Convoqué devant le Conseil National de Transition (CNT) le 21 avril dernier, le Premier ministre Choguel Maïga, face aux inquiétudes pressantes exprimées relativement au contentieux avec la CEDEAO sur le délai additionnel de la transition et les sanctions qui en ont découlé, a eu une réponse équivoque. A l’entendre un éventuel retrait du Mali de l’Organisation ouest-africaine n’est pas « à l’ordre du jour » et » les consultations sont toujours en cours ». Toutefois il s’est empressé d’ajouter : » Nous avons un chronogramme de 24 mois qui reste non négociable. Mon gouvernement a déjà défini la feuille de route et n’entend pas s’attarder sur les discussions car le comité de suivi des Assises nationales de la refondation de l’Etat a vu le jour au dernier conseil des ministres » (sic).
Moins de deux semaines après cette déclaration, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop se trouvait à Lomé (3-4 mai) pour solliciter, au nom du chef de la Transition, le colonel Assimi Goïta, la médiation du président togolais Faure Gnassingbe pour » faciliter le dialogue avec les acteurs régionaux et au-delà l’ensemble de la communauté internationale pour trouver une issue favorable à la crise ». Une offre qui a été acceptée. Et, à peine le calme rétabli au nord de son pays ensanglanté le 10 mai par une attaque terroriste ayant fait huit soldats tués, treize autres blessés et quinze assaillants abattus (une première) le nouveau médiateur se trouvait, le 18 mai à Dakar, pour requérir à son tour le soutien de son homologue Macky Sall. Il est assuré de trouver en lui un allié de premier plan parce son pays, le Sénégal, est le premier fournisseur du marché malien et souffre donc, plus que tout autre, de l’embargo qui frappe le pays. S’y ajoute que le chef de l’Etat sénégalais jouit d’une écoute auprès de ses pairs de la CEDEAO. Il est par ailleurs président en exercice de l’Union africaine, ce qui peut servir sur le continent comme en dehors.
Un autre acteur majeur qui joue sa partition dans le jeu de la conciliation entre le Mali d’une part, la CEDEAO et l’UEMOA d’autre part, est l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI). Depuis le 10 mai elle a entrepris une tournée dans la sous-région qui a commencé par Bamako. Son objectif proclamé: établir « un dialogue apaisé » entre les protagonistes » dans le respect de la dignité et de la souveraineté du peuple malien tout en permettant à l’Organisation sous-régionale de sortir par le haut ».
Faire en sorte que la CEDEAO ne perde pas la face, c’est bien l’enjeu de la partie en cours. La Transition malienne a déjà 18 mois au compteur depuis mars passé. Lui accorder 24 mois supplémentaires la porterait à 42 mois soit 3 ans et demi. Un mandat présidentiel normal à un an et demi près. Une telle concession anéantirait non seulement la démarche coercitive de l’Organisation, en plus elle la phagocyterait face à la Guinée et au Burkina Faso, deux autres membres en rupture avec son Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance, qui ont opté pour une Transition de 36 mois et n’entendent pas en démordre.
L’issue de ce bras de fer consisterait donc en ce que les protagonistes s’accordent sur un compromis de 20 mois à équidistance des 24 mois décidés par Bamako et des 16 mois concédés par Abuja, relayant ainsi une proposition algérienne portée par l’UA. A défaut une sortie du Mali de la CEDEAO, que des agitateurs jusqu’au- boutistes dans l’entourage des militaires continuent à réclamer à cor et à cri, serait tout simplement suicidaire.
Cette Organisation constitue, en effet, le meilleur cadre existant à ce jour pour la promotion des Etats et l’épanouissement des populations dans la coopération et l’entraide. 47 ans après sa création à Lomé, elle possède à son actif des avancées remarquables en matière d’intégration économique notamment dans les secteurs industriel, commercial, des transports, des infrastructures, de la banque, de l’assurance, des télécommunications, de l’énergie, de l’éducation, de l’hôtellerie etc. L’objectif recherché étant dans un avenir rapproché la création d’une union économique et monétaire (le lancement de sa monnaie commune, après plusieurs reports, est attendu en 2027). A plus long terme celle de la Fédération des Etats d’Afrique de l’Ouest perçue comme un modèle de prospérité économique et de réussite démocratique dans un environnement de paix, de stabilité et de sécurité. Ses atouts sont une population de près de 387 millions d’âmes soit 32% de la population africaine, un territoire de 5 113 000 km2, des ressources naturelles diversifiées et abondantes, des opérateurs économiques entreprenants et audacieux. Le Mali, qui en compte beaucoup dans quasiment tout l’espace communautaire, n’a rien à gagner en le quittant. En revanche il a tout à perdre.
Post scriptum: Preuve de l’attractivité de la CEDEAO, la Mauritanie, qui s’en était retirée en 2000, est revenue en 2017 sous la forme d’un accord de partenariat économique, le Maroc est candidat à l’adhésion et la Tunisie est membre observateur.
Saouti Haidara
Source: L’Indépendant