Provoquées par un contexte économique et sociale difficile, les violences xénophobes qui ont touché l’Afrique du sud cette semaine ont fait 10 morts et compliqué les relations entre Pretoria et ses partenaires africains.
Au moins 10 morts, des dizaines de commerces vandalisés ou incendiés et des tensions diplomatiques naissantes : l’Afrique du sud connaît depuis une semaine ses pires émeutes xénophobes depuis une décennie, au point que son président, Cyril Ramaphosa, est intervenu jeudi à la télévision. “Des familles ont été traumatisées. Des vies ont été détruites”, a-t-il déploré, qualifiant la vague de xénophobie qui traverse le pays d’”injustifiable”. Jeudi, la police a renforcé ses effectifs pour tenter de mettre un terme définitif aux violences.
Ces émeutes ont débuté dimanche soir après la mort de trois personnes dans l’incendie encore inexpliqué d’un bâtiment du centre-ville de Johannesburg, avant de se propager à d’autres endroits de la ville puis à Pretoria, à une soixantaine de kilomètres de là. Pendant plusieurs heures, lundi, des centaines de personnes, souvent armées de gourdins et de pierres, ont incendié et dévalisé des magasins de Johannesburg et le ministre nigérian des Affaires étrangères a accusé les émeutiers d’avoir visé des magasins de ressortissants de son pays, présents en nombre dans la ville.
Des violences régulières contre les étrangers
Première puissance industrielle du continent, l’Afrique du sud a attiré des millions d’immigrés africains. Mais le pays se débat avec un fort taux de chômage (29%) et d’énormes disparités sociales et économiques, qui alimentent régulièrement un sentiment xénophobe. Cette colère se retrouve notamment chez les routiers, qui ont bloqué des routes autour du Cap pour dénoncer la place prépondérante prise par leurs collègues étrangers, souvent sans-papier et moins rémunérés qu’eux. Une dizaine d’entre eux ont été tués depuis le début de l’année dernière.
Les violences ont pris une tournure internationale en milieu de semaine. Le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a dénoncé mardi des attaques “abjectes” et le chef de l’Etat nigérian Muhammadu Buhari s’est dit “très inquiet” de la situation. Le Nigeria a d’ailleurs décidé de boycotter le Forum économique mondial sur l’Afrique qui s’est ouvert mercredi au Cap.
Mais les réactions ont rapidement dépassé le cadre de la politique :
- De nombreuses personnalités nigérianes ont appelé au “boycottage total” des entreprises sud-africaines, telles que le fournisseur de programmes télévisés DSTV ou le géant des télécoms MTN.
- La Zambie puis Madagascar ont annoncé l’annulation des matchs de football qui devaient l’opposer à l’Afrique du Sud.
- Les chanteurs nigérians Burna Boy et Tiwa Savage, stars sur le continent et dans la diaspora africaine, ont annoncé qu’ils refusaient également de se produire en Afrique du sud.
Des représailles au Nigeria et au Congo
Depuis quelques jours, des violences ont éclaté dans d’autres pays africains en représailles aux émeutes xénophobes qui ont lieu en Afrique du sud. Au Nigeria, l’accès à un supermarché sud-africain Shoprite, dans la capitale fédérale Abuja, a été bloqué, provoquant d’importants échauffourées. “Nous devons venger la mort de nos citoyens en Afrique du Sud”, expliquait alors un manifestant cité par l’AFP. Le président sud-africain a pourtant expliqué jeudi que parmi les 10 morts ne figurait qu’un seul ressortissant étranger.
Au Nigeria, l’Afrique du Sud a décidé, après avoir reçu des “menaces”, de fermer son ambassade à Abuja et son consulat à Lagos. “La situation reste imprévisible”, a expliqué la chef de la diplomatie sud-africaine, Naledi Pandor, dans un communiqué. Et la colère contre les Sud-africains s’est emparé d’autres pays. En République démocratique du Congo, par exemple, le consulat d’Afrique du Sud et un magasin d’une enseigne sud-africaine ont été attaqués à Lubumbashi, la deuxième ville du pays.
“NOUS ALLONS TRAVAILLER, ENTRE FRÈRES, AVEC L’AFRIQUE DU SUD, POUR TROUVER DES SOLUTIONS À LEURS PROBLÈMES”
Les autorités sud-africaines espèrent que le plus gros des violences xénophobes est maintenant passé. “Le seul endroit où un groupe nous donne beaucoup de soucis est Katlehong”, un township à une trentaine de kilomètres de Johannesburg, a déclaré le responsable de la région, David Makhura. La police y a dispersé jeudi, à coups de balles en caoutchouc et de grenades assourdissantes, des manifestants armés de pierres. “Le temps du calme est venu”, a affirmé jeudi le président, Cyril Ramaphosa.
Sur le front diplomatique, l’heure est aussi à l’apaisement. “Le Nigeria ne cherche pas à exacerber les tensions”, a assuré un conseiller de la présidence nigériane. “Nous allons travailler, entre frères, avec l’Afrique du Sud, pour trouver des solutions à leurs problèmes, qui sont devenus aussi les nôtres.”