Oumou Sangaré, l’une des voix les plus éblouissantes du continent africain, signe avec Timbuktu un album de grande classe, porteur de messages d’engagement pour les femmes et gorgé de guitares électriques. Celles de Pascal Danaë, chanteur leader du trio de blues rock créole Delgres, qui est aussi le réalisateur artistique (avec Nicolas Quéré) de cet album conçu à distance, essentiellement entre Baltimore et Paris. Après l’électro-psychédélique Mogoya, en 2017, suivi de sa version acoustique, Timbuktu marque le retour de la chanteuse malienne sur le label anglais World Circuit, à l’origine du lancement de sa carrière internationale (Ko Sira, 1993). Elle le présentera sur la scène de la Cigale, à Paris, le 15 mai, puis dans des festivals cet été.
Nous rencontrons la chanteuse dans un des bureaux de son équipe professionnelle à Paris, quelques jours avant son concert. Elle jaillit en riant, son téléphone portable à la main, parée de ses plus beaux bijoux, joyeuse et décontractée. Cet album, à l’instar des précédents, porte les couleurs, les rythmes, la langue, l’identité musicale (avec notamment la harpe-luth, le kamele n’goni), du Wassoulou, au sud, une aire culturelle à cheval sur le Mali, la Guinée et la Côte d’Ivoire. La région de sa mère, qui lui a tout appris. Et pourtant, elle a donné à cet album le nom de la cité historique située au nord du fleuve Niger… « Tombouctou, la ville aux 333 saints, ville de sciences et de savoir, frappée par la guerre dans mon pays, c’est comme une plaie qui ne parvient pas à se cicatriser, et se rouvre sans arrêt. » La voix s’est assombrie soudain. Dix ans après la destruction par les djihadistes de seize mausolées et de la porte sacrée de la mosquée Sidi Yahia, à Tombouctou, la douleur reste intacte.
« Des chansons en formule minimaliste »
L’idée de cet album et des chansons qui le composent sont venues lors de sa retraite forcée aux Etats-Unis, en 2020, où elle était allée se reposer quelques jours après le Festival international Wassoulou, qu’elle organise depuis 2017 à Yanfolila au sud du Mali. « Je dis merci au Covid, lance dans un éclat de rire la chanteuse. Grâce à lui et au confinement j’ai pu enfin me poser, réfléchir, aller chercher l’inspiration au fond de moi, alors que j’étais installée à Baltimore, après avoir fui l’agitation de New York. » Elle a contacté Mamadou Sidibé, un compatriote joueur de kamele n’goni, installé depuis plusieurs années à Los Angeles. « Je lui ai dit : “Viens, on va travailler”. »
Ainsi naissent, petit à petit, les premières graines de Timbuktu. « C’était des chansons en formule minimaliste, sur lesquelles il y avait juste sa voix, des percussions, un kamele n’goni, explique Pascal Danaë au téléphone. Un truc hyperbasique qu’ils nous envoyaient par Internet, et nous construisions autour. Nous nous sommes retrouvés en studio seulement à la fin, pour quelques ajustements. » « Tout s’est passé de manière très fluide », confirme, ravie, Oumou Sangaré, avant de prendre congé….Lire la suite sur lemonde.fr