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PR. AKORY AG IKNANE, coordinateur national de la lutte contre COVID-19 : “Nous commençons à être débordés”

Le Mali a franchi son pic de contamination record jamais atteint lors de la première vague du Coronavirus cette semaine, avec plus de 150 cas positifs enregistrés en 24h. Le Coordinateur national de la lutte contre la pandémie, Pr. Akory Ag Iknane dans cette interview, détaille la stratégie mise en place par sa cellule pour faire face à cette deuxième vague qui fait aussi plus de décès par rapport à la première.  

Mali Tribune : Le Mali a enregistré son taux record de contamination à la Covid-19 plus de 150 cas en 24h. Devrions-nous nous attendre au pire dans les prochaines semaines ?

Pr Akory Ag Iknane : Nous avons eu une première vague qui a évolué pratiquement en trois phases. Une première était ascendante avec une évolution progressive des cas. Cette phase a duré douze semaines. Ensuite, nous avons eu une deuxième phase de défervescence avec une réduction progressive du nombre de taux qui a duré huit semaines. Et puis, nous avons eu une phase en plateau avec un nombre de cas peu élevés de cinq à six cas par jour. Cette longue période de douze semaines a donné l’impression aux gens qu’on était vers la fin de l’épidémie. Il y a eu un relâchement total des mesures de prévention que ça soit le port de casque, la distanciation physique, le lavage des mains à l’eau et au savon, en plus de ceux qui sont dans le déni qui ne croient pas à la maladie.

Brusquement avec cette saison froide, déjà propice aux infections respiratoires, il y a une remontée progressive du nombre de cas avec un pic jamais atteint pendant la première phase. Pendant la première phase, le pic a été atteint le 15 juin avec 71 cas.

Cette fois-ci, on est à 455 cas une semaine avec un pic à 155 cas enregistrés lundi. Ça veut dire qu’il y a nécessité de repenser auprès de tous les acteurs notre stratégie pour qu’ensemble on puisse agir afin de réduire cette évolution assez importante avec des mesures fortes.

 

Mali Tribune : Lesquelles ?

Pr. A. A. I. : Sans pouvoir en imposer, il faudrait que les gens prennent conscience. Nous voyons que le nombre de décès aussi augmente. Avec cette nouvelle vague accompagnée d’une saison froide propice aux infections respiratoires, les gens restent à la maison pensant que c’est une toux banale. Souvent, ils viennent tard dans les services de santé c’est pourquoi souvent on enregistre ces taux de mortalité.

 

Mali tribune : Quelle est la tranche d’âge qui est la plus touchée par cette deuxième vague ?

Pr. A. A. I. : Globalement dans cette épidémie, c’est la tranche d’âge entre 24, 35 jusqu’à 40 ans, la population jeune qui est le plus porteur du virus. C’est eux qui transportent le virus aussi, mais ce n’est pas eux qui font des formes graves. Pour les cas graves, même par rapport à la première vague, c’est les personnes âgées de plus 65 ans qui présentent généralement d’autres pathologies associées soit l’hypertension, le diabète ou l’association avec les deux, des problèmes pulmonaires…

 

Mali Tribune : Comment la cellule de lutte procède à la prise en charge de ces nouveaux cas positifs à la Covid-19 ?

Pr. A. A. I. : Notre stratégie est très simple. Aujourd’hui, nous avons 202 cas hospitalisés dans les structures de prise en charge (chiffres du mardi 8 décembre), 442 cas qui sont hospitalisés à domicile.

L’hospitalisation à domicile surtout pour éviter d’engorger les structures de santé. Surtout ces personnes sont déclarées positives ne présentent aucun signe clinique, pas de toux, ni de fièvre et ils n’ont aucune difficulté respiratoire. Si les dispositions sont possibles à la maison pour leur hospitalisation, ils sont suivis à domicile. C’est la stratégie que nous avons mise en place. Dans l’ensemble des cas, nous avons à peu près 80 % des formes simples.

Il y a à peu près 10 % des cas qui peuvent être des formes sévères qui nécessitent une prise en charge médicale d’urgence avec assistance respiratoire.

Nous commençons effectivement à être débordés par rapport à la réanimation de ces 10 % des cas. C’est pourquoi on est en train de travailler à élargir les structures de prise en charge.

En début de semaine, a été inauguré à l’hôpital du Point G, un centre d’urgence dédié uniquement à la Covid-19, financé par la Minusma.

 

Mali Tribune : Le Conseil supérieur national de la défense réuni le 1er décembre, a décidé de renforcer les mesures de prévention et de sensibilisation. Pensez-vous qu’elles sont assez fortes pour renverser la tendance ?

Pr. A. A. I. : Pour nous, le plus important c’est de faire en sorte que les Maliens respectent les mesures de prévention.

Sous la présidence du Premier ministre, nous avons eu une réunion avec les membres du comité scientifique, l’équipe du PM pour essayer de proposer de nouvelles mesures qui puissent permettre de réduire la propagation de cette épidémie.

Sinon je rappelle qu’il y a déjà des mesures en vigueur, mais qui ne sont pas respectées. C’est pourquoi nous en appelons à l’esprit même civique des Maliens face à cette maladie extrêmement transmissible. Une seule personne peut transmettre la maladie à 30 à 40 personnes. Le simple lavage des mains à l’eau et aux savons à lui seul, par exemple, est capable de réduire la transmission de près de 65 %. Ce n’est pas négligeable et c’est un geste très simple.

 

Mali Tribune : De nouvelles mesures qui vont nécessiter aussi un coût. Le montant injecté par le Mali dans la lutte contre le coronavirus s’élève à combien ?

Pr. A. A. I. : Je ne saurai vous dire le montant exact, je sais le premier plan de riposte que nous avions élaboré sur six mois s’élevait à près de 55 milliards de F CFA. Pratiquement le gouvernement du Mali  contribué à près de 35 milliards. Il faut dire que dans ce financement, les partenaires se sont chargés de payer eux-mêmes les équipements. Il y a des équipements qui sont arrivés sur place. D’autres ne sont pas encore arrivés. On a fait une évaluation de ce premier plan. Nous sommes en train de travailler sur un second, mais je ne saurai vous dire exactement pour l’instant ce qui a été injecté dans cette lutte. Il y a des financements qui ont été octroyés à beaucoup de départements dont la Communication, le Commerce et la Concurrence… Il faudrait une évaluation d’ensemble pour voir les ressources qui ont été injectées dans la lutte contre cette pandémie.

Ce qui est extrêmement important, nous avons des difficultés par rapport à cette augmentation du taux. Toutes nos prévisions sont en train d’être dépassées avec cette nouvelle vague.

Nous avons près de 2 500 personnes qu’il faut tester par jour lorsqu’on était à 500. Il ne faut pas oublier les voyageurs. On teste aujourd’hui plus de voyageurs que des gens dans le domaine de la surveillance. Il faut augmenter le nombre de tests, pour ça il nous faut des ressources importantes pour avoir à disposition les kits de prélèvements, les réactifs pour qu’on ne soit pas en rupture. On ne maitrise pas l’évolution de cette maladie nouvelle et on en prend tous les jours.

 

Recueillis par

Kadiatou Mouyi Doumbia

Source: Mali Tribune

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