Conformément à la résolution adoptée en 2021, le Secrétaire général de l’ONU doit présenter son rapport trimestriel sur la situation du Mali couvrant la période du 3 juin au 19 septembre 2022, à l’image d’autres pays dans lesquels les opérations de maintien de paix sont déployées.
Ce mardi, Antonio GUTERRES dans son rapport sur le Mali aborde la situation sécuritaire du pays, la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale et l’évaluation de la transition qui doit organiser l’élection présidentielle en février 2024 pour tourner la page du coup d’État.
Le gouvernement du Mali, en réaction à des points de ce rapport, en examen, a formulé son mémorandum en défense dans lequel il récuse et recadre des informations contenues dans le document du Secrétaire général des Nations unies.
Sur le plan sécuritaire, notre pays est loin d’être un fleuve tranquille à cause des attaques de groupes terroristes continuant de semer la terreur sur une partie du territoire national.
Les démentis du
gouvernement
Ainsi, dans son rapport, GUTERRES, exprimant sa préoccupation face à cette situation, en dépit « des opérations militaires visant à stabiliser le centre du pays » évoque l’augmentation des activités des éléments extrémistes affiliés au JNIM et à l’EIGS, marquée par une extension de l’insécurité vers l’ouest et le sud du pays, avec leur corollaire de menaces contre les populations civiles, les forces de défense et de sécurité et la MINUSMA.
En réponse à ces faits, le rapport du Secrétaire général de l’ONU indique que la MINUSMA aurait mené plusieurs opérations en mettant l’accent sur une coopération renforcée avec les Forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM), notamment à travers des activités de protection conjointes ; 175 patrouilles conjointes Police des Nations unies / FDSM auraient mené au 04 septembre ; 3 patrouilles de longue distance avec les FDSM seraient effectuées chaque semaine sur l’axe Sévaré – Bandiagara ; des patrouilles conjointes seraient également régulièrement effectuées à Gao, Goundam, Ménaka, Sévaré et Tombouctou « ce qui a contribué à créer un environnement plus sûr pour la population ».
De son côté, le gouvernement du Mali reconnaît que les FDSM ont certes effectué des patrouilles avec la MINUSMA, mais le chiffre 175 est à revoir largement à la baisse. En contestant les données de la MINUSMA, le gouvernement du Mali avance qu’à Tombouctou, aucune patrouille n’a été effectuée dans ce sens. Idem sur l’axe Tombouctou-Goundam où aucune patrouille de la MINUSMA n’a été exécutée depuis 4 mois.
Par ailleurs, la sécurisation de l’aérodrome de Diré est régulièrement assurée par les Forces armées Maliennes (FAMA) pour l’atterrissage des vols humanitaires, précise le mémorandum.
De même à Gao, les autorités maliennes rejettent l’information selon laquelle la MINUSMA a conduit des patrouilles conjointes avec les FDSM à la période indiquée. Situation similaire dans la ville de Sévaré où aucune patrouille conjointe de sécurisation n’est conduite.
Outre ces ajustements factuels, le mémorandum du gouvernement dénonce le silence du rapport sur les succès des forces armées maliennes dans la lutte contre le terrorisme.
« Le rapport sous examen aurait gagné en objectivité s’il informait davantage sur les efforts du Gouvernement, par ailleurs régulièrement couronnés de succès sur le terrain, dans le cadre de la sécurisation du territoire national et de la protection des populations civiles. En effet, il est regrettable qu’en de nombreuses occurrences, le rapport mentionne uniquement les actions des groupes armés terroristes, sans pour autant informer sur les réactions des FAMA», relevons dans le document du gouvernement de notre pays, rappelant que la présence des FAMA a été renforcée dans certaines zones (les villages de Diallassagou, Dianweli et Dessagou) suite aux attaques du 18 juin 2022, ayant contribué à réduire ainsi les attaques contre la population dans le secteur.
« Les groupes armés terroristes, bien que perturbés par les offensives FAMA, continuent de mener des actions désespérées à faibles répercussions sur les forces maliennes. Les attaques simultanées du 21 juillet 2022 dans les localités de Mopti, Douentza, Ségou et Koulikoro en témoignent à suffisance », déclare le gouvernement.
En dépit de la montée en puissance des FAMA, regrettent les autorités de la transition, les actions lâches des groupes terroristes se sont poursuivies, à travers la récente explosion d’un car de transport civil sur la route Sévaré – Bandiagara – Koro, le 13 octobre 2022, après avoir sauté sur un engin explosif improvisé (EEI). Le bilan provisoire de cette attaque terroriste, de la Katiba Macina de Amadou Kouffa ayant fait allégeance au JNIM de Iyad Ag Agaly, fait état de 10 morts dont une femme et une fillette de 5 ans ; et 3 blessés évacués sur Bandiagara et Sévaré.
Face à ces actes illustratifs de la lâcheté et de la barbarie de cette organisation en perte de puissance et en débandade, le gouvernement appelle à une meilleure coordination de l’appui des Nations Unies, à travers la MINUSMA et les équipes pays, y compris dans le cadre de la Stratégie globale pour la stabilisation du Centre, adoptée en Conseil des ministres le 24 août 2022.
Il s’agirait notamment pour la MINUSMA, préconise le gouvernement, de se rapprocher davantage des autorités maliennes afin d’inscrire sa démarche et ses activités dans le sens de la mise en œuvre des priorités définies dans ladite Stratégie et son plan d’action, conformément à son mandat.
Profitant encore de cette opportunité, le Mali a renouvelé sa demande d’une réunion spécifique du Conseil de sécurité pour examiner ses preuves contre la France accusée d’apporter un soutien au terrorisme et de violer son espace aérien.
« Il est surprenant que, dans le cadre du récit factuel, le rapport du Secrétaire général ait passé sous silence la saisine du Conseil de sécurité par le Mali, par lettre n° 444/MAECI en date du 15 août 2022, pour ce qui concerne les tentatives de déstabilisation et les violations répétées de l’espace aérien par les forces françaises. Ces actes d’agression d’une extrême gravité ne doivent pas rester sans suite », fulminent les autorités maliennes.
Le dossier des
« mercenaires ivoiriens »
Alors que la médiation se poursuit dans l’affaire des 46 « mercenaires ivoiriens » détenus à Bamako depuis le 10 juillet, ce dossier est revenu dans le débat. Maintenant sa position, notre pays a formulé des observations sur le rapport de la MINUSMA qui omet carrément la référence à la note verbale en date du 22 juillet 2022 par laquelle la MINUSMA établit clairement qu’il n’existe pas de lien entre les 49 soldats et la MINUSMA. Cette même note verbale évoque des procédures non suivies et « des dysfonctionnements », a ajouté le gouvernement, tout en rappelant que le 12 juillet 2022, M. Farhan HAQ, porte-parole adjoint du Secrétaire général des Nations Unies, a indiqué que « Les troupes ivoiriennes n’appartiennent pas aux forces de la MINUSMA. Une requête de la Côte d’Ivoire, pour déployer des éléments nationaux de soutien, a été approuvée en 2019. Cependant, aucune troupe n’a été déployée sous cette convention depuis ce moment-là. Nous encourageons vivement les deux pays à travailler ensemble pour résoudre la situation et permettre la libération des troupes détenues » et que « ces hommes n’ont pas le statut d’éléments nationaux de soutien, comme l’a stipulé le Conseil national de sécurité ivoirien mardi ».
Ainsi, les autorités de la transition rejettent catégoriquement toute velléité tendant à renverser la charge de la responsabilité de ces dysfonctionnements, car le Mali, affirment-elles, dans ce dossier, est la victime.
Par ailleurs, le gouvernement informe le Conseil de sécurité que le dossier suit désormais son cours judiciaire ; toutefois, il affirme rester ouvert à une solution diplomatique, dans l’esprit des relations fraternelles et de bon voisinage qui ont toujours caractérisé les liens entre le Mali et la Côte d’Ivoire.
« Pour donner toutes les chances au processus diplomatique d’aboutir, le Gouvernement du Mali lance un appel aux différents intervenants, y compris les responsables d’organisations internationales à éviter tout parti pris, à faire économie des postures jetant l’opprobre sur l’une des parties, particulièrement sur la victime et à plutôt inscrire leurs démarches dans une approche constructive. C’est surtout ce qui est attendu de nos partenaires, y compris les Nations unies », conseille le Mali.
Situation des Droits de l’Homme
Le rapport du Secrétaire général signale une diminution sensible des cas d’allégations de violations et d’atteintes aux droits de l’homme (405 cas) par rapport à la période précédente (684 cas). 55 des cas concernant la période sous examen ainsi que 181 cas d’arrestations et de détention arbitraires seraient imputables aux forces maliennes.
Le Gouvernement fait observer qu’aucune plainte concernant les cas cités ci-haut n’a été reçue par les services compétents de la défense et de la sécurité de la part des populations. Toutefois, celles portées à la connaissance des autorités ont toujours fait l’objet d’un traitement diligent. Les registres de plainte des tribunaux militaires du pays sont constamment ouverts à toute éventuelle dénonciation de violation des droits de l’homme et des enquêtes subséquentes sont ouvertes comme en témoignent de nombreuses procédures judiciaires dans ce sens dont certaines sont, en cours d’instruction, au niveau du tribunal militaire.
Le ministre de la Défense et des anciens combattants a signé, à cet égard, différents ordres de poursuite. Aussi, convient-il de rappeler que les forces de défense et de sécurité maliennes sont bien outillées en matière de Droits de l’Homme et de Droit international humanitaire.
Le Gouvernement regrette que le Secrétariat général rapporte dans un document officiel des allégations graves, sans vérification minutieuse, qui sont sans fondement. De telles allégations ternissent l’image du Mali, sapent le moral des troupes en opération et dressent, sans aucune base réelle, la communauté internationale contre la volonté des autorités de Transition de libérer le territoire national du joug terroriste.
« Le Gouvernement invite le Secrétariat des Nations unies à s’écarter de cette posture négative et hostile et à s’inscrire dans la démarche qui justifie sa présence au Mali : aider les Maliennes et les Maliens à faire face et à surmonter les difficultés en lien avec la crise sécuritaire », indiquent les autorités de la transition.
De même, le gouvernement regrette que le rapport de la MINUSMA allègue que les FAMA ont empêché l’accès les Casques bleus aux personnes arrêtées dans le cadre des opérations militaires, ce qui aurait visiblement rendu impossible la mission de visite de certains centres de détention cités dans le rapport.
« Il y a lieu de rappeler que la justice a ses propres procédures et exigences, lesquelles commandent que les allégations contenues dans le présent rapport soient étayées par des preuves objectives ou, tout au moins, qu’elles soient fondées en leur principe. Ce qui n’est pas toujours établi dans le rapport », précise notre pays dans son mémorandum.
Quant à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, en réponse à l’affirmation de « lenteur dans la mise en œuvre de l’Accord » le Gouvernement observe au contraire que la période sous examen a été marquée par des avancées notables, à l’instar de la tenue de la réunion de niveau décisionnel à Bamako, du 1er au 05 août 2022 ; la tenue de la réunion ministérielle du Comité de Suivi de l’Accord, à Bamako, le 02 septembre 2022.
« La mise en œuvre de l’Accord a connu une autre étape importante avec la tenue, le 11 octobre 2022, de la 46e session du CSA, au cours de laquelle les parties maliennes ont renouvelé leurs engagements en vue d’une mise en œuvre diligente et effective de l’Accord de paix, seul gage pour un retour définitif et durable pour la paix au Mali », a soutenu le gouvernement malien.
PAR SIKOU BAH
Source: Info- Matin