L’enthousiasme qui accompagnait cette fête de fin d’année dans les rues, les marchés, les salons de coiffure et les ateliers de couture s’estompe. La conjoncture économique et sanitaire y est certainement pour quelque chose
C’est demain le réveillon de la Saint-Sylvestre ou la fête du nouvel An. Les ronds-points, les avenues et monuments sont formidablement décorés avec des jeux de lumière et brillent de mille feux. Mais il semble loin, le temps où la fièvre des fêtes de fin d’année, se ressentait fortement partout.
Les conversations (en tout cas celles des nostalgiques du bon vieux temps) glissent, très souvent, sur les agitations qui entouraient ces fêtes de fin d’année. Certains évoquent même le souvenir des rues marchandes qui drainaient des foules. Malheureusement, ces initiatives aussi n’ont pas résisté à l’épreuve du temps.
Aujourd’hui, l’enthousiasme qui accompagnait cette période de l’année dans les rues, les marchés, les salons de coiffure et les ateliers de couture n’est plus le même. Notre équipe de reportage a fait le tour de certains endroits pour s’en convaincre. Au Grand marché qui grouille d’habitude de monde à la veille de fêtes, notamment de nouvel An, l’ambiance était morose. Des articles divers et variés sont disponiblesdans les différentes boutiques que nous avons visitées. Mais, les clients ne se bousculent pas aux portillons. La conjoncture économique qui résulte de la double crise sécuritaire et sanitaire y est certainement pour quelque chose.
Aboubacar Traoré, vendeur de chaussures pour hommes et femmes, depuis bientôt 15 ans au Grand marché de Bamako, raconte le comportement du marché. C’est timide et se justifie peut-être par les difficultés que traverse le pays. Il estime que les articles qu’il propose ne coûtent pas les yeux de la tête. Mais simplement que le portefeuille du Malien moyen est pressuré par une conjoncture économique sans précédent. «Les prix des chaussures oscillent entre 2.000 à 10.000 Fcfa».
Youssouf Traoré, propriétaire d’une boutique de prêts à porter (Santana Shop), explique avec philosophie la mévente. Pour lui, il est important d’intégrer que les jours se suivent et ne se ressemblent et que la clientèle vit des jours difficiles. Il a ajoute une autre explication liée aux frais élevés de dédouanement des marchandises et à la situation du pays. Abdoulaye Fofana, vendeur de vêtements, depuis plus de 30 ans, soutient aussi que les clients ne se bousculent pas devant les étals. «On peut faire des jours sans réaliser de vente. Les quelques rares clients qui se présentent à nos portes n’achètent pas forcément. Pourtant les prix sont assez abordables. Les prix des vêtements pour enfants varient entre 1.000 Fcfa à 4.000 Fcfa et ceux des habits pour adultes commencent à 5.000 Fcfa», a-t-il expliqué.
Chez les coiffeuses, les clientes peuvent se compter sur les doigts d’une main surtout avec l’avènement des perruques et des chapeaux bien confectionnés. Chez Mama Cissé dont le salon de coiffure est situé à Korofina au bord du goudron, c’est une période de vaches maigres. La coiffeuse qui se frotte d’habitude les mains à cette période de l’année scrute l’horizon à la recherche d’une clientèle. Mais, elle espère recevoir des clientes qui désirent se faire belles même la nuit de la Saint-Sylvestre. Yaye Ba que nous avons rencontré avait un rendez-vous bien calé chez la coiffeuse.
Chez les tailleurs, la tendance porte sur la couture des habits de mariage parce que les couples qui se disent oui devant l’officier d’état civil pour le meilleur et pour le pire sont légion. Baye couture à Bagadadji était en train de coudre des basins Getzner. Il explique avoir l’habitude de coudre des habits defêtes de fin d’année. Mais cette année, les dames ont plutôt donné la priorité aux habits de mariage. En tout cas, ce tailleur relève n’avoir pas eu encore de commandes pour le nouvel An.
Les fêtes de fin d’année sont d’habitude attendues avec beaucoup d’enthousiasme par les populations, mais cette année l’évidence ne saute pas aux yeux du fait, peut-être, de lade la crise financière que traverse le pays. Quant à Alima Dembélé, elle aurait aimé se procurer une tenue de soirée très tôt, mais elle n’a pas encore eu de l’argent.
D’autres expliquent n’avoir pas la tête à la fête avec la situation qui prévaut au Mali.Selon un vieux couple de 30 ans, dont l’anniversaire du mariage est le 29 décembre, la fête de fin d’année est une occasion de retrouvailles familiales. Le couple qui célébrait le réveillon par anticipation à la date anniversaire de leur union, explique que cela fait plus d’une décennie qu’il ne le fête plus. Le chef de famille invoque des raisons religieuses, notamment une interdiction de célébrer cet événement par l’islam. Lui-même a fait le pèlerinage à la Mecque en 2009. Son épouse aussi a accompli ce pilier de l’islam en 2014. «Je reste à la maison avec ma femme, mes enfants autour d’un bon repas», explique le chef de famille.
Tandis que les commerçants se plaignent du manque de clients. D’autres attendent la veille du réveillon pour fonctionner en mode «31 décembre», autrement dit se mettre dans la mouvance de la fête. Ramata Coulibaly, une cliente que nous avons rencontré devant une boutique explique être venue personnellement acheter une robe pour se rendre belle la nuit du nouvel An.
Nahawa Sangaré
Mariam Suzane Oumar BA
Source : L’ESSOR