Pour rester fidèle à notre tradition consistant à choisir la femme qui a marqué l’année écoulée au Mali, le journal Infosept a désigné Mme Sy Kadiatou Sow au titre du 8 mars 2018. Ce choix honore le combat qu’elle a mené contre le projet de révision constitutionnelle 2017, au sein du Mouvement Antè A bana. Convaincue des risques dont la nouvelle Constitution était porteuse, elle s’y est opposée en bravant tous les obstacles avec calme et détermination. Qui est cette femme politique hors-pair ?
Si, selon un célèbre adage, l’éloge ne sied qu’aux morts, il est tout de même un devoir pour tout citoyen de reconnaitre la valeur de celles et ceux qui se sont battus pour la nation. Mme Sy Kadiatou Sow, alias Salama, fait sans nul doute partie de ces célèbres femmes qui ont marqué de leur empreinte la vie sociopolitique du Mali pendant ces dernières décennies. Membre active et militante de première heure du Mouvement démocratique, Kadiatou Sow appartient également au club privilégié des signataires de la fameuse Lettre du 7 Août 1990 qui demandait au Général-président Moussa Traoré de concéder une ouverture politique. Présente à toutes les manifestations pour le changement, Salama a été l’une des rares femmes ayant accepté de s’afficher clairement contre le parti unique. L’aboutissement de ses années de lutte contre le pouvoir dictatorial du Général Moussa Traoré a été la chute de ce régime le 26 mars 1991. Membre fondateur de l’Alliance pour la Démocratie au Mali (ADEMA-Association), Salama fut la première femme Gouverneur du District de Bamako sous la transition dirigée par Amadou Toumani Touré. Après l’avènement au pouvoir d’Alpha Oumar Konaré, en juin 1992, elle a été tour à tour première femme ministre des Affaires étrangères, avant d’occuper le poste de ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat. Pendant la décennie du pouvoir d’Alpha Oumar Konaré, Sy Kadiatou Sow faisait partie du cercle restreint de ses « hommes » de confiance, avant que les liens ne se relâchent du fait de son choix en faveur de Soumaila Cissé comme candidat de l’Adéma-Pasj en 2002. Après l’échec du poulain de l’ADEMA face à ATT, avec toutes les péripéties qui l’ont précédé et suivi, Mme Sy a disparu des écrans radars de la politique pour se consacrer au Projet de lutte contre la pauvreté, qu’elle dirigea sous ATT et jusqu’en 2011. Lorsque la junte militaire de Kati a perpétré son coup d’Etat du 22 mars 2012, Mme Sy, tel le phénix, réapparait comme membre éminent du Front pour la sauvegarde de la République et de la démocratie, FDR. Après la sortie de crise consacrée par l’élection d’Ibrahim Boubacar Keita en 2013, elle s’est consacrée à l’animation de l’ADEMA-Association avec le Professeur Aly Nouhoum Diallo qui lui a passé le témoin. C’est au sein de cette association qu’elle a pris une position clairement opposée à celle des partisans de la révision constitutionnelle. De fil en aiguille, les patriotes opposés à ce projet « démocraticide » se sont retrouvés pour former un front unitaire appelé « An Té A Bana » en nommant Mme Sy Kadiatou Sow comme présidente. Le quart de siècle qui s’est écoulé entre les années 1990 et 2017, n’a nullement entamé sa détermination à être à la tête de toutes les manifestations contre la révision constitutionnelle. Le combat a duré des mois, avant que le Président de la République, sous la pression de la rue, ne cède. Comme un trophée de guerre, le retrait du projet a été salué comme une victoire du Mouvement. Ayant eu le sentiment du devoir accompli, Mme Sy Kadiatou Sow a préféré se retirer pour permettre au Mouvement de se choisir un autre leader.
Pour tout dire, Salama est une icône du combat pour l’émancipation de la Malienne, et du Malien, tout court. Pas donc étonnant que son nom trône aujourd’hui parmi les femmes les plus célèbres du Mali contemporain.
Youssouf Sissoko
Source: infosepte- Mali