Pascal Canfin, Ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé du Developpement, dans son bureau à Paris, le 3 décembre 2012. V. WARTNER / 20 MINUTES
Le ministre délégué chargé du Développement détaille pour «20 Minutes» les conditions de la reprise de l’aide de la France au Mali…
Alors que la France a annoncé il y a un mois la reprise de son aide au développement pour le Mali, gelée il y a un an après un coup d’Etat militaire, une conférence de préparation se déroule ce mardi à Lyon. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et le ministre délégué chargé du Développement, Pascal Canfin, y participeront. Ce dernier en indique les grandes lignes pour 20 Minutes.
L’aide française s’élève à 150 millions d’euros. A quoi vont-ils servir concrètement?
Ces 150 millions d’euros vont servir par exemple à finir une station de pompage à Bamako que je suis allé visiter en février. Les travaux avaient commencé il y a deux ans, mais ils avaient été interrompus puisque l’aide avait été gelée après le coup d’Etat du 22 mars 2012. Dans quelques mois, cette station permettra de donner un accès à l’eau potable à 100.000 personnes de plus à Bamako. Cela fait partie des projets qui vont être repris et nous sommes en train de faire, en liaison avec les autorités maliennes, l’évaluation des nouvelles priorités. Par exemple, rétablir le courant et l’eau potable à Tombouctou, Gao et Kidal. La reprise de l’activité économique est fondamentale pour gagner la paix. La France est présente sur le plan militaire pour restaurer la sécurité, mais l’on sait très bien que dans la durée, ce qui fera la stabilité au Mali, c’est aussi le développement économique. L’équation française, c’est: pas de développement sans sécurité et pas de sécurité sans développement.
A Lyon, vous réunissez notamment les collectivités locales françaises. Quel va être leur rôle?
Cent soixante-dix collectivités locales françaises ont des partenariats avec 200 collectivités maliennes. Avec l’ensemble de ces collectivités, on peut irriguer l’ensemble du territoire à travers des projets de développement en matière d’éducation, de santé, d’accès à l’eau, de développement économique, d’agriculture. La stratégie française passe aussi par de l’aide décentralisée des collectivités locales qui est une aide complémentaire de celle que l’on peut apporter au niveau de l’Etat et au niveau européen. Par exemple, un des enjeux au Mali, c’est de réussir la rentrée scolaire. Huit cent mille enfants ont été déscolarisés à cause des groupes terroristes et ont perdu deux ans d’école. Il faut absolument qu’on réussisse à les remettre dans le circuit de la scolarisation. Cela va passer par une aide à l’Etat malien pour qu’il paye des enseignants et aussi par une aide aux collectivités locales pour, par exemple, que les cantines refonctionnent, que l’école soit réhabilitée, etc.
Comment peut-on être certain de lier le développement à la sécurité?
Il n’y a pas de lien automatique et mécanique dans cette double équation, mais reprenons l’exemple des enfants. A partir du moment où ils sont déscolarisés, ils sont des proies de recrutement pour les groupes terroristes. La capacité de ces derniers sera beaucoup plus faible si vous avez un développement local avec des gens qui vivent des ressources d’une économie légale. Aider le Mali à se développer, c’est faire reculer la capacité des groupes terroristes à regagner du terrain. Les gens qui ont travaillé six mois ou un an dans le trafic de cigarettes ne sont pas tous devenus incompatibles avec l’activité légale.
La France est-elle seule à offrir une telle aide financière au Mali?
Non, nous sommes totalement dans une stratégie européenne. L’Union européenne a d’ores et déjà annoncé 250 millions d’euros en plus des 150 millions d’euros d’aide française. Et nous organisons mi-mai à Bruxelles une grande conférence internationale pour mobiliser encore davantage la communauté internationale. On est très loin d’être tous seuls aujourd’hui et on le sera encore moins demain puisque d’autres partenaires vont se joindre à nous pour refinancer le développement du Mali. Nous sommes en train de réussir la coordination pour être efficaces et très proches des besoins concrets du pays. C’est très important pour moi de réussir cette bataille parce qu’elle va conditionner la capacité à gagner la paix dans la durée.