Oumar Diallo est un jeune malien installé depuis plusieurs années en Europe. Après une maitrise obtenue à Cuba, il vient de se spécialiser en faisant un master universitaire en Etudes sur le Terrorisme à l’Université Internationale de La Rioja (UNIR) en Espagne et s’apprête à commencer un doctorat sur la même ligne d’investigation. M. Diallo est analyste chercheur en matière de terrorisme, spécialisé sur le cas de son pays, le Mali.

 maliactu.info  : Le camp de Nampala, région de Ségou, fut l’objet d’une attaque sanglante le Mardi 19 Juillet 2016. Selon vous quelles peuvent être les causes de cette tragédie.   

O.D. : Tout d’abord je m’incline devant la mémoire des illustres disparus tout en souhaitant prompte rétablissement aux nombreux blessés. Je vous rappelle que le camp militaire de Nampala a été plusieurs fois ciblé par des attaques de rebelles et de terroristes. Ça me fait très mal de voir que les autorités politiques et militaires n’ont pas tiré toutes les leçons du passé pour éviter de pareilles scènes! C’est tout notre mécanisme de défense qu’il faudrait revoir mais cette fois ci (de grâce) avec sérieux et rigueur car le Mali est assez humilié, les familles endeuillées, des veuves et des orphelins plongés dans le désespoir… On peut comprendre perdre des hommes lors d’une embuscade mais pas de cette manière en s’attaquant à un camp militaire et de surcroit stratégique comme Nampala. C’est pathétique quand je vois un de nos responsables dire que nous avons besoin d’unités mobiles ! Je me pose la question qu’a-t-il fait dans ce sens quand il était aux affaires ? Il n’a pas tort en exprimant ce besoin, il faut préciser que ces unités mobiles doivent être bien formées aux techniques de la guérilla car on fait face à une guerre asymétrique. Avant de mettre sur place ces unités, il faudrait d’abord revoir d’autres aspects à savoir notre position défensive. Je m’explique, jusque-là nos FAMA (Forces Armées Maliennes) sont surtout basées sur une position défensive et non offensive. Donc il faudrait réunir toutes les conditions pour que l’ennemi ne puisse ni pénétrer et encore moins détruire ce dispositif en le fortifiant et en prenant les mesures nécessaires pour que nos camps militaires soient en alerte 24h/24. Désormais les camps ne doivent plus être construits comme des structures civiles juste avec un mur d’enceinte, non, il faut une architecture spéciale adaptée à la circonstance avec un dispositif pour impressionner et dissuader tout aventurier! Avant de former ces unités, réunir la logistique nécessaire…il faut miser d’abord sur le renseignement en général et principalement le renseignement militaire pour permettre aux unités mobiles de frapper fort et avec précision. Il y a beaucoup de travail à faire en amont avant de rendre ces unités opérationnelles, à moins que vous ne vouliez les envoyer à la boucherie!

Que pensez-vous de la situation actuelle de l’armée malienne ?

Vous savez en matière de défense et terrorisme tout ne peut pas être dévoilé sur la place publique, c’est des sujets très sensibles. Je peux seulement vous dire que les responsables politiques et militaires doivent être bien conseillés, qu’ils s’entourent de vrais spécialistes pour l’intérêt supérieur de la nation. Du début de la crise à nos jours nous avons eu suffisamment de temps pour commencer la restructuration, la formation, la logistique, l’équipement… de nos FAMA (Forces Armées Maliennes). Pendant ces 3 ou 4 ans tout ne peut pas être fait mais on devrait être sur la bonne voie. L’impact de la loi de programmation militaire devrait être beaucoup plus visible sur le terrain.

Notre armée a besoin de formation, ce volet peut bien être exécuté en puisant dans nos propres ressources humaines. Au sein de l’armée, nous avons des hommes et des femmes très bien rompus aux stratégies militaires, capables d’assurer la formation de la troupe. Il faut les dénicher et leur donner les moyens afin d’accomplir cette noble mission. A l’image de notre administration, l’armée malienne regorge de valeureux officiers formés à l’extérieur dans les meilleures académies militaires mais malheureusement la troupe ne bénéficie pas de leur expérience.

Le Mali doit revoir sa machine à fabriquer des officiers en s’occupant également de la mise à niveau de la troupe, ces hommes et femmes qui risquent tous les jours leurs vies sur le terrain loin des bureaux climatisés. Il faudrait une réforme profonde de l’armée malienne pour répondre aux attentes du pays.

La communauté internationale est au chevet du Mali pour l’appuyer mais cela n’est pas éternel et seuls les maliens pourront assurer la défense de leur patrie, sachons miser d’abord sur nous-mêmes et mettons-nous au travail. Arrêtons de fuir nos responsabilités en culpabilisant éternellement les autres de nos malheurs, non !

Que les politiques arrêtent les missions fantaisistes pour juste aller se faire des photos avec la troupe, que l’on passe à l’essentiel et au plus urgent.

Justement M. Diallo en matière de lutte contre le terrorisme quel est le rôle de la Minusma et de Barkhane.

L’objectif principal de Barkhane est de débiliter les réseaux terroristes au Sahel en évitant leur réorganisation et la MINUSMA est une mission de stabilisation. Nous tous avons beaucoup critiqué ces missions mais reconnaissons qu’elles constituent une barrière contre l’invasion terroriste, c’est des forces alliées et non le contraire. Il nous est même arrivé de réclamer leur départ du Mali, ceci serait une erreur monumentale car sans l’appui de la communauté internationale nous ne pouvons guère tenir longtemps, en question de quelques mois les groupes terroristes prendront Bamako s’ils le veulent. Précisons que je ne parle en aucun moment des rebelles touarègues, de Kidal et je ne fais allusion à aucune considération politique.

Quel peut être l’avenir de la Minusma ?

La Minusma vient de voir son mandat renforcé pour mieux lutter contre le terrorisme au Mali mais soyons quand même réalistes, elle ne va jamais occuper la place qui revient à nos forces de défense et sécurité en première ligne. A mon avis, à la longue une autre restructuration s’impose à la Minusma, avec le temps elle doit se muter en mission chargée d’apporter son expertise pour la réforme et l’équipement des forces armées maliennes, une mission d’observation, d’appui et conseil. La Minusma doit simplement être à l’image de la mission de l’U.E « EUTM MALI » en apportant des innovations… Seule une armée malienne disciplinée, bien formée et bien équipée pourrait garantir la sécurité du pays. On ne doit jamais laisser sa sécurité à la merci de forces étrangères.

Votre mot de la fin M. Diallo.

Juste dire aux autorités compétentes que nul n’a le droit de décevoir ce pays, l’avenir et le destin du Mali est entre leurs mains.

Je profite de cette occasion pour remercier la rédaction de maliactu.info, vous faites un travail remarquable car grâce à vous et l’ensemble de la presse en ligne, nous maliens de la diaspora, nous sommes très bien informés par rapport à la situation de notre cher pays. Merci.

Interview réalisée par la Rédaction