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PIU COVID-19 ou l’antichambre de la délinquance financière : Plus de 496 millions FCFA carotté en six mois

Le rapport du Vérificateur général sur la gestion du Fonds Covid-19 met à nu, la somme de 496,8 millions FCFA (496 848 028 FCFA) volatilisée au PIU Covid-19 (Projet d’Intervention d’Urgence Covid-19), sous la période de  2021 (du 1er juillet au 31 décembre) et 2022. Plus grave, deux autres précédents rapports d’enquêtes enfoncent le clou en mettant au goût du jour, des irrégularités financières s’élevant  à 1 milliard FCFA (1 032 162 037F) pendant la période du 13 mai au 31 décembre 2020, soit 8 mois de gestion et 939 millions FCFA (939 227 131F) en 6 mois de gestion, à compter du 1er janvier au 30 juin 2021. 

Décidemment, les rapports d’enquêtes du Bureau du Vérificateur Général sur la gestion du Fonds Covid-19 par le PIU Covid-19 continuent d’alimenter les conversations et de susciter des interrogations au niveau de bon nombre de maliens. Le Coordinateur du PIU Covid-19, le Dr Seydou Goïta, ne bénéficie-t-il pas d’une couverture par rapport à sa gestion des fonds du PIU Covid-19 ? Et pourquoi garde-t-il encore son poste ? Au total, le cumul des saignées financières enregistrées au sein du Projet, pendant les exercices 2020, 2021et 2022 se chiffrent à 2,468 milliards FCFA (2 468 237 196 F).

Les mêmes causes produisent les mêmes effets

L’enquête financière réalisée au PIU Covid-19 pendant la période de  2021 (du 1er juillet au 31 décembre) et 2022  exhale une odeur de scandale et aurait eu des conséquences pour l’establishment politico-administratif de Bamako. Cet audit sur la période de 2021 (du 1er juillet au 31 décembre) et 2022, énumère pêle-mêle, les dysfonctionnements et les malversations dans la gestion des fonds dédiés au PIU Covid-19 au Mali.

Entre dépassements de budget, évasion des fonds et prestataires douteux, entre autres, tout y a passé ; au point qu’il y a une somme de 496  millions FCFA (496 848 028 F) qui s’est évaporée des caisses du projets, sans laisser la moindre trace.

Pour ce qui est de l’exercice 2021 (du 1er juillet au 31 décembre) et 2022, l’équipe de vérification a analysé les manuels de procédures du PIU COVID-19 et les conventions conclues entre ledit Projet et les structures bénéficiaires des avances à justifier.

En effet, il ressort de l’enquête que certaines structures bénéficiaires des avances à justifier n’ont pas remboursé la totalité des fonds mis à leur disposition par le PIU COVID-19 et qu’elles n’ont pas pu justifier dans le délai requis. Conformément aux dispositions du manuel de procédures du PIU, toute avance non justifiée dans le délai de trois mois, doit faire l’objet de remboursement. Il s’agit des structures suivantes : l’ANTIM, la DPM, l’INSP et les DRS de Gao, Kayes, Tombouctou, Ménaka, Sikasso et Taoudéni.

De plus, le PIU COVID-19 n’a pas exigé, de ces structures, le remboursement des montants non justifiés dans le délai requis. Le montant total des avances non justifiées dans le délai requis s’élève à 99,4 millions de nos francs  (99 484 675 FCFA).

Le Directeur de la DPM n’a pas expédié la totalité des intrants aux bénéficiaires

Le Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG) de l’Accord n°00012 C/2020/DGMP-DSP signé avec UNOPS le 22/06/2020 pour l’acquisition d’équipements, matériels et consommables de protection et de prise en charge dans le cadre de la riposte au COVID 19 au Mali en son point 1.1, stipule : « Le site du projet ou le lieu de destination finale est le Magasin de la Direction de la Pharmacie et du Médicament situés dans les locaux de l’Usine Malienne de Produits Pharmaceutiques, quartier Zone Industrielle-route de Sotuba, Bamako-République du Mali ».

Le point 2.2.2.1 du manuel d’exécution du PIU COVID-19, relatif à la mobilisation des fonds de la Banque Mondiale précise : « Le paiement des dépenses obéit à la règle du service fait ou du bien livré. Le paiement d’une dépense est conditionné à la livraison du bien ou à l’exécution de la prestation objet de la dépense. »

Afin de s’assurer du respect de la disposition des clauses Administratifs générales de l’Accord n°00012 C/2020/DGMP-DSP signé avec UNOPS le 22/06/2020 pour l’acquisition d’équipements, matériels et consommables de protection et de prise en charge dans le cadre de la riposte au COVID 19 au Mali, l’équipe du vérificateur a analysé les manuels des procédures et les bordereaux d’envoi des intrants. Elle a également rapproché les bordereaux d’envoi aux stocks d’intrants de la Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM),  à la date du 12 décembre 2022.

C’est ainsi que l’équipe de vérification a constaté que le Directeur de la pharmacie et du médicament n’a pas expédié aux destinataires à savoir l’Hôpital du Mali, le Centre universitaire de recherche clinique (UCRC/USTTB), le Groupe scolaire de Fadjiguila et la Direction Générale de l’Hôpital de dermatologie, la totalité des intrants et équipements, conformément, aux bordereaux d’envoi. Les quantités d’intrants, d’eau de javel, de gants médium, de savon liquide, de sacs mortuaires et de dispositifs de lavage de mains mentionnées sur les bordereaux d’envoi ne sont pas conformes à celles reçues par les bénéficiaires. De plus, les quantités d’intrants non expédiées ne se trouvent pas dans le stock en magasin comme l’atteste le document de stock fourni par la DPM.

Le montant total des quantités d’intrants et équipements non expédiées et non stockées dans les magasins de la DPM s’élève à plus de 23 millions (23 524 356 FCFA).

Des agents des services de la Santé ont réceptionné des intrants et équipements qui n’ont pas été livrés aux structures sanitaires bénéficiaires

L’article 2 du Décret n°2019-0119/P-RM du 22 février 2019 portant Réglementation de la comptabilité-matières dispose : « La comptabilité-matières a pour objet le recensement et le suivi comptable de tout bien meuble et immeuble et bien incorporel, propriété ou possession de l’État, des Collectivités Territoriales et des établissements publics nationaux et locaux soumis aux règles de la comptabilité publique ». Et le manuel d’exécution du PIU COVID-19 d’indiquer en son Point 2.2.2.1 relatif à la mobilisation des fonds de la banque mondiale : « Le paiement des dépenses obéit à la règle du service fait ou du bien livré. Le paiement d’une dépense est conditionné à la livraison du bien ou à l’exécution de la prestation objet de la dépense ».

Pour s’assurer que les services de santé, ont reçu les intrants et équipements achetés par le PIU COVID-19 dans le cadre de la lutte contre la maladie à Coronavirus -19,  le bureau du vérificateur a, sur la base des bordereaux d’envoi de la DPM, effectué des contrôles d’effectivité au niveau des structures sanitaires de Koulikoro, Ouéléssébougou, Bougouni, Sikasso et Ségou. Elle a également procédé à des entrevues.  Elle a constaté que certaines structures sanitaires bénéficiaires n’ont pas reçu l’intégralité des équipements et intrants qui leur sont destinés suivant les bordereaux d’envoi de la DPM mais qui ont été enlevés par des agents des services de la Santé dont le comptable-matières de l’hôpital de Ségou et des chauffeurs désignés par les Directeurs et les médecins-chefs de Koulikoro, Sikasso et de Bougouni.

À l’issue des contrôles d’effectivité, l’équipe de vérification a décelé que :

  • Le CSRéf de Koulikoro n’a reçu qu’un respirateur de réanimation sur trois destinés à leurs patients suivant le Bordereau d’Envoi (BE) n°453/MSDS-SG/DPM du 09 juin 2021 du Directeur de la Pharmacie et du Médicament, lequel a été reçu contre décharge par un chauffeur le 15 juin 2021. Le montant correspondant aux deux (02) respirateurs non livrés s’élève à 47 620 000 FCFA pour un prix unitaire de 23 810 000 FCFA ;
  • Suivant le BE n°1157/MSDS-SG/DPM du 19 avril 2021, le Directeur de la Pharmacie et du Médicament a envoyé à la Direction régionale de la Santé de Koulikoro, cinq (5) cartons de savon de 48 morceaux, 120 unités de savon liquide 1L Anios, 1 000 unités de combinaison de carton de 50 pièces au prix unitaire de 23 000 FCFA et 100 cartons de savon de 48 morceaux non réceptionnés. Le montant total de ces intrants non livrés s’élève à 24 377 750 FCFA ;
  • Suivant le BE-1389/MSDS-SG/DPM du 1er juin 2021, le Directeur de la Pharmacie et du Médicament a envoyé 100 cartons de 48 morceaux de savon au Coordinateur du Projet Programme Alimentaire Mondial (PAM) Koulikoro. Par contre, le Coordinateur dont le nom figure sur le Bordereau d’Envoi, les responsables des structures de Santé et la Coordination des Organisations Non Gouvernementales (ONG) de la Région ont tous affirmé qu’il n’y a pas de projet PAM à Koulikoro. Suite aux échanges, le signataire du BE, a confirmé n’avoir pas envoyé lesdits produits aux destinataires. Le montant des cartons de savon irrégulièrement sortis s’élève à 375 000 FCFA pour un prix unitaire de 3 750 FCFA ;
  • Suivant le BE n°0869/MSDS-SG/DPM du 05 avril 2022, le Directeur de la Pharmacie et du Médicament a envoyé 10 cartons de savon liquide ANIOS 1L (Carton de 12) au prix unitaire de 8 700 FCFA et 20 cartons de savon de 48 morceaux au prix unitaire de 3 750 FCFA au Proviseur d’un complexe scolaire privé dénommé SAMA 11 à Ouéléssébougou. Or, cet établissement était fermé il y a plus d’un an. Il ressort du BE qu’un élève a reçu ces cartons de savon liquide contre décharge. Cet élève nie les faits. Le montant correspondant aux intrants non réceptionnés s’élève à 162 000 FCFA ;
  • Le Médecin-Chef du CSRéf de Bougouni n’a livré aucun des trois (3) respirateurs de réanimation qui ont été envoyés par BE n°1445/ MSDS-SG/DPM du 09 juin 2021 du Directeur de la Pharmacie et du Médicament, lequel a été déchargé par un de ses chauffeurs le 11 juin 2021. Le montant correspondant aux respirateurs non livrés s’élève à 71 430 000 FCFA pour un prix unitaire de 23 810 000 FCFA ;
  • La Direction Générale de l’Hôpital de Sikasso n’a reçu aucun des quatre (4) respirateurs de réanimation qui ont été envoyés par BE n°0723/ MSDS-SG/DPM du 12 mars 2021 du Directeur de la Pharmacie et du Médicament, lequel a été déchargé par un chauffeur de l’hôpital le 25 juin 2021. Rappelons que les quatre (4) respirateurs dont dispose l’Hôpital ont été fournis par une autre source de financement provenant du Ministère chargé de la Santé et réceptionnés le 23 décembre 2021 d’un fournisseur. Ils sont en stock. L’hôpital dispose de quatre (4) autres respirateurs dont un ancien qui date de 2018 et trois (3) réceptionnés depuis le 02 juin 2021 et achetés avec un fournisseur par le Ministère chargé de la Santé. Le montant correspondant aux respirateurs non livrés s’élève à 95 240 000 FCFA pour un prix unitaire de 23 810 000 FCFA ;
  • La Direction régionale de la Santé de Sikasso n’a pas reçu les 700 unités d’équipements de Protection Individuels qui lui ont été envoyées par le Directeur de la Pharmacie et du Médicament suivant le BE n°1257/MSDS-SG/DPM du 29 avril 2021, lequel a été déchargé par un chauffeur le 03 mai 2021. Le montant correspondant aux unités d’équipements de Protection Individuels non livrés s’élève à 14 720 000 FCFA ;
  • La Direction Générale de l’hôpital de Ségou n’a pas reçu les cinq respirateurs de réanimation envoyés par le Directeur de la Pharmacie et du Médicament suivant BE n°0722-MSDS-SG/DPM du 12 mars 2021 et réceptionné par le Comptable Matières à Bamako le 12 juillet 2021. Les cinq respirateurs déclarés réceptionnés à leur place sont ceux envoyés par un autre bailleur de fonds avec la marque Drager qui ne figure pas parmi les marques achetées par le PIU COVID-19. Le montant correspondant aux cinq respirateurs non livrés s’élève à 119 050 000 FCFA pour un prix unitaire de 23 810 000 FCFA ;
  • La Direction Générale de l’hôpital de Ségou n’a pas reçu les 30 unités de distributeur de gel transmis suivant BE n°1583/MSDS-SG/DPM du 25 juin 2021 du Directeur de la Pharmacie et du Médicament alors que lesdits matériels ont été réceptionnés contre décharge par le Comptable-matières dudit hôpital. Le montant correspondant aux distributeurs de gel non livrés s’élève à 864 247 FCFA au prix unitaire de 28 808 FCFA (36,91 $) au taux de 780.5 FCFA en 2021. Le montant total des intrants et équipements non réceptionnés par les bénéficiaires s’élève à plus de 373 millions de nos francs (373 838 997 FCFA).

Autant de pratiques à l’origine des irrégularités financières de 496,8 millions de FCFA au Projet d’Intervention d’Urgence Covid-19 pendant la période de  2021 (du 1er juillet au 31 décembre) et 2022.

D’où une dénonciation de faits au Pôle Économique et financier par le Vérificateur Général, relativement  aux avances non justifiées et non remboursées par certaines structures bénéficiaires pour un montant de 99,4 millions FCFA ; aux intrants non expédiés aux bénéficiaires par le Directeur de la DPM pour un montant de 23, 5 millions FCFA ; à la réception et à la non-livraison de matériels et d’équipements aux structures sanitaires bénéficiaires, enlevés par des agents des services de la Santé pour un montant de 373,8 millions de nos francs.

Autres dénonciations de faits en 2021 adressées également à la Justice par le Vérificateur sont relatives à la non application de pénalités de retard pour un montant de 187 206 394 FCFA ; au paiement de dépenses indues pour un montant de 36 355 325 FCFA ; à la non justification d’une avance pour un montant de 90 millions FCFA ; au règlement d’un marché irrégulier avec le Bureau de l’OMS au Mali pour un montant de 625 665 412 FCFA.  Soit au total, 939 millions FCFA d’irrégularités financières, à compter de la période du 1er janvier au 30 juin 2021.

Auparavant, le Vérificateur avait saisi la Justice sur d’autres faits dans la gestion du PIU Covid-19 qui datent de l’exercice 2020. Notamment, le paiement intégral d’un marché partiellement exécuté pour un montant de 250 millions de FCFA ; le paiement de dépenses indues pour un montant de 7,19 millions de FCFA ; la minoration des droits d’enregistrement des marchés et de la redevance de régulation pour un montant total de 36,09 millions de FCFA ; le non-paiement des droits d’enregistrement et de la redevance de régulation sur des marchés pour un montant total de 159,07 millions de FCFA ; à la non-justification des avances pour un montant de 21,94 millions de FCFA ; à la non-mobilisation de la garantie bancaire d’un fournisseur défaillant pour un montant de 170,85 millions de FCFA ; à la non-ouverture d’un compte d’intérêt pour les fonds du Projet pour un montant de 73,02 millions de FCFA ; à la non-justification d’avances par les bénéficiaires pour un montant de 215,80 millions de FCFA ; à la non-réception des intrants dans les Régions de Kayes, Kita, Koulikoro et Ségou pour un montant de 98,19 millions de FCFA. Soit en chiffre, la somme de 1 milliard FCFA pour la période du 13 mai au 31 décembre 2020.

En attendant, l’interpellation des responsables de cette hémorragie financière au niveau du PIU Covid-19 s’impose; au risque d’énerver davantage les maliens.

Jean Pierre James

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