Le coup de force consistant à l’infiltration à Bamako de « mercenaires » avait été savamment orchestré à Abidjan. Cependant, ce coup fourré a lamentablement foiré à l’aéroport de Bamako. Là, cette infiltration rocambole s’est achevée avec l’arrestation de 49 éléments des forces armées ivoiriennes, dont la plupart appartient aux forces spéciales. Dans quel cadre ces militaires ont-ils été envoyés à Bamako ? Quels étaient les objectifs visés par les commanditaires de cette infiltration ? Les enquêtes en cours permettront sans doute de lever des voiles sur cette affaire qui sent une forte odeur de mercenariat commandité par Alassane Dramane Ouattara.
Le gouvernement malien a été clair et précis dès l’éclatement de cette affaire : Les 49 militaires ivoiriens arrivés sur notre sol, le 9 juillet 2022, se “trouvaient illégalement sur le territoire”. Résultat : “Ils ont été immédiatement interpellés et leurs armements, munitions et équipements ont été saisis”. Selon les Autorités maliennes, les soldats ont justifié leur présence dans le pays en fournissant “quatre versions différentes”.
Versions avancées par eux, “la mission confidentielle, la rotation dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), la sécurisation de la base logistique de la compagnie aérienne ‘Sahelian Aviation Services’ et la protection du contingent allemand”.
En outre, les Autorités maliennes à travers un communiqué ont donné des détails sur cette affaire. Des premiers constats effectués, il ressort que ces militaires, dont une trentaine des forces spéciales ivoiriennes, étaient en possession d’armes et de munitions de guerre, sans ordre de mission ni autorisation des autorités compétentes de leur pays. Plus grave, la profession réelle de la plupart des militaires était dissimulée. Sur la majorité des passeports, les professions inscrites étaient : étudiants, chauffeurs, maçons, mécaniciens, vendeuses, électriciens, vigiles, peintres, etc.
Aussi, le gouvernement a tenu à préciser que la Minusma “a indiqué qu’elle n’avait pas de rotation prévue, le 10 Juillet 2022”. Ce n’est pas tout, en effet, le gouvernement a également indiqué que “des responsables des Forces de défense et de sécurité maliennes ont contacté immédiatement leurs homologues ivoiriens” qui leur ont “affirmé qu’ils ignoraient tout de la présence des militaires ivoiriens interpellés”.
Du côté de la Minusma, l’une des premières réactions est venue du porte-parole, Olivier Salgado. Celui-ci dans Twitte a indiqué que ces soldats sont «déployés depuis plusieurs années au Mali dans le cadre d’un appui logistique pour le compte de l’un de nos contingents», bien qu’ils ne soient pas comptabilisés parmi les casques bleus ivoiriens officiant dans le pays. Une pratique «communément appliquée dans les missions de maintien de la paix», ajouta-t-il.
Mais très vite cette version a été contredite par Farhan Haq, porte-parole de l’ONU : « Les troupes ivoiriennes n’appartiennent pas aux forces de la Minusma. Une requête de la Côte d’Ivoire, pour déployer des éléments nationaux de soutien, a été approuvée en 2019. Cependant, aucune troupe n’a été déployée sous cette convention depuis ce moment-là. Nous encourageons vivement les deux pays à travailler ensemble pour résoudre la situation et permettre la libération des troupes détenues ».
En outre, Farhan Haq a confirmé que « ces hommes n’ont pas le statut d’éléments nationaux de soutien, comme l’a stipulé le Conseil national de sécurité ivoirien mardi dernier ».
L’ONU a mené des investigations en vue de déterminer les raisons de la présence des 49 soldats ivoiriens sur le territoire malien.
Après des vérifications, il a été établi que les « 49 mercenaires » n’ont pas le statut d’éléments nationaux de soutien de NSE comme l’a affirmé le Conseil national de sécurité de la Côte d’Ivoire dans son communiqué diffusé 48 heures après l’éclatement de cette affaire.
Pour sa part le Premier ministre, Choguel Maïga, s’est brièvement prononcé sur cette affaire lors d’une rencontre avec les membres du M5 venus présenter leurs vœux à l’occasion de la Tabaski. Le PM dira que pendant toute la journée du 9 juillet dernier, les autorités maliennes ont contacté toutes les parties pour en savoir d’avantage sur cette affaire, mais eux tous, ont dit qu’ils n’étaient au courant de la présence de ces militaires sur le sol malien. Il a fallu que les autorités maliennes prennent leurs responsabilités pour que certains commencent à s’agiter. « Personne ne va nous troubler. Nous ne cherchons des problèmes avec aucuns pays et particulièrement avec nos voisins. Nous sommes un pays pacifique, seulement on veut qu’on nous respecte, ça c’est une exigence. Et lors de son entretien téléphonique avec le Secrétaire général des Nations-Unies, le Président de la transition a été clair en lui indiquant que notre souveraineté n’est pas négociable… ».
L’Allemagne nie être impliquée
Autre fait troublant dans cette affaire ? Abidjan affirme que ses militaires ont été envoyés à Bamako dans le cadre de la sécurisation de sites logistiques de la compagnie SAS, elle-même mandatée par le contingent allemand de la Minusma. Cette dernière conteste avoir fait appel aux éléments ivoiriens. «Les détachements NSE sont embauchés par les contingents pour réaliser des tâches hors mandat, comme garder des entrepôts, explique Olivier Salgado. La Minusma n’intervient pas dans ces contrats».
Du côté de l’Ambassade d’Allemagne à Bamako, on affirme qu’ «Il n’y a pas de lien direct entre ces soldats ivoiriens et nous», assure un diplomate allemand. La société SAS n’a pas encore communiqué sur l’affaire, mais le cadre légal des NSE n’autorise pas des entreprises à faire appel à ce mécanisme dévolu aux Etats.
Mémé Sanogo
Forces spéciales ivoiriennes ou « dernier recours »
La crise politico-militairea favorisé le développement des forces spéciales ivoiriennes, leurs existences et leurs effectifs relèvent du secret défense. En 2011, Le président ivoirien Alassane Ouattara, par communiqué du gouvernement, indique que la nouvelle unité va renforcer le dispositif de sécurité mis en place dans le pays.
Sous le commandement du général de brigade Lassina Doumbia, les éléments de la force spéciale ivoirienne ont suivi des formations intenses dans des pays étrangers notamment aux Etats-Unis et en Egypte. Les forces spéciales ivoiriennes ont fait leur première apparition officielle le 7 août 2013 lors de la fête nationale. Leur devise, « ultimum recursum », qui signifie « Dernier recours ».
La force spéciale ivoirienne est un ensemble d’unités militaires spécialement formées, instruites et entraînées pour mener un éventail de missions particulières allant des opérations spéciales dans le cadre d’un conflit classique à celles relevant de la guerre non conventionnelle. Elle est composée d’opérateurs radio, de parachutistes, de nageurs de combat, de démineurs, de tireurs d’élite, etc. Ils sont issus de toutes les branches de l’armée.