Alors que la Cédéao se réunit jusqu’à vendredi, le chef des militaires qui ont pris le pouvoir a au Niger a déclaré «rejette(r) en bloc les sanctions» et «refuse(r) de céder à toute menace».
Une intervention militaire au Niger serait «la dernière option sur la table» pour rétablir le président Mohamed Bazoum, renversé par un coup d’État il y a une semaine, a estimé mercredi un responsable de la Cédéao, le bloc d’Afrique de l’Ouest dont les dirigeants ont menacé d’utiliser «la force». Parallèlement, l’aide internationale continuait de se tarir, la Banque mondiale annonçant la fin de ses déboursements au Niger.
«L’option militaire est la toute dernière option sur la table, le dernier recours, mais nous devons nous préparer à cette éventualité», a déclaré le commissaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) chargé des affaires politiques et de la sécurité, Abdel-Fatau Musah. Il s’exprimait à l’ouverture d’une réunion des chefs d’état-major ouest-africains à Abuja, au Nigeria, qui doit s’achever vendredi, deux jours avant l’expiration dimanche d’un ultimatum de la Cédéao exigeant un retour à l’ordre antérieur.
À Niamey, le chef des militaires qui ont pris le pouvoir à Niamey, le général Abdourahamane Tiani, a déclaré «rejette(r) en bloc les sanctions» et «refuse(r) de céder à toute menace». «Le CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, au pouvoir) rejette en bloc ces sanctions et refuse de céder à toute menace et d’où qu’elles viennent», a-t-il déclaré dans un discours télévisé dans la soirée, à la veille de la commémoration de l’indépendance du pays, ancienne colonie française. «Nous refusons toute ingérence dans les affaires intérieures du Niger».
À Moscou, la diplomatie russe a appelé au «dialogue» pour éviter une «dégradation de la situation», estimant que la «menace de recourir à la force contre un État souverain ne contribuera(it) pas à désamorcer les tensions et à résoudre la situation dans le pays».
Dans la journée, plusieurs avions ont procédé à des évacuations vers Paris et Rome.
La Cédéao, présidée par le président nigérian Bola Tinubu, a imposé de lourdes sanctions à Niamey. Elle a donné jusqu’à dimanche aux putschistes pour rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions, sous peine d’utiliser «la force». En ligne avec les sanctions, le Nigeria a coupé son approvisionnement en électricité au Niger, qui dépend énergétiquement à 70% de son voisin.
Une délégation de la Cédéao, conduite par le Nigérian Abdulsalami Abubakar, se trouve actuellement à Niamey pour «négocier» avec les putschistes, a indiqué un des responsables de l’organisation.
La Banque mondiale a annoncé quant à elle la suspension des déboursements «pour toutes ses opérations et jusqu’à nouvel ordre» à destination du Niger. Elle a dépensé dans le pays 1,5 milliard de dollars en 2022 au travers de ses différents programmes d’aide.
Émissaire nigérien au Mali
La junte qui a renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet et le retient depuis a, elle, envoyé un émissaire, le général Salifou Mody, au Mali, selon des responsables nigérien et malien.
Le Mali et le Burkina Faso, pays voisins du Niger dirigés par des militaires après des putschs en 2020 et 2022, soutiennent la junte nigérienne, affirmant que toute intervention armée serait considérée «comme une déclaration de guerre» à leurs deux pays et entraînerait leur retrait de la Cédéao.
La junte a accusé lundi la France, ex-puissance coloniale, de vouloir «intervenir militairement», ce que Paris a démenti fermement. Pour l’heure, Paris et Rome évacuent leurs ressortissants et les étrangers qui le souhaitent, parmi lesquels figurent des Américains, Canadiens, Belges, Autrichiens, Allemands, Nigériens, Portugais, Éthiopiens ou encore Libanais.
Mercredi soir, un cinquième avion du gouvernement français a atterri à Niamey pour évacuer des Français et Européens, selon l’armée française, qui précise que cela devrait être le tout dernier vol d’évacuation. Les quatre précédents vols français ont permis d’évacuer 992 personnes, dont 560 Français, selon Paris.
Paris a justifié l’opération par les «violences qui ont eu lieu» contre son ambassade dimanche lors d’une manifestation hostile à la France, et par «la fermeture de l’espace aérien». Mais pour le général Tiani, les Français, «qui n’ont jamais été l’objet de la moindre menace» (…) n’ont aucune raison objective de quitter le Niger».
Calme à Niamey
La junte a annoncé dans la nuit de mardi à mercredi la réouverture «des frontières terrestres et aériennes» du Niger avec cinq pays voisins (Algérie, Burkina Faso, Libye, Mali et Tchad). Pour l’heure, «à Niamey, il n’y a pas de tensions particulières en ville, pas de stress particulier, la population vaque à ses occupations», a décrit à son arrivée à Paris un passager qui travaillait pour l’UE au Niger.
La France, ex-puissance coloniale dans la région et soutien indéfectible du président Bazoum, apparaît comme la cible privilégiée des militaires qui ont renversé ce dernier, dirigés par le général Abdourahamane Tiani. L’évacuation des quelque 1500 militaires français postés au Niger n’est «pas à l’ordre du jour», selon l’état-major des armées françaises.
Pas question non plus pour les États-Unis qui ne parlent pas de «coup d’État», estimant qu’il reste encore une «petite fenêtre» pour la diplomatie et le rétablissement du président Bazoum dans ses fonctions, auquel le secrétaire d’État américain Antony Blinken a affirmé le «soutien inébranlable des États-Unis».
AFP