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Nord-Mali : «Iyad Ag Ghali recherche la légitimité et un nouveau positionnement»

Le 2 mars dernier, le Touareg malien Iyad Ag Ghali est apparu sur une vidéo avec trois autres chefs jihadistes pour annoncer la création d’une nouvelle alliance, le «Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans».

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Est-ce le signe que les jihadistes du Nord-Mali gagnent du terrain ? Philippe Migaux enseigne à Sciences Po Paris et a publié il y a huit mois chez Plon «Le jihadisme – Le comprendre pour mieux le combattre».

RFI : Philippe Migaux, le 2 mars dernier le chef jihadiste malien Iyad Ag Ghali a annoncé la fusion de son organisation avec deux autres. Peut-on parler d’un simple coup médiatique ou d’une démonstration de force ?

Philippe Migaux : S’il s’agit d’une démonstration de force, on a d’abord un coup de provocation, parce que les plus importants chefs sahéliens de la rébellion aujourd’hui n’hésitent pas à violer leurs règles de clandestinité pour faire cette vidéo. On est sur une dimension principalement médiatique parce que ces groupes collaborent régulièrement depuis décembre 2015, ils avaient intensifié leurs attaques de proximité contre les forces de la Minusma, mais aussi ils avaient fait des frappes contre des postes isolés, des forces de sécurité ou des responsables de l’administration au Burkina Faso, au sud du Mali et au Niger. L’objectif c’est de rappeler que les partisans de la mouvance al-Qaïda gardent une présence dominante au Sahel pour contrer la montée en puissance dans la région de l’Etat islamique.

Et ces nouveaux alliés d’Iyad Ag Ghali ce sont des chefs jihadistes qui ont une certaine influence dans la sous-région ?

Ah oui ce sont les plus importants. Vous avez Yahia Abou Hammam qui est l’émir d’Aqmi sud, vous avez Amadou Koufa qui est l’émir du Front de libération du Macina…

Ça c’est au centre du Mali ?

C’est au centre du Mali, c’est la population peule. Et enfin, vous avez Hassan al-Ansari qui est le numéro 2 du mouvement de Mokhtar Belmokhthar.

Et alors cette alliance du 2 mars dernier c’est, je crois, une nouvelle déclaration de guerre à la fois contre les régimes en place et contre le grand rival jihadiste qu’est devenu ces derniers mois le groupe Etat islamique ?

Oui, parce que la montée en puissance de l’Etat islamique se poursuit. D’abord en Libye on a cru que les combattants de Syrte avaient été neutralisés, en fait 3 000 d’entre eux ont survécu et se sont éparpillés sur la Libye. Vous avez 600 d’entre eux qui sont des combattants tunisiens qui veulent revenir dans leur pays d’origine pour y commettre des attentats et vous avez une partie des combattants étrangers qui se dirigent aujourd’hui vers le sud dans la région d’Oubari, où ils font peser une menace plus importante contre le nord-Niger.

Est-ce que le groupe Etat islamique ne se manifeste pas aussi de plus en plus au Maghreb ?

Il se manifeste non seulement au Maghreb, mais au Mali. Au Mali vous avez un groupe dissident d’al-Mourabitoune qui a fait allégeance au nom de provinces du grand Sahara et qui menace l’Est nigérien. Mais c’est évident qu’au Maghreb il a des progrès constants. En Algérie vous avez six katibas d’Aqmi qui ont fait allégeance à l’Etat islamique et plus inquiétant encore, vous avez la présence régulière de petits groupes de l’Etat islamique dans les villes algériennes, alors que les services de sécurité algériens avaient réussi à stopper tout terrorisme urbain depuis 2008. Or, à Constantine vous avez eu le 25 mai dernier un attentat-suicide échoué contre un commissariat, mais quinze jours plus tôt ils avaient réussi à tuer un policier dans la zone. Et au Maroc c’est encore plus inquiétant. On s’aperçoit qu’au Maroc il y a une trentaine de groupes liés à l’Etat islamique qui ont été démantelés en deux ans, alors qu’Aqmi sur place n’arrive pas à reconstituer ses réseaux.

Revenons maintenant à Aqmi – Al-Qaïda au Maghreb islamique – comment se fait-il, Philippe Migaux, que Mokhtar Belmokhtar ne soit pas apparu dans la vidéo du 2 mars dernier et que son nom n’ait même pas été mentionné par Iyad Ag Ghali ?

Cela semble confirmer la mort de Mokhtar Belmokhtar dans un bombardement fait par les forces françaises le 14 novembre dernier en Libye qui aurait atteint sa cible. La mort de Mokhtar Belmokhtar c’est un coup très dur pour la mouvance al-Qaïda, parce que seul Mokhtar Belmokhtar avait le réseau relationnel qui lui permettait d’avoir des capacités de projection à long terme d’opérations contre des cibles molles fréquentées par des expatriés, comme l’attaque de Grand-Bassam il y a juste un an en Côte d’Ivoire. En même temps, al-Mourabitoune a réussi à se recentrer sur des attaques de proximité de grande ampleur, comme elle l’a fait le 17 janvier dernier avec l’attaque de Gao, qui a fait une soixantaine de morts dans les rangs des ex-rebelles et des militaires maliens qui forment les futures patrouilles mixtes.

Est-ce que cette vidéo du 2 mars confirme le rôle central que pourrait jouer aujourd’hui Iyad Ag Ghali dans la conduite de l’insurrection jihadiste au Sahel ?

Oui, c’est tout à fait exact. Au nord du Mali Yad Ag Ghali affermit ses liens auprès de la communauté touarègue en chapeautant les deux katibas touarègues d’Aqmi et en créant un maillage territorial par ce qu’il appelait avant sa police religieuse qui s’est transformée en un véritable service de renseignements de Kidal à la frontière algérienne. Et au centre et au sud du Mali il a instauré un nouveau jihadisme ethnique avec des populations peules, au sein duquel il a recruté quatre katibas, dont le célèbre Front de libération du Macina représenté par Amadou Koufa lors de la diffusion de la vidéo.

Est-ce qu’on peut parler aujourd’hui d’un nouveau durcissement de la part d’Iyad Ag Ghali et de ses compagnons jihadistes ?

Oui, tout à fait. D’abord par la propagande on se rend compte que depuis un an et demi la société de production médiatique d’Aqmi al-Andalus, l’Andalousie, diffusait régulièrement des films vidéo montrant des attaques contre la Minusma, mais en même temps des exécutions de collaborateurs civils, des Touaregs soupçonnés d’être liés avec l’armée française. Et ces vidéos, elles étaient régulièrement montrées dans les villages du nord-Mali. Il y a eu environ 80 morts parmi la population civile, qui ont été tués de cette manière. La deuxième chose c’est qu’on a une remontée en puissance des prises d’otages puisqu’on a aujourd’hui 8 otages, dont 3 femmes. Et ça c’est intér… Lire la suite sur RFI

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