Un mois et demi plus tard que prévu, près de 69 millions de Nigérians iront finalement aux urnes, samedi. Reportées pour des raisons de sécurité, ces élections présidentielle et législatives risquent malgré tout de se dérouler dans la violence. Voici cinq éléments à retenir.
Frontières fermées, circulation interdite
Le gouvernement nigérian a ordonné la fermeture des frontières maritimes et terrestres du pays jusqu’à samedi soir. La circulation automobile sera également interdite de l’ouverture à la fermeture des bureaux de vote. Malgré ces mesures, habituelles lors d’élections au Nigeria, il faut s’attendre à des violences, affirme le chercheur Martin Ewi, de l’Institute for Security Studies en Afrique du Sud. La secte islamiste Boko Haram, qui terrorise le nord-ouest du pays, est à craindre, bien qu’elle ait perdu du terrain, mais elle n’est pas la seule. « L’erreur qu’on fait, c’est de penser que la violence au Nigeria est le propre de Boko Haram, estime M. Ewi. Non, il y a des gens qui veulent empêcher les élections qui n’ont rien à voir avec Boko Haram. »
Lutte serrée
Le président sortant, Goodluck Jonathan, accusé de ne pas avoir réussi à juguler la menace islamiste et de ne pas avoir endigué la corruption endémique, est à égalité avec Muhammadu Buhari, le général qui a dirigé la junte militaire de 1983 à 1985 et qui a toujours été perçu comme incorruptible. « C’est très, très serré, estime Martin Ewi. Je dirais 50-50. On n’a jamais vu ça. » L’électorat est également polarisé par des facteurs religieux, ethniques et géographiques. Goodluck Jonathan est un Ijaw chrétien du sud, Muhammadu Buhari est un Fulani musulman du nord. Pour être élu dès le premier tour, un candidat devra obtenir plus de 50 % des voix ainsi qu’un minimum de 25 % des voix dans les deux tiers des 36 États du pays. Sinon, un second tour devra être organisé dans les sept jours.
Inquiétudes internationales
La communauté internationale, qui avait dénoncé le report de ces élections initialement prévues le 14 février, aura les yeux braqués sur le Nigeria samedi. « Nous appelons tous les électeurs nigérians à voter, résister à l’appel de la violence et s’unir pour contrer la menace terroriste », écrivaient le secrétaire d’État américain John Kerry et le secrétaire d’État aux Affaires étrangères du Royaume-Uni Philip Hammond dans une lettre conjointe, lundi. Dans un communiqué publié mardi, le ministre canadien des Affaires étrangères, Rob Nicholson, exhortait pour sa part le Nigeria à s’assurer que les élections soient pacifiques, évoquant leur « rôle critique dans le renforcement de la démocratie au Nigeria » et l’« exemple positif » qu’elles représentent pour la tenue « d’élections démocratiques en Afrique ». Le cabinet du ministre n’a pas répondu aux questions de La Presse, hier.
Lendemains difficiles à prévoir
Muhammadu Buhari, qui en est à sa quatrième candidature présidentielle depuis le retour de la démocratie, en 1999, « n’a jamais été si près » d’être élu, lance Martin Ewi. En 2011, Goodluck Jonathan l’avait battu par 10 millions de voix. Aujourd’hui, « beaucoup de gens sont convaincus que Buhari va gagner », constate M. Ewi. Aux yeux du général, une défaite serait la preuve d’une fraude électorale et pourrait faire exploser la colère de ses partisans, craint le chercheur. Inversement, Goodluck Jonathan « ne pourra pas non plus accepter que Buhari gagne », ce qui rend les violences inévitables. Lors du scrutin de 2011, plus de 800 personnes avaient été tuées lors de violences postélectorales.
Une seule femme
Si Goodluck Jonathan et Muhammadu Buhari sont les deux seuls à avoir de réelles chances de remporter l’élection présidentielle, la liste des candidats compte néanmoins 14 noms. Une seule femme est du nombre : Remi Sonaiya. Âgée de 60 ans, cette universitaire retraitée, professeure de français, estime que les femmes ne peuvent plus se contenter de jouer les supportrices, au Nigeria, où la politique reste une affaire d’hommes. Aux dernières élections législatives, les femmes ne représentaient que 9 % des candidatures, selon le British Council. Remi Sonaiya se démarque également de ses principaux adversaires masculins en faisant campagne avec un petit budget et une équipe réduite afin de démontrer que la politique n’est pas qu’une question de gros sous.
– Avec l’Agence France-Presse
Source: AFP