Depuis le coup d’État au Niger le 26 juillet dernier, des manifestants anti-français défilent dans les rues du pays et les putschistes accusent la France de “vouloir intervenir militairement”.
Les manifestations anti-françaises au Niger “ne sont pas spontanées, elles sont organisées”, selon Bruno Fuchs, député du Haut-Rhin et porte-parole du Modem, délégué général de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, après le coup d’État mené par des militaires nigériens du 26 juillet. Les putschistes ont accusé lundi la France de “vouloir intervenir militairement”.
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Bruno Fuchs estime lundi 31 juillet sur franceinfo qu’il n’y a pas “de ressentiment anti-français” dans la population. Selon le député, avec ce coup d’État, la France “est un bouc émissaire”.
franceinfo : Est-ce que vous avez ressenti le sentiment anti-français lors de votre séjour au Niger ?
Bruno Fuchs : Pas du tout. À ce moment-là, il n’y avait pas de ressentiment anti-français. Mais le ressentiment que vous voyez, avec des images assez fortes, ce n’est pas un ressentiment qui, aujourd’hui, est majoritaire au Niger. Au Niger, vous avez un régime qui est à caractère démocratique. C’est là-dessus que l’on se fonde pour se battre, les Français, les Allemands, les Américains, mais aussi une quasi-majorité des pays africains qui souhaitent un retour aux institutions normales, au retour du président Bazoum qui a été élu.
Ce coup d’État, c’est quelques généraux qui étaient contents de la façon dont ils étaient traités sur leur sort personnel qui, pour des raisons personnelles, font un coup d’Etat. Donc on ne peut pas, dans un État de droit, quand on croit à la démocratie, qu’on croit au Parlement, on ne peut pas, du jour au lendemain, prendre quelques militaires et faire un coup d’État parce que bon vous semble.
Cela déstabilise toute une région. Est-ce que le risque de rupture avec la France est réel compte tenu des déclarations ?
Avec la France, oui. Mais la France est en quelque sorte un bouc émissaire dans cette affaire. Vous avez des forces militaires américaines, vous avez des Allemands, vous avez des Italiens, vous avez des gendarmes roumains, espagnols, vous avez des gendarmes belges également, vous avez toutes les forces internationales qui sont là. Donc contrairement au Mali ou au Burkina Faso où les Français étaient seuls en première ligne, là on est sur un sujet de politique internationale. Et quand vous prenez le pouvoir de façon tout à fait illégitime, vous cherchez à consolider, à unifier votre pouvoir, et vous prenez un bouc émissaire.
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Mais effectivement, vous voyez des manifestations, elles ne sont pas spontanées, elles sont organisées. D’abord pour des raisons politiques. Il y a des gens qui sont préparés à intervenir contre la France. Et puis il est assez facile, dans des pays où vous gagnez peu d’argent, de financer des gens qui vont manifester. C’est assez courant dans un certain nombre de pays africains. Vous avez une junte qui n’est pas légitime et donc elle cherche à se légitimer et à trouver un ennemi. Donc on prend un ennemi. Les Russes ne sont pas loin et ils financent une grande partie des mouvements et ils sont très contents de voir la déstabilisation continuer.
Au moment où les militaires de la force Barkhane, l’année dernière, ont été rapatriés au Niger depuis le Mali, est-ce que là déjà, il n’y a pas eu une certaine rupture ? Est-ce que l’on a assez écouté la population, ou une certaine partie de la population, qui ne voulait pas voir ces militaires au Niger ?
Mais la population n’a rien à voir avec le coup d’Etat. C’est vraiment une série de militaires qui décide de faire un coup d’État ou de faire pression qui a fini en coup d’État. Elle est orientée, elle ne manifeste pas spontanément. Cela fait un mouvement quand même et ça va aller crescendo.
“Oui, je crois que d’une façon générale, nous Français, en Afrique, on n’écoute pas suffisamment, on ne communique pas suffisamment sur ce qu’on fait.”
Bruno Fuchsà franceinfo
J’ai été vérifié sur place, j’ai été voir les forces françaises pour voir qu’effectivement, depuis le départ de Barkhane, du Mali et du Burkina Faso, on travaille autrement. Aujourd’hui, les forces françaises travaillent sous commandement nigérien. Un peu comme des sous-traitants. Donc on a changé complètement notre façon d’opérer. Mais on n’a pas suffisamment communiqué. Dans la population, les gens pensent toujours qu’on est là comme on était là il y a dix, quinze ou vingt ans. On a aussi des comportements qui souvent un peu les mêmes qu’il y a dix, quinze ou vingt ans et qui provoquent ce type de réaction. Il faut aussi regarder ce qu’on a mal fait et ce qu’on continue de faire imparfaitement.
Quelles peuvent être les suites de ce coup d’Etat ?
Il n’y a pas beaucoup de suites possibles. Il n’y a que deux scénarios. Le premier, c’est revenir à l’ordre constitutionnel. C’est que la Cédéao, organisation d’États africains, ainsi que les organisations internationales, arrivent à rétablir le président Bazoum dans ses fonctions. Et là, ce serait un vrai signal aux putschistes qu’on ne peut pas tout faire.
Soit les putschistes arrivent à se maintenir sur place et là, ce serait un très mauvais signal à l’ensemble de la région. Cela voudra dire que les organisations internationales ne sont pas capables de maintenir les institutions d’un pays comme le Niger. Ce serait un très mauvais signal pour d’autres pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire… Et ce sera un bon signal pour les Russes que la déstabilisation fonctionne. Soit on endigue et on donne un signal contraire aux putschistes, soit au contraire on n’arrive pas à endiguer. Et là, ce serait un très mauvais signal pour l’ordre international, notamment en Afrique.
francetvinfo