«Le Président de la République est venu sur place. Et il a promis que ce qui est arrivé-là ne se reproduira plus… Mais les problèmes étaient loin de prendre fin. Au contraire. Les enlèvements et tueries ont continué… »… C’est manifestement sur la base de ce témoignage (du moins en partie) que les experts de l’ONU ont fondé leur religion et produit le rapport qui accable tant les autorités maliennes…
Pour avoir été sauvé in extremis et par miracle divin (Dieu Seul est en effet capable de la subtilité à l’origine de la prouesse en question), il fut le témoin oculaire d’atrocités de la part des assaillants, de la complicité active des éléments des Forces Armées maliennes et du crime de non-assistance dont se sont rendus coupables ceux de la MINUSMA. Voici le récit d’ALY Belco Barry, chef du village martyr d’Ogossagou, seul et unique survivant du génocide.
C’est à Bamako où il se trouvait, qu’il a été interrogé par des confrères de la place. ALY Belco Barry répondait ainsi à la convocation du chef de l’Etat lui-même, mais seulement après sa rencontre avec les Envoyés spéciaux des Nations-Unies sur place à OGOSSAGOU. En somme, le Président IBK ne l’a rencontré qu’après la publication du rapport onusien sur les deux massacres. Profitant donc de sa présence à Bamako, nos confrères l’ont rencontré et recueilli son témoignage sur les deux massacres d’Ogossagou. Voici son récit, traduit et transcrit pour vous. Interview !
« Je les ai vus décapiter les victimes, les éventrer, arracher leurs entrailles »
Question : Que s’est-il passé l’année dernière à Ogassagou ?
ALY Belco Barry : Des brigands sont venus et ont attaqué le village. C’était aux environs de 05 Heures du matin. Ils ont encerclé le village. Nous avons été réveillés par des coups de feu. Mais ils n’ont pu accéder au village ce jour-ci. Tous les assaillants étaient des Dogons.
Pourquoi n’ont-ils pu y accéder ?
Nous avions, au moment des faits, quatre jeunes que nous avions préparés et dotés d’armes que nous avions payées. Ce sont eux qui montaient la garde. Ils ont ainsi pu repousser les assaillants.
Etaient-ils nombreux et par quels moyens sont-ils arrivés sur place ?
Ils étaient très nombreux et sont arrivés sur motos et d’autres à pied.
Et après ?
Deux mois et quatre jours plus tard, ils sont revenus. Auparavant, nos autorités administratives et politiques (le maire, le préfet, les gendarmes…) sont venues de Bankass parlementer entre nous. Et on nous a rassurés que l’incident était clos et qu’il n’en aurait plus. Les intervenants ont conclu que les assaillants (les Dogons) avaient tort et nous ont, par conséquent demandé de pardonner. Nous avions accepté et c’est sur ce ton que nous nous sommes quittés.
C’est donc deux mois et quatre jours plus tard qu’ils sont revenus et ont allumé le plus grand feu dont il est aujourd’hui question. Et parmi ces assaillants, il y avait des militaires venus expressément du nord. Je les ai personnellement vus, moi-même.
Les Dozos parmi eux sont venus des quartiers Dogons d’Ogossagou et avec les militaires, ils ont attaqué le village en passant vers la maison du KARAMOKO (maître coranique) du nom de BARSEKOU-ISSA qu’ils ont abattu.
Je signale que les intercesseurs qui avaient auparavant intervenu, nous avaient laissé leurs contacts téléphoniques au cas-où. Et lors de cette seconde attaque, je les ai personnellement appelés. En vain !
Finalement, un d’entre eux, un militaire, a pris mon appel. Je lui ai demandé où il se trouvait à cet instant précis. Il m’a répondu qu’il était en route pour Ogossagou. Il ignorait que je l’apercevais au même moment alors qu’il était posté vers la maison du KARAMOKO en question. Il m’a promis de venir conformément à sa mission. Je le voyais pendant qu’on communiquait au téléphone. Mais lui, ne me voyait pas.
Ce jour, j’ai reçu une balle dans la tête et elle n’est pas encore ressortie. Je n’ai pas eu le temps de me rendre à l’hôpital pour l’extraire.
Sont également arrivés sur les lieux, les militaires venus de Sévaré. Ils sont restés aux portes du village et n’ont pas intervenu. Ils ont laissé faire. Nous nous sommes refugiés à côtés d’eux.
Et c’est après le massacre et le départ des assaillants, qu’ils sont rentrés dans le village et se sont mis à filmer les scènes d’horreur.
Quel est le nombre des victimes ?
Deux-cents quatre (204) personnes !
Les autorités parlent pourtant de 174 victimes. Qu’en est-il ?
Faux et archi-faux ! Nous avions personnellement compté les corps. Et parmi les victimes, figuraient des femmes et des enfants !
Ils ont également détruit les greniers et abattu nos animaux. Ils n’ont rien épargné.
Et que s’est-il passé après ?
Le Président de la République est venu sur place. Et il a promis que ce qui est arrivé-là ne se reproduirait plus. Il a en outre promis d’envoyer des militaires sur place lesquels, à ses dires, y resteront le temps qu’il faut, en tout cas, tant que le calme ne sera pas revenu sur l’ensemble du territoire national.
Nous lui avions fait confiance et nous avons accepté ses dires. Chose promise, chose faite. Des militaires sont en effet venus.Mais les problèmes étaient loin de prendre fin. Au contraire. Les enlèvements et tueries ont continué. On déplore au moins 15 personnes tuées en brousse, dans les champs, les pâturages, etc. Et ce, dans l’indifférence totale.
Qui peut donc être à l’origine de ces tueries ?
Nous sommes convaincus que les plus hautes autorités du pays y ont une grande part de responsabilité.
Et comment donc ?
Nous avions vu des personnes en train d’être abattues devant les militaires présents, à moins de 20 mètres d’eux, sans qu’ils lèvent le petit doigt pour empêcher le massacre. Et les auteurs n’ont nullement été inquiétés. Pis ! Un des assaillants a perdu son téléphone que nous avions récupéré. Et là-dedans, il y avait des images etdes noms de personnes, des Dogons, que nous connaissons parfaitement.
Ces assaillants sont toujours parmi nous à Ogossagou, et ne sont nullement inquiétés. Nous avions remis le téléphone en question aux autorités de Bankass, mais rien à présent ! Ces faits se sont déroulés l’année dernière.
Par la suite, le chef militaire du nom de Siaka Coulibaly présent à Ogassagou, nous a réunis pour nous informer de son départ très prochain. Mais, a-t-il dit, ce n’était pas encore le moment. Il ne partira que lorsque son remplaçant sera sur place.
Il est resté une semaine durant et le jour de son départ, il ne nous a nullement informés. Et son prétendu remplaçant n’est pas venu non plus.
Nous avions appelé le Procureur Ibrahim SAMAKE pour l’informer de la situation qui prévalait désormais à Ogossagou.
En partant, ils ont embarqué deux personnes et leurs affaires (dont des munitions qu’ils leur avaient auparavant données) dans le quartier Dogon. Et ils les ont amenés avec eux. Et les femmes criaient et se lamentaient du fait que Coulibaly (le chef militaire) les abandonnait ainsi à leur sort.
Il (Coulibaly) s’est contenté de leur remettre des munitions, notamment à un nommé Oumarou, un Forgeron.
Après leur départ, j’ai de nouveau appelé SAMAKE [le Procureur] et il a affirmé avoir alerté toutes les autorités concernées et que d’autres militaires sont en route, qu’ils arriveront avant le crépuscule. Ces militaires, a-t-il dit, venaient de Sevaré et Koro.
Nous avions également fait appel à un responsable de la MINUSMA du nom d’Amadou Bâh à Sévaré. Lui aussi nous a confirmé qu’une équipe de la MINUSMA se trouvant à DJALASSAGOU à 20 KM de là, se mettra incessamment en route pour Ogossagou. Et nous attendions toujours. En vain ! Personne n’est venue !
Ceux de la MINUSMA ont quitté DJALASSAGOU à 04H du matin et sont passés par là avec des touristes. Nous les avions signalés mais ils ont refusé de s’arrêter. Ils ont ainsi traversé le village sans s’arrêter. Le convoi a fait une pause à la sortie du village au niveau du cimetière avant de poursuivre son chemin. Et moins de 15 minutes plus tard, nous avions entendu les premiers coups de feu.
Les assaillants étaient venus durant la nuit et s’étaient idéalement postés dans le village. Ils ont ainsi ouvert le feu. Ainsi pris au piège et paniqués, nous ne savions que faire et où aller. Ils avaient fermé toutes les issues de secours et de fuite en direction des villages voisins (SONTÈ, TIENBALA, SON, SONDJO, etc.). Aussi, les habitants de ces villages obligeaient les fuyards à retourner sur leurs pas, c’est-à-dire, en direction d’OGOSSAGOU, se trouvant sous le feu.
J’ai pu être sauvé parce que je suis parvenu à me cacher au pied d’un arbre dans un buisson. Trois (03) vieillards et quatre (04) jeunes ont également trouvé refuge non loin de là. Moi je les voyais ! Les assaillants sont arrivés, les ont pris et les ont tous exécutés sous mes yeux. Tous les assaillants sont ressortissants d’OGOSSAGOU. Tous, sans exception ! Je les connais tous !
Ils ont tiré sur eux avant de les éventrer et d’ôter leurs entrailles. Sous mes yeux ! J’ai tout vu mais, eux, ne m’ont pas vu ! C’est Dieu qui m’a sauvé !
Une des victimes du nom de Yaya a été décapitée, éventrée, le foie et autres organes arrachés. Un autre du nom de Moussa a subi le même sort et a été en outre mutilée des pieds et des mains. Les autres (répondant aux noms de BOCAR GORBA, BOULA…) ont été «simplement» abattus.
J’étais assis-là et j’observais. Ils ont aperçu un groupe de fugitifs et les ont pris en chasse. Deux autres assaillants sont venus à mon niveau. L’un répond au nom de BREHIMA. Je le connais personnellement pour avoir le même âge que lui. Il est Dogon et natif d’Ogossagou. Et l’autre s’appelle AMAGUENDEN. Le premier a demandé au second de fouiller le buisson en vue de retrouver d’éventuels fugitifs. Ce dernier a tenté de l’en dissuader, convaincu qu’i n’y avait plus personne-là, au regard de la présence des dépouilles sur le sol. Mais il insista et se dirigea vers ma cache. Mais au même moment, des coups de feu ont retenti. Il crut à une riposte et chercha à comprendre. Il se rendit compte que ce sont les siens qui tiraient et des balles m’ont d’ailleurs frôlé puisqu’ils tiraient en direction du buisson en question. Ils échangèrent quelques mots entre eux, et s’en allèrent, oubliant de fouiller.
Nous sommes les deux seuls survivants, le chef du village de DJOUHAGOU et moi, d’Ogossagou. Tous les autres ont péri. Ils ont tué ce seul jour, 55 personnes.
Et pourtant, certains parlent de 34 victimes. Qu’en est-il ?
Jamais de la vie ! Ce sont 55 personnes et 19 sont encore portées disparues parce qu’elles étaient en brousse, au champ ou au pâturage au moment du massacre ! Et les autorités ne nous ont pas aidés en vue de les retrouver. Et pour notre part, nous avons peur d’entamer des recherches.
Qu’est-il advenu de vos biens, bétails et récoltes ?
Ils ont tout emporté ou détruit. Presque tout ! Il est resté seulement 15 bovidés en tout pour les quatre villages !
Et les auteurs de ces massacres et exactions sont véritablement d’Ogassagou ?
Oui, pour la plupart d’entre eux ! Et je suis témoin ! Et pis, ils sont en train, en ce moment, de construire leurs maisons à Ogossagou… Nullement inquiets !
Et qu’est-ce que les autorités ont dit ou fait ?
Elles sont venues, ont constaté et sont reparties sans rien dire.
Les forces de sécurité sont-elles encore présentes sur les lieux.
Oui ! Elles y sont !
Mais pourquoi donc des concitoyens du même village vous ont-ils pris pour cibles ? Que leur avez-vous fait de mal ?
Wallaye (je jure) ! Nous ignorons ce que nous avions fait de mal et pourquoi ils nous ont attaqués à deux reprises. Ce que nous savons par contre, c’est l’existence d’un litige foncier dans le village. Cela les a certainement servis de prétexte.
Mais comment donc ?
Depuis belle lurette, les Dogons cherchaient à accaparer nos terres. Ils savent pertinemment que ces terres ne leur appartiennent pas. Nous en sommes les propriétaires même si ce sont eux qui, parce que cultivateurs, les exploitent. En sommes, nous leur prêtons nos terres et nous nous occupions de nos pâturages. Nous pensons qu’ils ont engagé une guerre d’extermination en vue de récupérer nos terres…
Pour ma part, je n’ai jamais appris un seul jour, qu’un peulh a tué un Dogon, un fonctionnaire en service…
Le village est-il habité en ce moment ?
Oui, il est habité. Et les éléments des forces de sécurité y sont présents. Mais ceux-ci demandent tous les jours à quitter. Ils ne veulent pas rester. .
Et pourquoi n’ont-ils pas encore quitté ?
Il n’y a pas de voie praticable en ce moment, ni pour joindre Mopti, encore moins le Burkina voisin.
A quoi vous aspirez-vous à l’heure actuelle ?
Une chose est sûre : nous ne voulons plus rester dans ce village où il nous est impossible d’effectuer le moindre déplacement. Il est désormais impossible d’y vivre…
Traduits et transcrits par B.S. Diarra