Depuis ce lundi 9 décembre, les actes de violence à caractère religieux se sont multipliés dans la capitale centrafricaine, Bangui. Une situation qui préoccupe le Premier ministre de la transition Nicolas Tiangaye. Et c’est du camp de la Force d’Afrique centrale (Fomac), où il se trouve depuis quelques jours pour des raisons de sécurité, qu’il répond aux questions de RFI.
RFI : Pourquoi êtes-vous aujourd’hui au camp de M’Poko, avez-vous peur pour votre sécurité ?
Nicolas Tiangaye : Non, mais mon domicile a été vandalisé en mon absence et donc pour des raisons de sécurité, j’ai préféré rester quelques moments ici, le temps que je puisse arranger ma maison avant de la regagner. Les mesures seront prises pour que ma sécurité soit assurée.
Concernant la situation très préoccupante qui prévaut aujourd’hui à Bangui, comment est-ce que vous réagissez aux actes de violences interreligieuses qui se multiplient dans la capitale ?
Ce sont des actes que je condamne. Les différentes communautés religieuses ont vécu en toute quiétude ensemble. Aujourd’hui, il est regrettable que des actes de violence soient perpétrés entre ces différentes communautés, entraînant des centaines de morts. Donc, je condamne personnellement, et au nom du gouvernement également, ces actes de violence. Le gouvernement mettra tout en œuvre en vue de faire cesser ces actes de violence.
Est-ce que l’explosion de violence à laquelle on assiste n’est pas la conséquence de toute cette colère, de toute cette rancœur accumulée contre les exactions commises par la Seleka depuis plus de huit mois ?
C’est possible et c’est fort probable qu’il en soit ainsi. Maintenant, un gouvernement qui est responsable doit chercher à mettre fin à toutes les violences d’où qu’elles viennent.
Que pouvez-vous faire pour mettre un terme à ce cycle de violences ?
Il faut que ceux qui commettent des violences soient désarmés, et cela relève de la résolution 21 27 du Conseil de sécurité qui donne mandat aux forces internationales en Centrafrique. Le désarmement des uns et des autres amènera donc la pacification du pays.
Pour vous, le désarmement doit se poursuivre ?
Absolument. Je ne vois pas d’autres alternatives.
Quel est votre message aujourd’hui aux populations de Centrafrique ?
Mon message aux populations civiles, c’est éviter de s’entretuer. Mon message, c’est un message pour préserver l’unité nationale, éviter la vengeance aveugle entre les différentes communautés.
Est-ce que vous avez eu écho de violences récentes dans d’autres parties du pays ces derniers jours ?
Non.
Vous avez rencontré le président français François Hollande, en compagnie du président de la transition Michel Djotodia, du président du Conseil national de transition Ferdinand Nguendet, de quoi a-t-il été question lors de cette rencontre ? Est-ce qu’il y a des messages qui ont été délivrés par François Hollande ?
Le message du président François Hollande c’est de réaffirmer les positions qui ont été adoptées lors du sommet France-Afrique c’est-à-dire aider la République centrafricaine à retrouver la paix et la sécurité, ensuite apporter l’aide humanitaire à la République centrafricaine et aller à des élections dans un délai plus court que celui qui a été prévu initialement. Autrement dit, aller à des élections avant février 2015, des élections au cours de l’année 2014.
Est-ce que justement on peut, selon vous, raccourcir la durée de cette transition ?
Je n’ai pas de jugement de valeur à porter sur cette question-là. Mon rôle, ma mission, c’est de mettre en place l’Autorité nationale des élections. Il appartient donc cette Autorité, qui sera un organe indépendant, de procéder à l’évaluation de la situation, de dire si on peut aller aux élections à telle date.
Quelle est aujourd’hui l’urgence en Centrafrique ?
Tout est urgent, mais d’abord la sécurité. Sans la sécurité nous ne pouvons rien faire. Donc sécuriser la République centrafricaine, sécuriser le pays constitue le préalable pour résoudre et relever tous les autres défis. Deuxièmement, il faut gérer l’aspect humanitaire, il y a urgence humanitaire à venir en aide à des centaines de milliers de personnes qui sont démunies de tout, qui vivent dans la brousse, qui sont privées de soins, qui sont privées de nourriture. Et en même temps, il y a aussi nécessité d’apporter un appui financier à la RCA pour lui permettre de préparer sereinement les prochaines élections.
A l’heure actuelle, il y a 400 000 déplacés qui sont en brousse, des personnes qui pour beaucoup ont fui leur village. Qu’est-ce qu’il faut faire pour ces personnes-là ?
Il faut qu’il y ait une aide humanitaire d’urgence qui ne peut être fournie que par la communauté internationale. Au-delà des quelque 400 000 déplacés internes, les Nations unies Ocha [pour la coordination des affaires humanitaires] estiment qu’il y a plus d’un million six cent mille qui ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, c’est-à-dire des gens qui sont privés de tout. Ca représente le tiers de la population centrafricaine, c’est extrêmement important.
Est-ce qu’il y a un risque de famine aujourd’hui en Centrafrique ?
Bien entendu. Il y a un risque de famine parce que les paysans n’ont pas pu cultiver leurs champs. Donc la période des semences étant passée, il y a effectivement des risques de famine.
Qu’est-ce que vous demandez à la communauté internationale ?
Nous demandons à la communauté internationale de nous appuyer. Nous avons une feuille de route et un programme d’urgence qui nécessitent la mobilisation financière de la communauté internationale à hauteur de 670 millions d’euros. Certains pays et organisations internationales se sont déjà manifestés pour nous venir en aide. A ceux qui ne l’ont pas fait, j’adresse un cri de détresse. Je leur demande de venir en aide à la République centrafricaine qui est dans une situation extrêmement difficile.
Source : RFI