La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) était appelée à donner son avis sur les cas de deux femmes musulmanes estimant avoir été discriminées, c’est-à-dire licenciées, parce qu’elles refusaient d’enlever leur foulard islamique. La CJUE a tranché ce mardi 14 mars, considérant qu’une entreprise avait le droit, sous certaines conditions, d’interdire le port de signes religieux ou politiques visibles.
Selon la CJUE, basée à Luxembourg, le règlement interne d’une entreprise est parfaitement fondé à interdire le port de signes religieux, philosophiques ou politiques visibles, comme le foulard, sous certaines conditions. La Cour a rendu deux arrêts en ce sens, mais il reviendra aux plus hauts juges français et belges, qui demandaient son interprétation du droit à la Cour, de trancher légalement ces litiges. La question du port du voile reste sensible au sein de l’Union européenne, où les opinions et les pratiques sont très divergentes, notamment en France et en Belgique, deux Etats historiquement attachés aux principes de laïcité et de neutralité.
La CJUE avait été saisie sur deux cas. D’abord, en Belgique, une réceptionniste ayant annoncé à son employeur, au bout de trois ans de présence dans l’entreprise, de porter le foulard. Elle s’était vue licencier après rappel oral puis écrit de la consigne de neutralité. Deuxième dossier : une ingénieure d’études employée par la société française Micropole. Elle portait le foulard lors de son embauche en 2008, mais lors d’un rendez-vous avec un client, ce dernier s’était plaint et avait exigé qu’elle le retire. Après avoir refusé d’accéder à cette requête transmise par l’employeur, elle avait été licenciée en juin 2009.
Dans ce deuxième cas, la Cour a émis un avis complémentaire. Faute de règle interne en matière de neutralité dans une entreprise, explique-t-elle, un client ne peut imposer de ne plus recevoir de services fournis par l’une de ses employées qui porte le foulard islamique. Détaillant les situations de discrimination « indirecte », la CJUE considère qu’une obligation de neutralité ne doit pas entraîner de désavantage pour des personnes en fonction de leur culte religieux ou à de leurs convictions, et doit être justifiée par un « objectif légitime » au travers de moyens « appropriés et nécessaires ».
Les deux arrêts parallèles consacrent une règle qui a le mérite d’être claire, analyse notre correspondant à Bruxelles, Quentin Dickinson. Désormais, toute entreprise privée en Europe qui voudra interdire le port du voile islamique dans ses locaux, ou dans le cadre professionnel à l’extérieur de ceux-ci, devra donc promulguer un règlement intérieur qui exclut le port visible de tout signe religieux, politique ou philosophique. Il n’y aurait donc pas lieu de pouvoir se plaindre d’une quelconque discrimination, puisque la mesure serait universelle et garantirait la neutralité absolue sur les lieux du travail.
Ce que les arrêtés disent cependant, c’est que cette interdiction n’est d’application que pour ce qui est des contacts avec la clientèle ou d’autres tiers. Ce que les arrêts ne disent pas, c’est s’il faut en tenir compte dans l’entreprise, en dehors des contacts avec l’extérieur. On peut cependant en inférer que les préventions exprimées par les clients et qui sont à l’origine de ces deux affaires peuvent être partagées par des collègues de travail. On attend maintenant que des dizaines de milliers d’entreprises privées se hâtent de mettre en vigueur des règlements intérieurs en conformité avec ces décisions de la Cour de justice de l’Union européenne.
Rfi