Dans sa correspondance du 21 juin dernier adressée au Premier ministre Dr. Boubou Cissé, l’Association malienne de lutte contre la corruption et la délinquance financière (AMLCDF) a dénoncé la gestion curieuse d’un scandale de fraudes multiples à l’INPS, aux impôts d’un groupe scolaire au détriment d’un employé par la Cour d’appel de Bamako.
Selon l’association, la correspondance vise à porter à la connaissance du chef du gouvernement une affaire scabreuse, non pas pour demander une intervention dérogeant au principe de séparation des pouvoirs, mais pour alerter ce dernier, une fois de plus, sur des pratiques qui, régulièrement, entraînent une perte de confiance des concitoyens aux institutions de la République.
Et de poursuivre que cette perte de confiance est amplifiée chaque fois que la justice, chargée de sanctionner les manquements aux règles, se laisse aller, elle-même, à ces mêmes dérives. “C’est le cas que nous portons à votre connaissance dans ces lignes”, mentionne la correspondance.
Relatant les faits, il dira qu’après six ans d’exercice au sein du groupe scolaire “Les Angelots”, une école à programme français mais de droit malien, l’enseignant Yamadou Traoré a appris en décembre 2017 que l’établissement ne payait ni les impôts, ni les cotisations à l’INPS, encore moins celles de l’Amo.
Pourtant les prélèvements étaient bel et bien effectués sur son salaire pour ces fins. “Il y a travaillé de mars 2012 à mars 2018, en se donnant corps et âme à cet établissement allant jusqu’à effectuer des recrutements en France durant ses congés et à dépasser le volume hebdomadaire d’heures de 18 heures tous les ans sans demander de compensation au titre d’heures supplémentaires”, peut-on lire dans le document.
Dépassé par cette situation caractérisée par le manque de reconnaissance doublé de cette découverte de fraudes massives touchant tous les employés, il s’était vu contraint à la démission pour mieux défendre ses droits au niveau de la justice malienne. Ainsi, l’établissement était resté sourd à toutes ses demandes d’explication et de restitution de ses bulletins de paie. “N’eût été le crime de l’employeur, il aurait continué à dispenser ses cours aux élèves avec lequel il avait des relations très fortes”, renchérit l’organisation de lutte contre la corruption.
C’est ainsi qu’il a décidé de porter l’affaire devant les juridictions compétentes afin que le droit soit dit dans toute sa rigueur. Et de poursuivre que le Tribunal du travail de la Commune III de Bamako, par un jugement rendu le 31 décembre 2018, a remis Yamadou Traoré dans ses droits sur le simple fait qu’une démission d’un employé motivée par une faute de l’employeur est considéré comme un licenciement sans cause.
Par le même jugement, ajoute la correspondance, le Tribunal a ordonné la délivrance des bulletins de paie sur les six années et le paiement de diverses indemnités à hauteur de 20 millions de F CFA.
Naturellement, l’établissement a fait appel de ce jugement. Entre-temps, il avait commencé à s’acquitter des cotisations de l’INPS sous la pression de l’unité de recouvrement de ce service. Le jugement en appel a été un véritable revirement de situation qui sent le soufre. En effet, note l’Association, contre toute attente, trois juges de la Cour d’appel de Bamako ont décidé de débouter Yamadou Traoré au motif qu’il avait remis une démission sans équivoque. Et cela, sans aucune reconnaissance des fraudes du groupe scolaire au niveau des services de l’Etat. “L’affaire est maintenant au niveau de la Cour suprême. Depuis 2018, Yamadou Traoré avait alerté tous les services de l’Etat grugés par l’établissement, seul l’INPS a réagi avec efficience. Tous les employés du groupe scolaire vivent cette situation, mais celui qui ose parler se fait licencier sans ménagement et sans droit parce que la gérance est dans toute la puissance. Nous avons la preuve que les salaires des employés déclarés à l’INPS sont volontairement mineurs dans le but de moins cotiser et de payer moins d’impôts”, déplore le document. Selon l’Association, les magouilles ont atteint un niveau qui dépasse l’entendement et continuent de plus bel. Pis, poursuit la lettre, le nombre d’élèves inscrits fait l’objet d’une double comptabilité pour cacher la réalité à l’ambassade de France et à ceux qui ne sont pas indexés sur le nombre d’inscrits. “La fortune accumulée grâce à toutes ces falsifications permet de soudoyer les personnes pouvant freiner les manigances de la dame aux niveaux de l’administration et de la justice”.
A en croire l’organisation, toutes ces turpitudes sont tenues en lien avec un cabinet-conseil de Bamako notamment le Cabinet Catek. “Un membre de ce cabinet, en février 2018, avait conseillé à Monsieur Traoré de ne pas choisir la voie judiciaire contre les Angelots, en précisant que le plus riche l’emporte toujours auprès de la justice malienne”, souligne le document.
Autres faits, l’Association laisse entendre que la plupart des enseignants sont des Togolais et des Ivoiriens qui sont comme des orphelins à cause du mauvais traitement de l’administration de l’école “Les Angelots” et quelques Maliens, des soutiens de famille qui n’osent pas l’ouvrir. Car, selon l’organisation, ils sont tous sous le joug de la gérante qui se comporte avec une férocité inouïe.
En effet, elle va jusqu’à effectuer des retenues sur les salaires des pauvres balayeuses et balayeurs de l’établissement pour les cas de balais et poubelles abimés. “Il s’agit d’un phénomène mondial phénoménal depuis des années avec des manques à gagner substantiels pour l’Etat au niveau fiscal et du personnel au niveau des droits à la retraite. Voilà le quotidien de certains employés du privé dans notre pays. Et des services de l’Etat encouragent le phénomène en garantissant l’impunité à ces mafieux par des décisions administratives (impôts) et judiciaires que nous vous laissons qualificatif”, conclut la correspondance.
Boubacar Païtao