Depuis le putsch de mars 2012, les Maliens découvrent jour après jour le vrai visage de nombreux acteurs de la classe politique nationale. De l’opportunisme à l’indécence politique, les actes posés çà et là par ces politiques frisent le ridicule (qui ne tue plus au Mali) et surtout un manque évident de respect pour le peuple malien. Question : où va finalement le Mali avec cette classe politique ?
La révolution de mars 1991 a donné à la classe politique nationale l’opportunité d’œuvrer à l’enracinement de la démocratie, mais aussi et surtout de participer à la gestion des affaires publiques. Plus de 20 ans après, le constat est écœurant : opportunisme, mensonge, course effrénée vers le pouvoir et le gain facile, indécence et irresponsabilité, trahison, le non-respect de parole. Bref les qualificatifs ne manquent pas pour traduire le comportement de certains hommes et femmes qui animent aujourd’hui la vie politique nationale. Et qui font de la politique un business juteux, où il n’y aucune place pour la morale.
Après le coup d’Etat de mars 2012, des téléspectateurs maliens et d’ailleurs allaient tomber en syncope quand ils ont découvert les premiers soutiens des putschistes. Des hommes politiques qui, quelques jours auparavant, préparaient l’opinion à soutenir le régime ATT dans ses efforts pour le règlement de la crise du nord. Mieux encore, certains de ces soutiens politiques étaient dans la dynamique de demander (pour préserver leurs intérêts) un éventuel prolongement du mandat présidentiel de Touré.
Les images montrées à la télévision nationale ont donné à l’opinion (nationale surtout) une image désastreuse de la classe politique malienne. Un spectacle déshonorant montrant des hommes politiques se bousculant devant des capitaines et des soldats putschistes. Or ces mêmes passaient leur temps à Koulouba, attendant soit un éventuel appui financier, soit la caution morale du Président Amadou Toumani Touré où encore une nomination. Par leur revirement spectaculaire, ils (ces acteurs politiques) pensaient berner les putschistes et bénéficier de la grâce du nouveau « prince ». Malheureusement pour eux, celui-ci ne s’installa pas à Koulouba. Et pis, il eût du mépris pour ces hommes qui n’auraient probablement aucune morale.
Avant cette attitude (ingratitude ?) vis-à-vis du régime sortant, des Maliens se plaignaient de l’image des hommes politiques. On les appelait « politiki mogo » (traduction : les gens qui font la politique). Une expression utilisée pour dénigrer la classe politique et particulièrement les acteurs politique. En fait, c’est pour dire que ceux-ci ne disent pas la vérité et ne respectent pas leur parole. Mais jusque-là, ce n’était qu’une supposition. Mais depuis quelques mois, ça y ressemble à une réalité.
En effet, depuis 2012, les acteurs politiques nationaux rivalisent sur le terrain de l’absurdité et des coups bas. Pendant que les uns renient toute relation avec l’ancien régime, les autres se font passer pour les défenseurs de la démocratie. Sans chercher à comprendre les véritables préoccupations du peuple. Qui a toujours reproché à la classe politique nationale son insouciance devant les vrais problèmes de la nation. Apparemment ce message n’a pas été bien compris, en tout cas, pas par les acteurs politiques. Qui continuent à mettre devant leurs intérêts égoïstes et mercantiles. Et pour preuve.
Les Maliens ont assisté, le lendemain du second tour de la présidentielle de juillet dernier, à une course effrénée de positionnement autour du candidat IBK, celui-ci venait d’être déclaré vainqueur du 1er tour. Des chefs et partis politiques ont vite fait de retourner leur veste, en appelant à voter pour le candidat du RPM, Ibrahim Boubacar Keïta. Quelques semaines plutôt, tout opposait ce dernier à certains de ces leaders politiques, notamment dans la lutte pour la restauration de la démocratie. Dans ce combat, la position du candidat du RPM à la présidentielle souffrait de beaucoup d’ambiguïté.
Jusqu’à l’intervention de l’armée française au Mali (11 janvier 2013), le parti du président IBK menait des activités avec les partisans du putsch, notamment lors des manifestations des 8, 9 et 10 janvier 2013. La classe politique était divisée. Et cette division a permis de classer les acteurs politiques en pro-putsch (Copam et alliés) et en anti-putsch (Fdr et alliés). Mais les multiples soutiens en faveur d’IBK au second tour de la présidentielle, ont semé le doute dans l’esprit de nos concitoyens. Qui s’interrogent. « Nos hommes politiques sont-ils crédibles ? », a lancé au passage un jeune militant d’un parti politique. « Je ne comprends pas pourquoi ils font toujours le contraire de ce qu’ils disent… », a-t-il affirmé. Il disait être surpris par le comportement de certains candidats à la présidentielle, notamment de l’Adema, dont le parti présidait le Front pour la sauvegarde de la Démocratie et de la République (FDR). L’Adema est signataire de la plateforme d’alliance du FDR. Son candidat Dramane Dembélé était physiquement présent. Mais contre toute attente, il trahit le FDR et la confiance de son parti, en apportant son soutien à IBK, l’adversaire d’hier.
Aujourd’hui, la plupart de ceux qui étaient opposés aux idées de la coalition IBK 2012 et de la Coalition des organisations patriotiques du Mali (Copam), ont rejoint avec armes et bagages la majorité présidentielle. Pas pour renforcer la démocratie, mais tout simplement par opportunisme et appât de gains faciles. Ces acteurs politiques se sont rallié au nouveau pouvoir soit pour préserver des postes, soit pour occuper une place dans les institutions (Gouvernement, Assemblée nationale…). Ni plus, ni moins, il s’agit pour eux de préserver des intérêts personnels. C’est la triste réalité.
Que dire de ces hommes politiques fraichement élus à l’Assemblée nationale. Avant même leur rentrée à l’hémicycle, certains d’entre eux se sont permis de trahir la confiance de leurs électeurs. Ils ont démissionné de leur formation d’origine (souvent contre espèces sonnantes et trébuchantes) pour rejoindre soit le parti présidentiel ou une formation en quête de quota pour la constitution d’un groupe parlementaire.
D’ailleurs, à quoi pourront servir la démocratie et le multipartisme, si tout le monde doit courir derrière le parti majoritaire. Si les politiques refusent de dénoncer les errements du pouvoir. Les hommes et les femmes de la classe politique nationale doivent savoir que c’est leur responsabilité de renforcer la démocratie en défendant leurs idées et programmes (s’ils en disposent bien entendu) et en dénonçant les dérives du régime. Le renforcement de la démocratie malienne passe par là.
Il faut aussi s’interroger sur la capacité de la classe politique actuelle à promouvoir un Mali pluriel ? La tentation d’une dérive monarchique existe désormais. Quel est le politique qui la dénonce ? Les errements de la famille du président de la République sont également passés sous silence. Personne ne bronche. Ni acteurs politiques, encore moins ceux de la société civile n’ont trouvé déplacées certaines décisions du président de la République. Qui semble observer passivement la situation politique, en tolérant les agissements de ses proches. De son fils au beau père de celui-ci, en passant par une longue liste de parents et d’amis de la famille, les tentatives de s’accaparer du pouvoir (et de tout le pouvoir), sont indéniables. Ce sont des comportements qui doivent être décriés et dénoncés. Même l’opposition (URD-Parena) hésite à tirer (pour l’instant) la sonnette d’alarme.
L’indécence politique…
Autres temps, autres mœurs. Beaucoup d’observateurs sont surpris d’entendre que les députés des Fare de Modibo Sidibé et le Pdes d’Ahmed Diane Semega ont regagné la majorité présidentielle. Cette attitude des anciens « amis » du Président ATT frôle à la limite l’indécence politique. Apparemment, ces hommes politiques n’ont pas compris le message du peuple malien. Qui exige le changement de comportement des acteurs politiques. Ceux-ci sont toujours prêts à accompagner tous les pouvoirs, même s’ils doivent perdre la face. On se rappelle des déclarations de Dioncounda Traoré en 2002. Il disait en substance que s’opposer au pouvoir correspond à s’exposer aux gendarmes de celui-ci. Est-ce cette préoccupation qui a guidé les députés des deux partis ? Allez-y savoir. Mais de toute évidence, ces hommes politiques ne mesurent pas la gravité de leur acte. Hier, ils étaient les défenseurs du Président ATT. Aujourd’hui, ils ont décidé de rejoindre les pourfendeurs de son régime. Quelle indécence !
Difficile d’accepter qu’ils l’ont fait pour le Mali. Loin de là. Ces hommes politiques, à n’en pas douter, n’ont rien de la morale politique. On ne peut pas pactiser avec ceux qui s’en prennent à votre héritage. Les responsables de ces partis doivent-ils (encore) participer à la gestion de ce pays ? Le président de la République est suffisamment renseigné pour comprendre que le développement du Mali ne rime pas avec des calculs politiques et politiciens. Et pourquoi pas une loi sur le comportement des acteurs politiques ?
En tout cas, l’heure est grave. Une famille et un clan commencent à s’approprier le pouvoir politique au vu et au su de tous. Avec la complicité d’acteurs politiques qui ne visent que leurs propres intérêts.
Idrissa Maïga
Source: L’Aube