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Pourparlers inter maliens : Alger et les négociateurs du vent

Pourquoi, aujourd’hui encore, y a-t-il des affrontements entre différents groupes armés au Nord du Mali ? Simplement parce que des conditions ont été créées, par le MNLA et ses soutiens, pour qu’on en arrive là. Pour qu’à Kidal, on ne se pense plus en Malien mais en Azawadien. Pour qu’on se sente Imghad, Ifoghas et non Malien. Pour mettre en danger l’idée même de Nation.

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De nombreux Maliens mettent tout ce qui leur reste d’espoir dans la signature d’un accord définitif de paix. Ce sont des amoureux de la paix. Et pourtant, le document du « projet d’accord pour la paix et la réconciliation au Mali », proposé par l’Algérie, chef de file de la médiation internationale, a déjà semé les graines de la division dans le pays. Beaucoup le jugent « dangereux », et y voient même un marché de dupes. Les plus lucides, du moins ! En effet, il n’y a que le pouvoir malien qui semble « avaler » ce document. Qui plus est, les pourparlers piétinent. Le prochain round des pourparlers est toujours remis à plus tard sans communiqué officiel. De quoi se poser des questions !

Pendant que les organisations citoyennes, la classe politique, les rencontres intercommunautaires se penchent sur le document du projet d’accord, les séparatistes du MNLA, et un groupe armé pro-gouvernemental, le GATIA, ont rallumé la mèche. Ils se sont lancés dans des combats sanglants qui ne vont certainement pas changer la réalité sur le terrain. L’étrange dans l’affaire, c’est que, cette fois-ci, la Minusma, dont les soldats payent un lourd tribut depuis le début de cette guerre, a rétorqué à certaines attaques des groupes armés séparatistes dans la localité de Tabankort. Cela a poussé le MNLA à faire un esclandre, et appeler, comme d’habitude, femmes et enfants à sortir dans les rues de Kidal, pour demander le départ de la Minusma. En réaction, une marche de soutien à la Minusma et aux Forces armées maliennes a eu lieu à Gao.

Tous ceux qui ne refusent pas de voir l’ont compris. Avant de s’occuper de savoir qui de la Minusma, du Gatia et du MNLA a ouvert les hostilités, force est de constater que le MNLA, tenant en laisse le HCUA et le MAA dissident, souhaite maintenir le statu quo. On n’a pas besoin d’être un grand stratège pour comprendre que cela lui est d’ailleurs « favorable ». Pour le MNLA, les groupes armés pro-gouvernementaux sont des ennemis parce qu’ils défendent la ligne nationale ; et par une insupportable perversion, les agissements du MNLA sur le terrain trahissent toute volonté d’avoir la paix au Nord du Mali, cette partie où les populations n’en peuvent plus d’être dans une sorte de déréliction par sa seule volonté.

Il faut faire des constats simples. Qu’on le veuille ou non, les négociations à Alger se déroulent au rythme souhaité par le MNLA. Qu’on le veuille ou non, le HCUA, le MAA dissident sont aussi le MNLA. Qu’on le veuille ou non, presque 16 millions de Maliens ont, depuis trois ans, leur sommeil et leur repos troublés par des gangsters qui ne représentent qu’eux-mêmes. Depuis trois ans, les attentats, la mort, le bruit des balles et des tirs de roquettes sont le pain quotidien de ceux qui vivent au Nord à cause de quelques groupuscules rebelles de merde.

Pourquoi, aujourd’hui encore, y a-t-il des affrontements entre différents groupes armés au Nord du Mali ? Simplement parce que des conditions ont été créées, par le MNLA et ses soutiens, pour qu’on en arrive là. Pour qu’à Kidal, on ne se pense plus en Malien mais en Azawadien. Pour qu’on se sente Imghad, Ifoghas et non Malien. Pour mettre en danger l’idée même de Nation. Sans oublier, qu’au Nord, la donne n’est plus la même à cause de cette montée en force des djihadistes.  Personne n’ignore, personne n’oublie que la même bannière flotte au dessus de la tête de ces gens et des séparatistes, même s’ils le nient.

La farce des négociations

On ne reviendra pas sur le fait que les derniers évènements de Tabankort sont des réactions de régression. Même s’il faut préciser que les derniers affrontements GATIA-MNLA ne font que confirmer les craintes formulées dès la création de ce groupe d’autodéfense. A l’époque, nous avions écrit dans ces colonnes que la création d’un autre groupe armé révélait que le rapport de force existant entre le MNLA et les autres groupes ne pouvait plus durer. La preuve est là. Dans un entretien qu’il nous a accordé il y a quelques semaines, le journaliste et écrivain touareg, Intagrist El Ansari,  le précisait très clairement : « La profusion des groupes armés est avant tout le signe de conflits d’intérêt d’ordre clanique, ou tribal, qui se jouent localement et au sein des groupes armés initiaux. Ces derniers temps, il y a eu multiplication de groupes. Certains se revendiquent de « l’Azawad », d’autres sont des groupements d’autodéfense. En fait, c’est simplement que chacun ne veut pas rester en dehors, sous coupole, ou mal servi par un autre (1)»

Il y a énormément de Maliens qui disent la tête haute et le buste droit que les négociations d’Alger ne sont qu’une farce, à partir du moment où au Nord du Mali au lieu des rebelles separatistes, ce sont les djihadistes qui s’avèrent dangereux et qui donnent l’impression d’être « partis pour rester ». De quoi pousser d’aucuns à dire que les négociations sont « une perte de temps pour l’Etat malien mais du temps politique pour le MNLA».  Pour citer Intagrist El Ansari, à nouveau: «…cette histoire de va-et-vient est simplement un jeu pour gagner du temps et affaiblir l’attente des quelques militants des groupes armés, car la question – ou le compromis – a été bien scellée à mon sens, dès la signature de la feuille de route en juillet dernier, et c’était clair pour tous, même pour les militants des groupes armés qui s’étaient alors indignés et qui avaient compris dès lors’’ qu’ils n’allaient plus rien attendre des différents groupes armés’’ ».

Ce qui est encore plus frappant, c’est qu’on en est toujours à la case départ : indépendance, autonomie, fédéralisme. Alors qu’il était clair pour tout le monde que ces questions n’ont plus leur place à la table des négociations. Si elles continuent d’être évoquées, et si l’opposition politique dénonce le document du projet d’accord proposé par la médiation algérienne, c’est que ces négociations, sauf grosse surprise, risquent d’être du vent pour le Mali. En sera-t-il de même pour les groupuscules séparatistes ? N’y gagneront-ils que du vent, eux aussi ?

Boubacar Sangaré

source : Flambeau

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