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Point de mire : LE PRINCIPE DE RÉALITÉ

La sortie de crise comporte pour notre pays trois vérités incontournables. L’Accord peut aider à les assumer

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Lorsque les certitudes anciennes faiblissent, le vrai courage consiste sans aucun doute à affronter sans hésitations les interrogations nouvelles et à accepter d’envisager les choix les plus difficiles. Le questionnement sur l’avenir ne concerne pas le seul Mali. Presque partout dans le monde, des désordres inédits interpellent les nations et imposent des remises en cause à la radicalité variable. Pour sa part, notre pays s’est retrouvé à plusieurs reprises au cours de son histoire moderne à la croisée des destins. Il a du, chaque fois, se déterminer sans avoir l’absolue garantie d’avoir fait l’option la moins périlleuse. Mais jamais sans doute auparavant il ne s’était retrouvé à assumer un choix aussi crucial que celui qu’il fait et qui sera consacré de manière solennelle demain.
L’enchaînement d’événements tragiques depuis janvier 2012, le poids des épreuves cumulées en trois longues années, les souffrances renouvelées des populations de notre Septentrion, le désarroi de nos compatriotes qui ont vu en de multiples circonstances s’estomper une accalmie à peine ébauchée exigent qu’un acte déterminant soit aujourd’hui posé en faveur de la paix. Les pourparlers d’Alger ont préparé cet acte dans la difficulté, en s’efforçant de dénouer les réticences et de réduire les résistances. Les médiateurs ont proposé des compromis devant lesquels chacune des parties s’est cabrée en invoquant l’importance des concessions qui lui étaient demandées. Mais malgré tout, la mise sur l’esprit de raison a été maintenue, car seul cet esprit pouvait faire comprendre aux protagonistes que la sortie de crise ne se ferait pas sans sacrifices d’importance.
Ces sacrifices, les parties qui ont paraphé l’Accord les ont acceptés sans dissimuler la difficulté qu’ils rencontreraient à aller expliquer aux populations maliennes la nécessité de certains compromis. Car l’écrasante majorité de nos compatriotes ne se représentait pas Alger comme un lieu de négociations à proprement parler. Elle percevait les discussions avec la Médiation comme une opportunité offerte à nos autorités de rappeler à la face du monde la bonne volonté déployée depuis 1991 par le Mali dans la résolution pacifique des conflits armés surgis au Nord du pays ; de faire mesurer l’ampleur des efforts consentis depuis cette date pour le développement du Septentrion ; de faire admettre que toutes les concessions admissibles avaient été déjà consenties dans les accords de paix précédents ; d’arracher une condamnation internationale de l’usage de la force dans la défense des revendications ; et d’obtenir un éloignement net et définitif du spectre de l’autonomie.

UN TRI INDISPENSABLE. Nos compatriotes escomptaient donc que la Médiation prenne fait et cause pour le gouvernement et s’emploie à mettre à la raison la rébellion. D’où leur incompréhension, puis leur frustration lorsque furent connus les compromis proposés d’abord dans les « Eléments pour un accord pour la paix et la réconciliation au Mali », puis dans le pré Accord. La réaction instinctive de la majorité des Maliens a été à l’époque un rejet en bloc des premières propositions des médiateurs. Cette tendance s’est, par la suite, lentement modifiée pour arriver à l’acceptation du fait que l’Accord, en dépit des réserves qui peuvent être portées sur certaines de ses dispositions, représente la seule voie possible vers un rétablissement de la paix et une restauration de la sécurité.
Dans un difficile cheminement nos compatriotes ont pris sur eux de surmonter leurs préventions et la perception très émotionnelle qu’ils avaient de certaines concessions. La plupart d’entre eux adhèrent désormais au principe de réalité. Celui-ci impose trois vérités. La première est qu’il est absolument primordial de faire le plus rapidement possible le tri dans les intentions réelles des éléments armés basés au Nord du Mali. C’est-à-dire de distinguer les forces favorables à un règlement négocié de la crise de celles qui, appartenant aux groupes terroristes ou aux cohortes du crime organisé, ont intérêt à la perpétuation de l’insécurité. L’Accord qui organise les modalités de cantonnement, de désarmement, d’intégration et de réinsertion peut aider à cette décantation.
La deuxième vérité est qu’il est indispensable que nos forces de défense et de sécurité recouvrent la marge d’action dont elles disposaient avant que le cessez-le-feu conclu en mai 2014 ne leur impose un cantonnement de fait et laisse sans réelle protection des zones où la présence de nos troupes sur le terrain était indispensable. Les attaques des derniers mois au Nord et au Centre du pays montrent l’ampleur du champ abandonné de manière désastreuse à des forces négatives. Elles font aussi apparaitre le recul subi au niveau de la sécurisation du territoire en moins d’une année. L’Accord qui prévoit un redéploiement des FAMAs sur toute l’étendue du territoire national restitue à celles-ci une mission dont aucune autre force n’a pu s’acquitter à satisfaction en l’absence des éléments maliens.

DES INTÉRÊTS BASIQUES. La troisième vérité est que l’ampleur des engagements auxquels nous faisons face, le nombre de questions auxquelles nous devons trouver réponse sans délai sont tels qu’un appui diligent et conséquent de la communauté internationale nous est plus que jamais indispensable. Or cette communauté a besoin d’adosser son action à des options claires et précises faites par les autorités maliennes. Ces options sont pour l’essentiel consignées dans l’Accord qui servira certainement de vade-mecum pour certaines sollicitations maliennes.
La cérémonie de demain comporte en creux un challenge majeur, celui de voir la CMA se livrer enfin à un inventaire réaliste des désavantages auxquels elle s’expose en demeurant à la marge de la dynamique de la paix et de la réconciliation. Les questions soulevées par elle dans le document remis le 17 mars dernier à la Médiation ne peuvent être sous-estimées, car elles reflètent les intérêts basiques de certaines composantes de la Coordination. Les ignorer serait donc accepter la perpétuation du conflit armé. Mais ces questions peuvent être traitées à l’intérieur d’aménagements intelligents et transitoires lors de la période intérimaire de l’application de l’Accord. Cette démarche, qui associerait toutes les parties du processus de paix, donnerait le temps d’établir l’indispensable seuil de confiance entre les protagonistes.
La signature de l’Accord n’éteindra certainement pas toutes les discussions sur le contenu du document et sur la démarche adoptée. Mais il importe aujourd’hui de savoir accepter que, dans la situation actuelle, il ne se dégagera jamais une démarche entièrement sécurisante et unanimement cautionnée. Il importe aussi de ne pas entrer dans la paix à reculons en s’alarmant d’avance des blocages et des insuffisances. Car ceux-ci s’accumuleront inévitablement. Nous devons accepter que la sortie de crise abordée par notre pays a un prix et que nous ne pouvons nous dérober à cette évidence. Les certitudes anciennes qui se réfèrent à des temps malheureusement révolus chancèlent. Mais l’aptitude des Maliens à se donner des convictions nouvelles et à combattre pour elles reste, à notre avis, intacte. Et c’est elle qu’il nous faut préserver.
G. DRABO

source : L Essor

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