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Portrait : S comme Sankara

Qui l’aurait cru ! “Votre petit Sankara est fini.” C’est le communiqué qui a annoncé la mort de Thomas Sankara le 15 octobre 87. Pourtant, quelques mois auparavant, Ouagadougou bruissait de rumeurs d’un coup d’Etat contre la personne du Président du Faso. Et Sankara lors d’une conversation confesse à sa femme : ” Si Blaise veut me tuer, il me tuera. Je l’attendrai au ciel. “

Thomas Sankara ancien president burkinabe assassine revolution

Homme d’action et de foi, Sankara l’était. Lui et Blaise étaient devenus des frères. Le sens de l’amitié qui les liait était si fort que lors de la guerre des tracts dans les années 86-87, Thomas ayant découvert l’implication de Blaise dans la rédaction de tracts fustigeant directement le PF aurait dit à des proches : “J’ai peur pour Blaise. Maintenant qu’on a des preuves contre lui, il risque de prendre la fuite. Il est même capable de se suicider.” Nous étions en septembre 87.

Convaincu que “du choc des idées naîtra la vérité” et croyant naïvement en la perfectibilité de l’âme humaine, Thomas va voir son ami Blaise à son domicile ” pour soutenir son moral “. Lui-même l’avait dit dans son message d’adieu à l’Afrique : “Ce n’est pas parce qu’un homme a trébuché qu’il est forcément incapable de marcher. Ce n’est pas parce qu’un homme a commis une faute, même prouvée qu’il est incapable de s’amender et devenir meilleur.” Si seulement son frère et ami avait compris la portée de ce cri de cœur… Lui, a préféré le cri des armes.

Sankara est mort, à 38 ans, assassiné par des para-commandos venus de Pô. Deux impacts de balles au front l’ont tué. Son corps gisant dans le sang avec ses 12 autres suppliciés, Blaise avance, le regarde pour la dernière fois et ordonne de l’enterrer au cimetière de Daghnoën. Pour le pouvoir, on tua. Pour le pouvoir, on tuera…

Le combat tricontinental que Sankara avait engagé aux côtés des Africains, des Asiatiques et de l’Amérique latine lui avait valu une popularité au-delà des simples frontières de sa Haute-Volta natale. Et ceux qui ont pensé qu’en le tuant le peuple se réjouirait se sont fourvoyés. L’assassinat de Sankara a créé un vide jusque-là incommensurable.

Une onde de choc qui continue de se répandre, près de trois décennies après son assassinat. Même si la révolution burkinabé d’août 83, avec ses “quatre bandes” [Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Henri Zongo et Lingani] n’a pas réussi de grandes performances macroéconomiques, sur le plan social le Burkina n’aura jamais obtenu ni auparavant, ni jusqu’à nos jours, les résultats sous Sankara. “Thomas Sankara laisse derrière lui des idées fortes mais simples : justice sociale, probité, moralisation de la chose publique, lutte contre la corruption, la santé pour tous, l’éducation pour tous, la nourriture, l’eau, l’habillement et le logement pour tous…

Chacun vise un idéal, mais il lui en coûte de le réaliser ; il se contente alors de fixer l’horizon et d’aller à son rythme. Sankara, lui, avait voulu que tous bondissent vers l’horizon, convaincu, disait-il, que “tout ce qui sort de l’imagination de l’homme est réalisable par l’homme.” Des ambitions peut-être trop simples pour être réalisables “, concluait son ami, feu le journaliste Sennen Andriamirado dans Thomas Sankara, chronique d’une mort violente.

Parce que l’exemple du sacrifice pour la patrie devrait venir d’en haut, Sankara touche 138.736Fcfa comme salaire et roule en Renault 5.

La guerre des numéros était pourtant prévisible, il en a toujours été ainsi des révolutions. Celle de notre voisin burkinabé ne fera pas exception. En 87, lors de son voyage en France, Chantal Compaoré confiera à un journaliste étranger : “Alors, tu as vu ton ami Thomas ? Avec lui maintenant, c’est le pouvoir personnel !” A quelques amis proches, Sennen dit à peine : “Si Chantal dit ce que Blaise pense, il va y avoir des problèmes.”

Parce que Sankara avait voulu faire faire à son pays, en quatre ans, ce qu’il n’a jamais réalisé après des décennies d’indépendance, il se heurta à la résistance de ses tombeurs. Eux, n’étaient pas venus pour faire une révolution, mais plutôt pour gérer un pouvoir et tout ce qui en découle comme avantages. La preuve, la révolution ne survivra pas après Sankara.

La conspiration était donc en marche ! L’exécution préméditée. Près de 30 ans après, l’inévitable question hante Blaise Compaoré et sans doute pour le reste de sa vie : Qui a ordonné de tirer sur Sankara ce jeudi 15 octobre 1987 au Conseil de l’Entente ?

La justice burkinabé entend poursuivre le dossier jusqu’au bout. Malheureusement, les hommes au pouvoir en ce moment au Burkina ont tous été à l’école du même Blaise Compaoré. Plus particulièrement Roch Marc Christian Kaboré, l’actuel président du Faso. Tant que le même clan de politicien véreux, incompétents et voleurs seront au pouvoir, il est difficile voire impossible pour le peuple de connaitre enfin la vérité un jour.

On cherchera en vain à accuser l’homme d’être un dictateur. Le trop de zèle d’un certain Léopold Sédar Senghor qui ne l’avait jamais porté dans son cœur fut un échec total. Malgré le soutien de la France, il n’a jamais pu convaincre que Sankara était de ceux qui ”bâillonnent leurs peuples”. Certes, l’homme a-t-il commis des erreurs. Ses méthodes parfois sans diplomatie n’étaient pas du goût de tous. Néanmoins, il incarne et incarnera l’espoir à travers ce qu’on peut aujourd’hui qualifier de ”Modèle Sankara” : Rompre systématiquement avec le diktat occidental.

Près de 30 ans après son assassinat, l’image de Sankara va crescendo, ses fans se comptent par millions dans toute l’Afrique et le reste du monde. Malheureusement, la justice burkinabé risque d’enterrer le dossier Sankara. “Quand les peuples auront fini de perdre leur âme, c’est par la justice qu’on le saura”, disait un griot mandingue en 1946. On peut dire avec certitude aujourd’hui que la postérité gardera de lui “l’image d’un homme qui aura mené une vie utile pour tous”, en guise de testament.

Repose en paix. Thomas.

O. Roland

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