Syllabique, globale, mixte… aucun procédé ne met tous les spécialistes d’accord. Mais tous semblent s’accorder sur la nécessité d’adapter l’enseignement aux évolutions de la société
Un programme scolaire est constitué d’un ensemble de connaissances à transmettre aux enfants de différents niveaux, avec des méthodes pédagogiques bien adaptées. Ces connaissances sont organisées dans les diverses matières à enseigner. Pour leur élaboration, l’on fait toujours appel aux « curriculistes », c’est-à-dire aux spécialistes qui sont capables d’identifier tous les intrants devant servir de supports indispensables à l’acquisition des connaissances : enseignants, méthodes pédagogiques, manuels scolaires, etc. S’agissant des classes dites d’initiation (1ère et 2ème années), les pédagogues, toutes écoles confondues, en conviennent : la base de tout apprentissage ce sont les techniques instrumentales : la lecture, l’écriture et le calcul. « Les enfants qui bénéficient correctement de ces techniques à leur début d’apprentissage ont toutes les chances de progresser à l’école », assure Bonaventure Maiga, le directeur national de la pédagogie.
C’est pourquoi les classes d’initiation (1ère et 2ème années) doivent être confiées à des enseignants chevronnés et le contenu des programmes scolaires à ce niveau axés sur l’environnement immédiat de l’enfant. Mais qu’en est-il alors des méthodes pédagogiques à employer pour obtenir une classe d’initiation idéale ? Sur cette question, les pédagogues ont des préférences différentes s’agissant de la lecture et de l’écriture. Alors que certains prônent encore et toujours la méthode syllabique, d’autres préfèrent la méthode dite « globale », tandis qu’un troisième groupe penche pour combiner les deux. Cette querelle qui n’a rien d’anodine, est aussi vieille que l’école elle-même, puisqu’il s’agit pour les uns comme pour les autres d’un idéal à atteindre : réaliser de futurs destins.
La méthode syllabique se caractérise par le désir d’aller « du simple au complexe », c’est-à-dire de la lettre à la syllabe et de la syllabe au mot. Elle consiste à partir des éléments les plus simples : les lettres et les sons. Une fois ceux-ci maîtrisés, l’enfant apprend à les composer en syllabes puis en mots. Cette méthode part de la reconnaissance des lettres ou graphèmes. C’est le fameux « B-A, BA », (où les lettres B et A donnent BA). Son objectif est d’intégrer la reconnaissance phonie/ graphie en faisant appel à la mémoire, la répétition et « l’oralisation » collective.
De l’antiquité à la fin du XIXème siècle, la méthode syllabique fut la seule manière d’enseigner la lecture. Elle enseignait et enseigne encore la correspondance entre les lettres et « leurs » sons ensuite leur association pour produire des syllabes et pour terminer, la synthèse de ces syllabes pour faire des mots. De nos jours, la méthode syllabique modernisée appelée aussi méthode synthétique enseigne les phonèmes et leurs « représentants » graphiques.
Quant à la méthode globale de Decroly, elle part d’une unité significative comme le mot, la phrase, le texte. Contrairement à la syllabique, l’enfant découvrira le mot dans la phrase, la syllabe dans le mot et la lettre dans la syllabe. On parle de méthode globale car l’unité de départ est un tout. Ce type d’« approche » a été proposé par des pédagogues qui postulaient que l’enfant perçoit d’abord le tout avant de s’intéresser aux détails.
Déchiffrer sans comprendre. Les détracteurs de la syllabique lui reprochent de prôner « l’oralisation » au détriment de la compréhension. Ils soutiennent que pendant la durée de la phase dite alphabétique, dans les exercices systématiques de décodage, les élèves déchiffrent sans comprendre.
Quant aux partisans de la syllabique, ils reprochent à la globale d’encourager une sorte de mémorisation par cœur du dessin des mots. Donc de former des enfants qui ne connaissent que les mots enseignés et qui devinent les autres.
L’utilisation de la méthode globale chez nous date seulement des années 1980/1981. Bonaventure Maiga fait remarquer que, de même que la méthode syllabique, l’application de celle dite « globale » dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture au niveau fondamental n’est pas couronnée de succès jusqu’ici.
La méthode mixte, proposée par ceux qui prônent la combinaison de la syllabique et de la globale, consiste à faire connaître et apprendre la correspondance entre lettres et sons à partir de mots qui alors ne sont connus que de façon globale. On l’utilise pour faciliter la mémorisation des « mots repères ». Le directeur national de la pédagogie reconnaît qu’actuellement, les méthodes mixtes sont les plus populaires. Mais elles ne sont pas non plus sans reproches. Selon certains chercheurs, l’exploitation du texte avant la lettre rend l’apprentissage inutile. Cette méthode ne prend pas en compte la production d’écrits, seulement la calligraphie et est accusée d’être à l’origine de la dyslexie (la difficulté d’apprentissage de la lecture, caractérisée par la confusion des lettres et des sons.)
Qu’en est-il du cas malien ? A delà de toutes ces méthodes, le Mali a expérimenté des innovations pédagogiques telles que la pédagogie convergente (PC), un bilinguisme fonctionnel qui consiste en un transfert des compétences construites dans les langues nationales au profit du français. Puis on en est venu à l’approche curriculaire dans laquelle le développement des compétences est le principe organisateur de toutes les activités éducatives. Actuellement, le choix du département de l’Education a porté sur l’approche équilibrée en lecture/écriture. Il s’agit d’un ensemble de stratégies, de techniques pour amener l’apprenant à lire et à écrire de façon efficace et précoce. C’est donc un équilibre entre la compréhension et le code. Elle travaille à la fois la compréhension et le décodage.
Quelle méthode choisir alors ? Pour les linguistes, la meilleure méthode pédagogique est celle qui convient au maître, celle avec laquelle il se sent à l’aise. Bonaventure Maiga assure que quelle que soit la méthode pédagogique choisie, un programme scolaire doit en principe être basé sur une évaluation permanente qui permet de rectifier le tir au fur et à mesure. Il ajoute que normalement tous les deux ou trois ans, un programme scolaire doit être revu. D’où la nécessité d’organiser des stages de mise à niveau des enseignants, des inspections pour déceler les lacunes des programmes y compris les méthodes pédagogiques à mettre en œuvre. Bonaventure Maiga conclut en expliquant que l’école doit s’adapter à la réalité et la réalité est aujourd’hui technologique. Donc les fréquents changements de programme qui s’opèrent pour répondre aux besoins de la société sont tout à fait logiques.
C. DIAWARA
source : L Essor