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Nigeria: les élèves de Dapchi craignent toujours de retourner à l’école

KANO, Nigéria — Quatre mois après l’enlèvement d’une centaine d’élèves à Dapchi par Boko Haram, l’école pour filles dans le nord du Nigeria a rouvert ses portes : mais l’immense majorité des lycéennes ne veulent pas retourner en classe de peur des représailles du groupe jihadiste.
 

Le 19 février dernier, des combattants ont kidnappé 111 étudiantes de 11 à 18 ans, dans un scénario quasi identique à l’enlèvement de Chibok, qui avait déclenché l’indignation dans le monde il y a quatre ans.

Après un mois de captivité, à la différence de leurs camarades de Chibok qui sont pour la plupart toujours entre les mains du groupe, 105 élèves de Dapchi ont été relâchées par les jihadistes. Cinq sont mortes et la seule chrétienne du groupe, Leah Sharibu, est toujours détenue.

Leur libération ne s’est toutefois pas faite sans conditions : les anciennes captives ont expliqué qu’elles avaient été «bien traitées» par leurs ravisseurs, nourries, mais qu’ils leur avaient intimé l’ordre de «ne pas faire confiance à l’armée nigériane», et de ne surtout pas «retourner à l’école».

Trois semaines après la réouverture de l’école, un professeur a confié à l’AFP que la grande majorité des élèves n’étaient pas revenues en classe. «Normalement, nous avons 989 élèves au total», dans ce lycée professionnel pour filles, explique l’enseignant sous couvert d’anonymat. «Seules 314 sont revenues, et 299 d’entre elles ne sont revenues que pour passer leurs examens en juillet».

«Donc, techniquement, on peut seulement dire que seulement 15 élèves ont repris les cours», regrette le professeur.

«Poignée de soldats»

Pour Bashir Manzo, qui présidait l’association des parents d’élèves enlevées, cela s’explique par le manque de sécurité qui règne autour de l’école.

«Il y a une poignée de soldats et de miliciens civils postés devant l’entrée, pas plus de 25 en tout», relate M. Manzo. «C’est un nombre totalement insuffisant.»

Le ministre de l’Éducation pour l’État de Yobe, Mohammed Lamin, a martelé que les autorités faisaient «tout ce qui est humainement possible».

«Nous avons déployé des soldats, des agents de police, des paramilitaires, des membres de la milice civile, qui travaillent 24/24 pour protéger l’enceinte», a-t-il déclaré.

L’armée et les forces de sécurité en général sont totalement sous pression au Nigeria, pays de 180 millions d’habitants qui fait face à des troubles séparatistes, criminels, religieux et ethniques en constante augmentation aux quatre coins du pays.

Un habitant de Dapchi, Kachalla Bukar confie d’ailleurs que les troupes sont encore moins visibles qu’à l’époque de l’enlèvement, «notamment le long de la route utilisée par les ravisseurs, qui mène vers le Tchad».

Les parents, avant de renvoyer leurs filles à l’école, ont demandé aux autorités d’accroître les mesures de sécurité, et particulièrement d’agrandir le mur d’enceinte du lycée.

Mais pour les jeunes filles, il faudra sans doute déjà déconstruire la peur et se défaire des enseignements d’un islam radical qui leur a été asséné pendant plus d’un mois par les combattants du groupe de l’État islamique d’Afrique de l’Ouest (ISWAP).

– ‘Mariées’ –

Contrairement à la faction dirigée par Abubakar Shekau, qui perpétue des attentats jusque dans les mosquées, l’ISWAP veut regagner le soutien de la population dans la région du lac Tchad et refuse de s’attaquer aux civils musulmans pour asseoir son autorité.

Cette branche du groupe Boko Haram est dirigée par Abou Mosab Al Barnaoui, le fils du fondateur de ce groupe radical, Mohammed Yusuf.

Le nom Boko Haram (qui signifie l’éducation occidentale est un péché) était en réalité un surnom donné par les populations au groupe islamiste, qui veut interdire «l’éducation occidentale» dans le Nord musulman nigérian.

L’année dernière, l’Unicef avait annoncé que 2295 professeurs avaient été tués depuis 2009 (date à laquelle Boko Haram s’est transformé en groupe jihadiste violent) et près de 1400 écoles détruites.

L’UNICEF a réussi à réintégrer 20 étudiantes de Dapchi dans une école privée turque (Tulip International College) au Nigeria, mais l’immense majorité ont abandonné leurs études, faute d’argent également pour les envoyer dans d’autres établissements loin de la région, en proie au conflit.

Traditionnellement, «si une fille ne va pas à l’école, ses parents la marient», explique M. Bukar depuis Dapchi.

Le représentant des parents d’élèves, M. Manzo a déjà entendu que six d’entre elles avaient été mariées, et quatre autres devraient bientôt suivre.

 

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