Première et unique femme agrégée en endocrinologie au Mali et dans la sous-région jusque-là, Pr. Sidibé Assaïta Traoré est celle qui a créé cette discipline de main de maître à l’Ecole nationale de médecine, de pharmacie et d’odontologie. C’était en 2010.
L’endocrinologie est la science de l’étude des hormones, leur fonctionnement sur le corps humain et le traitement des maladies liées aux dysfonctionnements de ces hormones comme les glandes thyroïdiennes (goitre, obésité, troubles de la ménopause, diabète, d’autres maladies du métabolisme, etc.).
Du haut de ses soixante-dix ans, l’histoire du professeur titulaire en endocrinologie, Assa, comme l’appellent affectueusement ses intimes et étudiants, commence véritablement en 1985, date de son retour au bercail. Jeune bachelière de la fin des années 70, Pr. Assa s’est envolée en France pour des études en médecine. Elle s’inscrit à la Faculté de médecine de d’Aix-Marseille en France.
Après son cycle d’études de 7 ans couronné par sa thèse de doctorat en diabétologie, elle poursuit sa spécialisation en endocrinologie, maladies métaboliques et nutrition. Un défi relevé au bout de 4 ans d’études supplémentaires.
Au moment où elle faisait le bonheur des CHU en France, l’endocrinologue diabétologue a tout arrêté pour rentrer au Mali en 1985. Tournant ainsi le dos à ses émoluments cossus et avantages gracieux ainsi que ses nombreuses sollicitations dans le cadre de son travail. Des confères français, maliens et d’autres nationalités n’en revenaient pas.
La longiligne Pr. Assa, une dame très conviviale, sociable file le parfait amour avec son pays le Mali qui l’a vu naître. C’est ainsi qu’elle a mis fin au mythe des endocrinologues expatriés qui écumaient nos hôpitaux au nom de la coopération bilatérale, grâce à son arrivée et son engagement pour cette discipline peu vulgarisée.
Elle devient en 2006, maître de conférences, agrégée en endocrinologie (maladies métaboliques et nutrition) au Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur (Cames). En 2014, Assa est professeur titulaire du Cames dans la même discipline.
Avant de faire valoir ses droits à la retraite dans ce même CHU, Pr. Assa se rend compte de la nécessité de vulgariser son travail et de préparer la relève.
Dès son arrivée sur sa terre natale, elle sert pendant de nombreuses années à l’hôpital du Point “G” (de 1986 à 2010), devenu plus tard un Centre hospitalier universitaire (CHU). Elle fut plus tard affectée à l’hôpital du Mali dès sa création en 2011, en qualité de spécialiste en endocrinologie diabétologie.
De cette initiative a germé en 2010, l’idée de création d’un diplôme d’études spéciales (DES) en endocrinologie, à la Faculté de médecine, et d’odontostomatologie (Fmos). Ce DES n’a pas été ouvert que pour les Maliens. Au contraire, des étudiants des quatre coins d’Afrique y sont passés. Surtout qu’en ce moment, c’était la seule faculté dans la sous-région qui dispensait une formation de spécialisation pointue dans le domaine.
“Les différentes promotions formées comprennent des Maliens, Ivoiriens, Camerounais, Guinéens, Béninois, Sénégalais, etc.”, témoigne Pr. Assa. Ces derniers venaient à Bamako pour des sessions de deux à trois semaines, voire un mois, sur une durée de quatre ans.
Le professeur d’endocrinologie, très avare en parole, aura bientôt la chance de voir des étudiants de sa première promotion prendre part au tout prochain concours d’agrégation du Cames. Parmi cette cuvée de toubibs, figurent plusieurs nationalités africaines dont une seule Malienne qui sert fièrement à l’hôpital du Mali. Un sésame à ces futurs agrégés qui leur permettra d’emboiter les pas de leur professeur et d’enseigner à leurs cadets qui rêvent d’embrasser cette carrière.
A ce jour, grâce au DES en endocrinologie créé du bout de ses idées par Pr. Assa, une vingtaine de jeunes Maliens sont spécialisés dans cette matière. Ils ont été dispatchés dans les différents CHU du Mali, les CS-Réf des régions et des six communes du district de Bamako. Ce qui enlève à de nombreux malades du diabète et d’autres maladies de métabolisme le souci et l’angoisse des déplacements longs, périlleux et coûteux dans un seul CHU de Bamako.
Malgré ses 72 ans sonnés et sa retraite bien méritée dont elle devrait bien profiter, la dame au cœur d’or ne connaît pas de repos. Du tout. Elle continue sa vie de médecin, de professeur à la Fac comme à son plus jeune âge.
Dans sa propre clinique, située dans un quartier huppé de la rive gauche du fleuve, à Bamako, Pr. Assa reçoit tous les jours de nombreux malades avec l’aide d’un seul assistant et de deux collaborateurs. Ces derniers se relaient à la réception pour enregistrer des dizaines de malades venus se faire ausculter.
Dans la même clinique, sa journée commence dès 8 h et se termine tard souvent au-delà de 17 h. Elle ne quitte jamais qu’après avoir consulté le dernier patient. “Pr. Assa a voulu mettre un terme à toute cette acrobatie. Son âge ne lui permet plus certaines choses. Tantôt donner des cours par-ci, des séminaires par-là, tantôt encadrer des étudiants en thèse en même temps suivre le rythme infernal de sa clinique. C’est trop pour elle. C’est pourquoi elle a même arrêté ses contrats de prestation dans certaines grandes entreprises publiques de la place depuis un moment”, témoigne un de ses collaborateurs.
Selon ce dernier, certains malades ne veulent même pas entendre un seul jour que Pr. Assa est empêchée pour des consultations (plus de 60 par jour) pour telle ou telle raison. “Chacun des patients a hâte de la voir avec l’espoir et le sentiment que cette seule rencontre soulagera son mal”, ajoute-il.
Pr. Assa mérite plus de reconnaissances de la part de l’Etat, même si elle est lauréate de la médaille de chevalier de l’Ordre national en 2015.
La praticienne a auteur de plusieurs publications scientifiques dans les magazines spécialisés, a obtenu d’autres distinctions honorifiques au Mali. En 2011, elle est récipiendaire du “Women of excellence” de l’ambassade des USA au Mali, puis du diplôme d’honneur du Conseil de l’Ordre des médecins du Mali en 2014.
Abdrahamane Dicko