Cinquième Premier ministre en quatre ans de gouvernance IBK, Soumeylou Boubèye Maïga débarque, sur instruction de Paris, dans un environnement sociopolitique très difficile qui peut le prédisposer à réussir là où Oumar Tatam Ly, Moussa Mara, Modibo Kéita et Abdoulaye Idrissa Maïga ont échoué. Des défis insurmontables à effet dopant sur ce sécurocrate et grand commis de l’Etat ?
A 64 ans et natif de Gao, le nouveau Premier ministre a fait des études de journalisme au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) de l’Université de Dakar au Sénégal, ainsi qu’en France où il obtient un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) de diplomatie et administration des organisations internationales en 1986 à l’université de Paris-Sud et un diplôme de troisième cycle (DESS) de relations économiques internationales à l’Institut international d’administration publique, IIAP de Paris.
Il exerce le métier de journaliste d’abord à L’Essor, puis au mensuel Sunjata (édité par l’AMAP) dont il est le rédacteur en chef de 1981 à 1990. Militant au sein du Parti malien du travail, il a été l’un des principaux artisans de la révolution de mars 1991. Il entre au cabinet d’Amadou Toumani Touré, alors président du Comité de transition pour le Salut du Peuple (CTSP), en qualité de conseiller spécial, d’avril 1991 à juin 1992.
Vice-président et membre fondateur de l’Alliance pour la démocratie au Mali Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA/PASJ), Soumeylou (comme l’appellent affectueusement ses proches) devient en 1992 chef de cabinet du président de la République Alpha Oumar Konaré.
En janvier 1993, il est nommé directeur général de la Sécurité d’Etat. En 2000, il entre au gouvernement en tant que ministre des Forces armées et des Anciens Combattants. Soumeylou Boubèye Maïga a été candidat à la présidentielle d’avril 2007. L’année suivante il est nommé président du conseil d’administration de l’APEJ.
Il démissionne plus tard de l’ADEMA pour créer l’Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques (ASMA-CFP), un parti qui a soutenu la candidature du président Ibrahim Boubacar Keïta. Il était du reste un membre influent du staff de campagne du candidat IBK.
Boubèye est réputé l’homme des missions difficiles. Ce qui a peut-être motivé le choix qu’IBK vient de porter sur lui dans un contexte aussi difficile et étoffé d’enjeux politiques et électoraux de poids (présidentielle et législatives de cette année)
Président de l’Observatoire sahélo-saharien de géopolitique et de stratégie et auteur d’un rapport sur la prévention des conflits, il s’est aussi distingué dans le domaine sportif en encadrant un club et des sélections nationales de basket-ball.
C’est, comme on le voit un grand commis de l’Etat, qui vient de prendre les clés de la primature mais Soumeylou Boubèye Maïga semble être un homme de caractère qui pourrait avoir des difficultés de collaboration avec le président IBK. Jouira-t-il d’une marge de manœuvre suffisante pour aller au charbon et prendre des coups d’un Premier ministre ? Rien n’est moins sûr surtout que l’homme a aussi des ambitions de présidentiable. Il a été en 2007, contre l’avis de son parti, l’ADEMA-PASJ, candidat face à ATT, au nom de la Convergence 2007. Quid de ses rapports de collaboration avec le RPM et son président, Dr Bokary Tréta, qui se voyait Premier ministre et aurait refusé d’être nommé ministre dans le gouvernement dirigé par le leader de l’ASMA (4 députés) ?
Il est probable que Soumeylou Boubèye Maïga aura des difficultés avec des cadres politiques membres de l’attelage gouvernemental mais s’il sait manager, il pourra sauver les meubles et rehausser la popularité d’IBK, en baisse depuis plusieurs mois. Surtout qu’il nous revient que c’est Paris qui a recommandé son choix comme Premier ministre. Ce que laissait entendre la ministre française des Armée, Florence Parly, lors de sa récente visite à Bamako, expliquant le changement de gouvernement. «Il a vocation à permettre l’ouverture d’un dialogue plus large, une condition à un retour progressif à une situation stable au Mali », selon elle. « Il faut aller vite, mais on ne peut pas se permettre de verser de l’eau dans le sable », commente-t-elle. Et dire que le nouveau Premier ministre est caricaturé comme « une vielle connaissance de l’hôtel de Brienne (NDLR siège du ministère des Armées à Paris)»
Par ailleurs, le nouveau Chef du gouvernement devra donner un coup d’accélérateur au processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Réputé être un sécurocrate jouissant d’une expertise avérée dans les questions de défense et de lutte contre le terrorisme, le nouveau Premier ministre doit doper le climat de confiance avec les mouvements signataires et les partenaires du processus pour pacifier définitivement le pays. Sa première audience accordée à l’Ambassadeur d’Algérie, chef de file de la médiation, a tout son sens.
En outre, la situation social doit être sérieusement surveillée afin d’éviter que des grèves intempestives ne viennent plomber encore la gouvernance (avec la grève des enseignants et d’autres corps socio-professionnels)
En définitive, il y a une sorte de présomption d’échec qui pèse sur le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, mais s’il s’entoure des conseillers et collaborateurs compétents, il pourra inverser le scepticisme ambiant et marquer des points pour une éventuelle réélection d’IBK.