Malgré toutes les réformes engagées, le Mali reste confronté, depuis son indépendance, aux défis grandissants de la fragilité de ses institutions, de l’inefficacité de l’action publique et de la dépendance économique.
Une rétrospective du processus de construction de l’État post-indépendance et de sa gestion révèle que notre pays est confronté à une instabilité chronique.
Le coup d’État de mars 2012 a mis à nu le profond dysfonctionnement de la gouvernance publique (politico-institutionnelle, économique et même sociale) qui ne peut que s’aggraver si une refondation de la gestion des affaires publiques n’est pas envisagée.
Nous devons cesser d’appréhender les crises successives comme de simples accidents de parcours dont il faut réparer les dégâts avant de repartir dans la même direction. Elles révèlent des dysfonctionnements profonds qui méritent que l’on s’attaque plus aux causes qu’aux conséquences. Certaines causes plongeant leurs racines dans les choix de départ de la construction de notre État. Aujourd’hui, une unanimité se dégage sur le fait qu’il s’agit d’une crise politico-institutionnelle, économique, culturelle et même morale. Nous devons aussi admettre que sa profondeur a révélé la grande fragilité du modèle d’État, de République et de Démocratie, bref de tout le système de gestion publique.
Incontestablement de grosses menaces pèsent aujourd’hui sur le vivre ensemble malien qui est de plus en plus fragilisé. Des mouvements armés au nord-est du pays revendiquent la séparation. Des pseudo-djihadistes réclament l’installation de la charia dans le centre qui a toujours été multiconfessionnel.
Diverses communautés qui ont toujours tout partagé mettent aujourd’hui plus d’accent sur ce qui leur est spécifique, entrainant du coup des prises de position nuisibles à la cohésion sociale, donc à l’unité nationale. Les pays voisins et la communauté internationale perçoivent de plus en plus notre pays comme le « mouton noire » du Sahel et du continent.
Au regard de la gravité de cette situation pour notre avenir commun, de plus en plus de maliennes et de maliens ressentent un profond désir de rupture avec les méthodes actuelles de penser et de conduite de l’action publique. Une soif qu’une rencontre (événement) de quelques jours réunissant des délégués, à Bamako ne saurait étancher. D’où la nécessité de la préparation et de la mise en œuvre d’un processus de dialogue national inclusif qui permettra de rassembler et d’écouter, sur leur territoire, les représentants de toutes les communautés qui se reconnaissent un lien entre elles, quels que soient leurs choix et leur vision du futur du pays.
Ce dialogue permettra de croiser les frustrations, les attentes, les imaginaires et surtout les espoirs et les engagements de toute la diversité malienne en vue de rebâtir un nouveau Mali qui correspond aux évolutions nationaux et internationaux en cours. Seul ce processus permettra de sortir de la crise post-électorale rampante et de créer les conditions d’obtention d’un consensus national permettant d’entreprendre les réformes majeures nécessaires à la reconstruction de la paix et d’une stabilité durable. Ce dialogue national pour conduire à une dynamique collective de changement doit couvrir l’ensemble des territoires régionaux et locaux afin d’écouter et d’entendre toutes les communautés maliennes.
Cependant l’unanimité sur la profondeur de la crise ne signifie pas, pour autant, une unanimité sur les réponses à y apporter. Certains compatriotes pensent qu’un leadership politique jeune ou fort, porteur d’une vision d’avenir, suffirait pour sortir de l’ornière.
D’autres, reproduisant les raisonnements du passé, s’agrippent sur l’amélioration de l’existant, voire même à un retour aux solutions du passé. Si l’ambition est de bâtir un Mali stable, plus uni et prospère, il faut envisager un dialogue national refondateur des choix politiques, institutionnels, économiques et même sociaux en partant des concertations citoyennes dans chaque commune du pays.
Les rencontres aux niveaux des cercles, des régions et à l’échelle nationale qui suivront les concertations citoyennes ne doivent être que des moments de synthèses enrichies par un croisement avec les logiques thématiques et socioprofessionnelles. Enfin la préparation et la mise en œuvre de ce processus dialogue doit être pilotée par un ou une équipe de médiateurs crédibles et au-dessus de la mêlée partisane
Dr Ousmane SY
Ancien ministre