA se fait hara-kiri ; lui non plus n’aurait sa place dans le starting-block de la course à Koulouba en 2018, tout comme les acteurs du ‘’Mouvement démocratique de Mars 1991’’.
L’inconséquence
Par ailleurs, sous peine d’hérésie politique, une mesure d’urgence s’impose : épurer le Parti de tous ses membres ayant joué un rôle quelconque au sein du ‘’Mouvement démocratique’’ devenu le mouton noir. Parce que l’honnêteté voudrait que si l’on ne veut pas d’acteurs du ‘’Mouvement démocratique de Mars 1991’’ à la tête de l’ensemble national, la logique voudrait qu’on n’en veuille pas non à l’échelle du Parti. YELEMA devrait donc exclure de ses rangs tous ceux qui se reconnaissent dans le ‘’Mouvement démocratique’’. Le Parti devrait en avoir le courage d’autant plus qu’il a déjà fait le choix de rompre avec la Majorité présidentielle et de ne pas rejoindre ni l’Opposition, ni les Centristes, adoptant ainsi une position isolée. Cela, peut-être parce que dans l’un comme dans l’autre camp, il y a des acteurs du ‘’Mouvement démocratique’’ de Mars 1991.
Autrement, il y aurait un arrière-goût d’inachevé dans la démarche de YELEMA dont le président a paradoxalement servi des acteurs du ‘’Mouvement démocratique’’ de Mars 91 d’abord comme ministre de l’Urbanisme et de la Politique de la Ville, dans le Gouvernement Tatam LY, et comme Premier ministre, lui qui est allé remettre Kidal aux ex-rebelles.
Il faudrait également souligner le ton impératif, et même agressif, sur lequel parle le secrétaire politique de YELEMA : « nous ne voulons ni d’IBK, ni des autres acteurs politiques de Mars 1991 ». Amadou AYA en s’exprimant ainsi perd de vue que c’est le peuple souverain du Mali qui choisit qui il veut pour présider aux destinées du pays et que son candidat ne sera qu’un parmi tant d’autres certainement beaucoup plus capés que lui. A vrai dire, cette sortie absurde et horripilante porte le malaise de la scène politique à son comble.
Amadou AYA, dans son élan populiste, semble aussi perdre de vue que les Maliens ne sont ni dupes ni crédules. Ils veulent des leaders crédibles qui assument leurs prises de position ; et non des apprentis populistes. Ils se passeraient bien des trémolos et des sornettes à faire dormir debout. Ce dont ils ont besoin, c’est d’une crédibilité, et non d’une agitation folklorique. De ce point de vue, le charivari de YELEMA est tout simplement horripilant. Il serait alors plus sage d’arrêter, une bonne fois, de gloser inutilement et à l’infini sur ce sujet qui ne bercera jamais les aspirations les plus légitimes de nos populations.
Par Bertin DAKOUO
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