Après les interpellations de certains agents du Pari Mutuel Urbain accusés d’avoir mis en place un réseau de faussaires, le pôle économique avait poussé les auditions et les investigations. 9 personnes ont été poursuivies par le tribunal correctionnel spécial de la Commune III afin de faire la lumière sur des pratiques qui, selon certains responsables et agents, existent depuis plus de 20 ans, c’est-à-dire, depuis la création de la société en 1994.
En effet, le PMU-Mali est une société d’économie mixte créée par décret N°94-273/PRM du 12 Aout 1994. L’Etat détient 75% des actions et les 25 sont reparties entre d’autres personnes physiques et morales. Courant 2014 et 2015, des tickets douteux ont été découverts dans la chaine de traitement. Le Directeur Général Adjoint à l’époque avait exigé de dresser un rapport afin que les responsabilités soient situées. Puis s’en est suivie une série de convocations d’agents au 1er arrondissement pour apporter des éclairages.
9 personnes étaient assignées devant le tribunal : Il s’agit de Souleymane Diarra, Modibo Gaucher, Alioune Oumar Traoré, Safiatou Coulibaly, Mamadou Guissé, Idrissa Dem, Mamadou Traoré, Baba Kouyaté et Agarou Magassa.
Il leur a été reproché d’avoir porté atteinte, par des moyens frauduleux, aux biens sociaux de la société PMU-Mali en introduit illicitement et frauduleusement des tickets misés en ordre et en désordre lors des courses du 4 Novembre 2014 dont le montant est estimé à3.227.500 F et 4.730.000F pour le 30 Avril 2015 au préjudice de la société.
Le tribunal n’est pas compétent pour juger une telle affaire, relève un avocat de la défense d’entrée de jeu à labarre. Le parquet réplique et avance les arguments qui ont justifié la saisine du tribunal. Finalement la contradiction tourne en faveur du procureur avec la décision du président céans Zoumana Bouaré.
Qu’est ce qui a fait ressurgir ces affaires demande l’un des avocats ?
D’abord la Direction Générale avait mis en doute le BK80. Elle avait exigé plus d’investigations et nous avions fait une lettre d’accompagnement confirme Idrissa Dem : « Contrairement à ce que vient d’affirmer Mamadou Traoré, je me désolidarise de ses propos, ça ne m’engage pas. » Il a aussitôt contredit son prédécesseur à la barre, Mamadou Traoré qui avait soutenu que c’était de sa compétence de contrôler le système de payement.
Un témoin, Alpha Sangaré, répond à la barre pour clore l’interrogation de la défense : «C’était la pression du PDG à l’époque qui voulait que toute la lumière soit faite sur ces dossiers. Il ne cessait de nous le rappeler. »
Les prévenus, successivement à la barre, ont tous rejeté ce qui leur est reproché. Aucun d’entre eux dit ne pas être responsable d’une infraction dont ils ont tous certifié l’existence. C’est une question de responsabilité, de complicité et de manquement à des devoirs qui est jugée, lance le procureur avec un air très serein et souriant.
Les deux dossiers concernent BK80 et BP122. Deux dossiers où le principal prévenu est Mamadou Traoré, lui qui est désigné comme le cerveau d’un dispositif qui aura longtemps duré. L’homme admet qu’il y a eu faillite au niveau des responsabilités. Il s’en est même excusé pour avoir commis une erreur qui lui fatale, une première, dit-il, depuis 23 ans qu’il travaille au PMU Mali.
L’histoire de ces carnets frauduleux est bien réelle. Loin d’un assemblage saugrenu, les prévenus ont tous donné tort à ceux voyaient l’affaire ainsi. Jusqu’où les uns et les autres étaient impliqués ? L’objectif du procès s’inscrivait dans ce cadre explique le Procureur.
C’est Baba Kouyaté qui reconnait avoir montré des carnets (une dizaine peut-être) à Alioune Oumar Traoré qui les acheminés à l’étage pour les remettre au responsable du groupe 6, un certain Moussa Diarra.
Malgré le caractère douteux des carnets, Mamadou Guissé avait demandé avec insistance à Adiaratou Maïga de traiter le deuxième lot de carnets PB122. La dame, agent de traitement, affirme avoir refusé pour raison de retard, surtout qu’elle avait fini le traitement du lot qu’elle avait déjà reçu.
Mais malgré tout, le T6, document qui fait état de payement, a été établi sous les ordres de Mamadou Traoré. D’abord, il reconnait avoir rempli le T6 et laissé Alou Magassa le signer. A ce niveau, le procureur s’interroge : Pourquoi remplir un document que vous ne signez pas ? Mamadou Traoré répond ceci : « c’est ma plus grande erreur.»
Pourquoi demander à un agent de remplir un document qu’il n’est pas habilité à faire, et c’est par là que le mal est passé ? « C’est un cas exceptionnel, répond Mr Traoré. Personne n’est parfait, il y a des jours où l’homme peut se tromper. Kamissoko n’a pas voulu prendre ses responsabilités et c’est devenu une erreur fatale pour moi. Je l’ai fait, j’étais sur les nerfs » ajoute-t-il.
Me Abdoul Karim, un des avocats de la partie civile cherche à voir plus clair. Il brandit une note de service indiquant ceux qui ont vocation à remplir le T6, Mamadou Traoré n’en fait pas partie. Il avait rempli le T6 en chiffres et Mr Magassa l’a fait en lettres. Deux mentions différentes, deux personnes différentes, s’indigne le Procureur. Mamadou Traoré présentera d’ailleurs à nouveau ses excuses.
Comment peut-on enregistrer 48 tickets ce jour, et qu’au niveau du traitement, c’est 49 carnets qui étaient traités dont un frauduleux resté dans le sac de Safiatou Coulibaly, aide d’un agent du PMU ? Elle ne se rappelle pas lorsqu’elle est venue à la barre. C’est le lendemain de la cour que Safiatou Coulibaly, fiancée de Baba Kouyaté, avait ramené le carnet. Les résultats de la course étaient déjà connus.
Quant au cas de Souleymane Diarra, à l’époque en garde-à-vue au commissariat du 1er arrondissement, les questions n’ont pas eu de clarification. Se rappelle-t-il de celui qui lui a remis les carnets qu’il a acheminés ? Non-dit-il au procureur. « Vous avez reçu quelque chose de dangereux, c’est une grossière faute. C’est par vous que cela est arrivé », réagit le procureur visiblement très imprégné du dossier. Souleymane Diarra dit ne pas se rappeler de la personne qui lui a remis les carnets, chose étonnante.
La possibilité qu’ont certains parieurs et agents, de consulter les résultats des courses en ligne, a beaucoup contribué à la fraude et à la tricherie.
A la barre, les témoins à charge, agents internes au PMU, étaient venus confirmer dans les détails, l’existence de ce que certains appellent un réseau mafieux. Dans leur rescousse, ils ont perdu leur ligne de défense, commençant à nier les déclarations des uns et des autres, s’accusant mutuellement parfois, cela a peut-être éveillé ou conforté les soupçons d’un tribunal, présidé par Zoumana Bouaré et qui a tenu à laisser l’assistance , malgré quelques comportements désobligeants(sonneries de téléphone, applaudissements des deux camps, cris de soutien etc.)
4 jours d’audiences, bien au-delà du crépuscule, avec une journée entière de plaidoiries, entrecoupées par le réquisitoire sévère d’un procureur qui porte les charges de l’Etat. C’est aux environs de 19 heures que la sentence tombe : 18 mois de prison ferme à l’exception de Safiatou Coulibaly relaxée par le tribunal. La seule à avoir un petit sourire et un ouf de soulagement au milieu des 8 prévenus qui venaient d’être mis sous mandat de dépôt.
Oui, c’est dur d’assister à une épreuve pareille. Les proches, interloqués par cette décision aux attentes insoutenables, cherchaient les mots et les précisions sur un verdict qu’ils n’ont pas bien compris. Ceux qui ont suivi de très près le feuilleton ont compris que certaines fautes peuvent être graves. Une dame, encore agent nous confiait ceci : « Je ne savais pas que prendre le carnet de quelqu’un pouvait amener un problème. J’ai l’habitude de le faire mais je pense que ça n’arrivera plus. Les gens aiment trop solliciter de l’aide, je pense que c’est ce qui a amené beaucoup ici. »
Une chose est claire. Le désordre et le manque de sérieux, qui entachent certaines responsabilités, vont être évités. Et dire que c’est une seule personne qui a eu l’intelligence, l’initiative et le courage de mettre à nu des pratiques illégales, il y a de quoi à s’en féliciter. Les avocats de la défense, loin d’être surpris par la décision du tribunal, se sont montrés abattus. Il y en avait de bons, mais le principal avocat de Mamadou Traoré était très moyen dans un dossier costaud que suivent la Présidence, les renseignements ou encore la Primature.
S’il y a appel contre cette décision du tribunal de la commune III, ce sera dans le délai prescrit devant la cour d’Appel. Pendant ce temps, un second dossier, plus explosif, impliquant d’autres têtes se prépare pour démêler le vrai du faux.
ABC
Source: figaromali