Le régime militaire qui a pris le pouvoir au Niger a menacé de poursuivre le président renversé, Mohamed Bazoum, pour « haute trahison ». Une déclaration dénoncée par les voisins ouest-africains du pays, ainsi que par les Etats-Unis.
Le ton montre entre la Cedeao et le Niger. Les voisins ouest-africains de ce dernier, opposés au coup d’Etat dans ce pays, ont dénoncé lundi 14 août « une nouvelle provocation » du régime militaire. Cette déclaration intervient après la menace de poursuivre pour « haute trahison » le président renversé, Mohamed Bazoum. Dimanche, le régime militaire avait affirmé avoir réuni les « preuves pour poursuivre devant les instances nationales et internationales » ce dernier. Il a appuyé ses accusations sur ses « échanges » avec des « nationaux », des « chefs d’Etat étrangers », et des « responsables d’organisations internationales ». Cette démarche « constitue une nouvelle forme de provocation et contredit la volonté prêtée aux autorités militaires de la République du Niger de rétablir l’ordre constitutionnel par des moyens pacifiques », a réagi la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) lundi.
Une intervention militaire possible
« Nous sommes extrêmement consternés par les informations selon lesquelles on rajoute un cran à la détention injuste du président Bazoum », a de son côté réagi le département d’Etat à Washington, estimant que cela « ne contribuera certainement pas à une résolution pacifique de cette crise ». Les Etats-Unis étaient avec la France un partenaire majeur du Niger avant le coup d’Etat. Les deux pays y déploient quelque 2.600 soldats dans la lutte contre les groupes jihadistes qui minent depuis des années ce pays et, au-delà, une grande partie du Sahel.
Les menaces des nouveaux maîtres du Niger sont intervenues après l’accueil, samedi à Niamey, d’une délégation de chefs religieux nigérians musulmans, menée avec l’accord du président nigérian Bola Tinubu, également à la tête de la Cedeao, pour « apaiser les tensions créées par la perspective d’une intervention militaire ».
Jeudi à Abuja, les dirigeants de la Cedeao avaient réaffirmé privilégier la voie diplomatique pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions, tout en ordonnant le déploiement de la « force en attente » de l’organisation, sans dévoiler le calendrier ni les modalités d’une éventuelle intervention.
A son retour d’Abuja, le président ivoirien Alassane Ouattara avait déclaré que les chefs d’Etat étaient d’accord pour qu’une opération militaire « démarre dans les plus brefs délais ». Le régime militaire à Niamey a dénoncé lundi l’« empressement » de Ouattara à « voir se réaliser cette agression en tout point illégale et insensée contre le Niger » et rappelé l’ambassadeur du pays à Abidjan « pour consultation ».
Le Niger en mesure de « surmonter » les sanctions ?
Lors d’un précédent sommet le 30 juillet, la Cedeao avait imposé de lourdes sanctions financières et commerciales au Niger très dépendant des partenaires étrangers. Elle avait également octroyé aux auteurs du coup d’Etat du 26 juillet un ultimatum de sept jours – non appliqué – pour rétablir l’ordre constitutionnel, sous peine d’utiliser la force armée.
Le Niger est en mesure de « surmonter » ces sanctions, a assuré lundi Ali Mahaman Lamine Zeine, le Premier ministre nommé par le régime militaire. « Nous pensons que même s’il s’agit d’un défi injuste qui nous a été imposé, nous devrions être en mesure de le surmonter. Et nous le surmonterons », a-t-il ainsi affirmé au média public allemand Deutsche Welle.
Le Nigeria et la Cedeao sont des partenaires importants, a-t-il affirmé, les mettant cependant en garde : « Si nous constations que le principe politique et militaire passe au premier plan, à la place de cette solidarité économique, ce serait très regrettable ». Le régime militaire a dénoncé dimanche « les sanctions illégales, inhumaines et humiliantes de la Cedeao ».
Dans le même temps, l’Union africaine (UA) a annoncé qu’elle devait tenir lundi une réunion sur le Niger à Addis Abeba. Samedi, une rencontre des chefs d’état-major de la Cedeao visant à examiner les « meilleures options » pour un déploiement de la « force en attente » avait été reportée.
latribune(Avec AFP)