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« Nous nous battons pour que la démocratie s’applique enfin au Congo »

A Brazzaville, Pascal Tsaty-Mabiala, premier secrétaire du principal parti de l’opposition, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), se dit déterminé à continuer la « désobéissance civile » et à ainsi empêcher, ou pour le moins perturber, le référendum sur la modification de la Constitution, prévu dimanche 25 octobre.

referundum manifestation carnavale congo brazzaville

Que comptez-vous faire d’ici à dimanche ?

Pascal Tsaty-Mabiala : Avec les autres partis de l’opposition, nous avons décrété une désobéissance civile, qui est un acte légal prévu dans la Constitution de 2002. Si le président Denis Sassou-Nguesso continue à imposer ce référendum aux Congolais, alors nous en prendrons acte et ne respecterons plus son autorité ni les symboles de l’Etat. Quand on écoute le peuple, pas un seul Congolais n’est convaincu de la nécessité et de l’urgence de modifier la Constitution. On peut bien sûr voir quelques personnes manipulées qui tentent d’entretenir une sorte de « sassoumania » désuète. Mais, dans le fond, nul ne veut participer à cette manipulation. Nous allons donc poser des actes inciviques, car nous souhaitons que la société entière rejette ce référendum.

Comment cela se traduira-t-il concrètement ?

Nous appelons nos militants et le peuple congolais à descendre dans la rue à main nue pour contester cet ordre tyrannique et pour perturber ce scrutin qui n’est rien d’autre qu’un coup d’Etat anticonstitutionnel visant à étirer la longévité d’un président qui cumule plus de trente ans au pouvoir. Nous ferons tout pour que ce vote ne puisse se tenir. Nous allons manifester à nouveau. Ils nous tireront dessus, nous tueront, peut-être. Mais ce que nous faisons, c’est pour le pays. Et pour tous les Congolais.

Pourquoi refusez-vous la tenue de ce vote et le choix des urnes ?

Tout d’abord, hormis une petite partie de l’élite, qui a lu ce projet de Constitution ? Il faut des semaines, des mois pour le vulgariser, l’expliquer aux citoyens afin qu’ils puissent comprendre, débattre, discuter avant de voter. Il n’y a pas eu de recensement, il n’y a pas de cartes d’électeur… Nous avions suggéré des cartes d’électeur biométriques, mais le pouvoir nous a répondu qu’il n’y avait pas de budget et que cela prendrait trop de temps. Moi-même je n’ai pas de carte d’électeur ! Et nous sommes nombreux dans ce cas. On ne sait même pas où sont les bureaux de vote. C’est kafkaïen. Denis Sassou-Nguesso aurait dû écouter son peuple. C’est la première fois dans notre pays qu’un projet de Constitution sera voté, si vote il y a, par une infime partie de la population.

Pouvez-vous échanger avec les leaders de l’opposition assignés à résidence ?

Difficilement, car Guy-Brice Parfait Kolélas et André Okombi Salissa sont en résidence surveillée par des militaires et nous ne pouvons leur rendre visite. C’est un vote censé être démocratique et on se retrouve avec des leaders d’opinion interdits de sortir de chez eux et donc de mener à bien leur campagne. Denis Sassou-Nguesso est pourtant présenté sur la scène internationale comme un homme de paix, le garant de la stabilité du Congo, le médiateur régional… Mais voilà qu’il se révèle en ces temps de crise politique. Il organise un scrutin comme bon lui semble, en muselant l’opposition, en faisant usage de la force pour tuer des manifestants, en déployant son armée, sa police, et même sa milice composée de jeunes hagards habillés en civil et armés qui tirent sur les manifestants. Les rares militants du oui au référendum, eux, peuvent défiler dans le centre-ville, et jouissent de la protection des forces de l’ordre. Seuls ses partisans peuvent mener campagne. Voilà donc la démocratie comme il la conçoit : un parti unique en fait, le sien. Mais Denis Sassou-Nguesso ne voit plus ce qui se passe au Congo, et a sous-estimé le poids de l’opposition. Les meetings du 27 septembre à Brazzaville, puis du 17 octobre à Pointe-Noire le lui ont rappelé.

D’aucuns redoutent que ces rivalités politiques se traduisent par des clivages ethniques au Congo et renforcent un sentiment de division entre le nord et le sud du pays ?

En effet, on entend davantage de propos haineux. Et le président surfe sur les divisions ethniques. Jeudi 22 octobre, six membres de l’UPADS ont été arrêtés tout près du siège du parti et embarqués dans un véhicule de police. Sur la route, ils ont entendu dans la bouche des policiers des propos ethniques qui les ont fait frissonner, racistes à l’égard de « Sudistes » qui souhaiteraient arracher le pouvoir aux gens du Nord. Sauf que parmi ces militants interpellés, il y avait autant de gens du Nord que du Sud. André Okombi Salissa, ancien ministre de l’actuelle majorité, est du Nord, de même que Mathias Dzon, qui a été ministre de l’économie et des finances, pour ne citer qu’eux. Mais la dangereuse stratégie de division ethnique menée par Denis Sassou-Nguesso ne fait qu’aggraver la situation. Nous faisons tout pour contrer ce discours ethnicisant et apaiser les esprits. Ce qui se passe est une crise politique qui n’a rien à voir avec l’ethnie.

Le général Jean-Louis Mokoko, représentant spécial de l’Union africaine en Afrique centrale, a été plébiscité par des manifestants lors du meeting à Pointe-Noire. Etes-vous en contact avec lui, et pensez-vous qu’il puisse jouer un rôle d’apaisement ?

Oui, je suis en contact avec M. Mokoko, qui a joué un rôle de premier plan dans l’histoire récente de ce pays, au service de la démocratie [Il était chef d’état-major des armées lors de la conférence nationale de 1991 qui a ouvert la voie au multipartisme au Congo]. C’est une personnalité respectée et qui compte dans notre pays. Mais ce n’est pas à moi de dire s’il reviendra au Congo ou s’il jouera un rôle dans un futur proche. Certains le souhaitent. On n’en est pas là.

Quelle est votre réaction aux déclarations de François Hollande, qui a reconnu à son homologue congolais, Denis Sassou-Nguesso, « le droit de consulter son peuple », avant de « condamne[r] toute violence » ?

Cette crise politique est d’abord une affaire de Congolais. Mais tout de même, la France, terre de libertés et de droits de l’homme, qui s’aligne sur les positions obscurantistes et rétrogrades de Denis Sassou-Nguesso, au nom d’une prétendue realpolitik, les bras m’en tombent. Je regrette ces déclarations de François Hollande. Alors que Washington reste sur une ligne très claire opposée à un troisième mandat. Et sur place à Brazzaville, l’ambassadrice américaine applique cette doctrine prodémocratique. Ce n’est pas une lutte pour ou contre Denis Sassou-Nguesso. Cela va bien au-delà, nous nous battons pour que la démocratie s’applique enfin au Congo.

 

Source: lemonde

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