«Repères» et «Moriké et Baba Tièman» ! Ce sont deux œuvres posthumes dédicacées le 15 juin 2024 au «Mémorial Modibo Kéita». Des messages posthumes que Mamadou El Béchir Gologo adresse à la jeunesse malienne, voire africaine, 15 ans après sa disparition. Il s’agit aussi d’œuvres dédiées à ses amis et codétenus de prison en 1979. «Repères» est un essai (170 pages) divisé en 5 parties. Le très engagé écrivain y évoque l’avènement de la jeune République du Mali, les combats menés en amont pour parvenir à l’indépendance, les écueils, les obstacles franchis… pour affranchir le Mali du joug colonial ; les causes et les conséquences de l’éclatement de la Fédération du Mali…
Quant à «Morikè et Baba Tièman», il s’agit d’un compte initiatique (tiré de la fin d’un manuscrit) avec des personnages. Pour l’éditrice, Fatoumata Kéita (promotrice de Figuira Editions), les ouvrages dédicacés mettent en exergue le «soucis constant de la patrie» et «l’intemporalité des idéaux» de l’auteur. «Il y a un appel qu’il lance en direction de la jeunesse. Pour lui, le présent et l’avenir appartiennent à la jeunesse», a rappelé Diadié Yacouba Danioko, ancien collaborateur de l’auteur. Parlant de «Repères», il a rappelé «c’est un témoignage sur ce qui a été fait par les hommes et les femmes qui ont créé le Mali. Et aujourd’hui, qu’on parle de Mali Kura, c’est d’un nouveau départ qu’il s’agit. Et ce livre peut inspirer les hommes et les femmes qui auront la rude tâche de construire ce Mali Kura»
«Par les combats de sa vie, Mamadou El Béchir à prouver que la politique trouve sa noblesse non dans l’opportunisme qui suit les vagues dominantes, mais dans l’existence de la justice qui, le plus souvent et à contre-courant, se doit de convaincre un peuple», a souligné Yaya Gologo, représentant de la famille. Et de rappeler, «l’homme de mémoire qu’il était, n’a jamais été nostalgique, jamais passéiste…». L’assistance a beaucoup appris des anecdotes tirées de «Repères» comme par exemple celle du jour de la montée du drapeau de la Fédération du Mali. En effet, il était monté à l’envers, le Kanaga au milieu, exécutant ainsi une acrobatie, que certainement rares sont les échassiers et porteurs de masques dogon, oseraient…
«Cette anecdote, contée en d’autres mots, que vous découvrirez en lisant l’œuvre mérite toute notre attention. Nous, qui souvent oublions nos superstitions, les rejetons même, au profit d’autres qui, si on regarde de plus près, n’ont rien à voir avec nous, et donc ne peuvent susciter ce petit quelque chose. D’ailleurs, dans son œuvre l’auteur, dans une autre anecdote superbement rapportée, nous montre sans honte ni complexe, ces différences culturelles entre peuples …», rappelle Assétou Gologo dite Tétou, fille de son père car une jeune dame très engagée pour la patrie.
«Ces ouvrages des références pour la jeunesse racontent une partie de sa vie, du Mali voire de l’Afrique… Ils constituent une sorte d’héritage pour la jeunesse, pour ceux qui veulent réellement œuvrer pour le Mali et l’Afrique», indique Tétou. «Ces deux œuvres traduisent son professionnalisme, sa lucidité et sa sincérité. Mon père était un homme très courageux qui s’est toujours battu avec conviction pour ses idées», se souvient-elle.
«Je pense aussi que ces œuvres seront mises à l’honneur ailleurs, car elles le méritent. Le Mali et les Maliens ont aussi besoin de s’en imprégner et, croyez-moi, même si je suis fière d’être la fille de l’auteur, ce n’est pas la raison de mon activisme», assure Assétou qui est aussi une talentueuse artisane spécialisée dans la création des parures en perle.
C’est avec une légitime fierté qu’elle parle de son illustre papa, un fidèle compagnon du président Modibo Kéita arraché à notre affection en 2009. «Mamadou El Béchir Gologo fut un patriote débordant de sincérité et de lucidité, une bibliothèque éternelle… Il reste enraciné dans le Mali». Face à la presse, elle n’a pas manqué de «remercier tous ceux qui ont contribué à la réussite de l’événement». Et d’ajouter «bravo et respect profond au défunt qui, encore une fois, a montré et démontré sa version du patriotisme». De l’avis de la fille, le paternel a placé «très haut» la barre du patriotisme. En effet, il en a fait un condensé de «courage et de sincérité, de foi et d’espoir, d’engagement et de détermination… Toutes ces choses qui ne se transmettent pas par les gènes, mais que l’on inspire par ses choix, ses actes, ses attitudes et la conscience qu’on y met».
Il faut rappeler que Dr Mamadou El Béchir Gologo est décédé, le 21 mars 2009, des suites d’une longue maladie. Diplômé de la prestigieuse Ecole normale William Ponty de Dakar, il a par la suite fréquenté, entre autres, l’Ecole de médecine de Dakar d’où il est sorti avec son diplôme de médecin avant de s’engager dans l’armée coloniale française. A la libération de la France, en 1949, il rentre au Soudan français (actuel Mali) pour exercer sa profession de médecin. Piqué par le virus de la politique, il devient d’abord syndicaliste, ensuite membre fondateur de l’Union soudanaise du Rassemblement démocratique africain (US-RDA), le parti qui a conduit le Soudan français à l’indépendance en 1960. Ministre de l’Information de la jeune République du Mali, il a été déporté au bagne de Taoudénit après le coup d’Etat militaire de 1968. Ce n’est que trois ans plus tard (1971) qu’il a recouvré la liberté.
«Dr Mamadou El Béchir Gologo a donné une leçon d’humilité et de sagesse au Mali ; il a porté l’US-RDA et le Mali dans son cœur. Un Mali qu’il a porté haut dans le destin inexorable des peuples et des nations», a témoigné Dr Badra Aliou Macalou, alors Secrétaire général de l’US-RDA dans son oraison funèbre le 23 mars 2009. Il faut souligner que Dr Gologo est resté président d’honneur de l’US-RDA jusqu’à son décès.
A noter également que, avant sa disparition physique, la bibliographie de Mamadou El Béchir, était déjà riche en ouvrages de référence comme «Le Rescapé de l’Ethylos» (378 pages, Présence africaine, 1963), «La Chine, un peuple géant au grand destin» (Edité par Librairie du Nouveau Monde, Pékin, 1964), «Tornade d’Afrique» (poésie/1966), «Moudaïna» (critique sociale/1995), «Mon cœur reste un volcan» (recueil de poésie de 116 pages/Janvier 1999)… Ses œuvres posthumes, «Repères» et «Morikè et Baba Tièman», sont en vente dans les librairies de la place au prix unitaire de 15 000 F Cfa. Les acheter pour soi ou pour les offrir est le meilleur hommage que l’on puisse rendre aujourd’hui à cet intellectuel engagé qui avait la patrie chevillée au corps.
Moussa Bolly