En principe, c’est le 1er septembre prochain que la seconde phase des pourparlers inclusifs inter-maliens doit débuter. À noter que ces pourparlers, pour le compte du 1er round, s’étaient tenus le 16 juillet 2014 dans la capitale algérienne (Alger). Des pourparlers qui s’avéraient délicats, étant donné que depuis la reprise de Kidal par les groupes armés, suite à la déroute des Fama, ces groupes armés sont en position de force. Qu’à cela ne tienne, le gouvernement malien avait été ferme en ce qui concerne l’intégrité territoriale et a pu dire non à une quelconque «autonomie» ou «auto-détermination» de la prétendue «république de l’Azawad». Mais, qu’en sera-t-il avec la seconde phase prévue pour le 1er septembre prochain, au regard de la multiplication ces derniers temps des groupes armés dans le septentrion de notre pays ?
La première phase du dialogue inter-malien d’Alger a été un succès, puisqu’il a permis de parvenir à une feuille de route signée par toutes les parties prenantes : Gouvernement et groupes armés du Nord du Mali. En témoigne d’ailleurs la satisfaction de la Communauté internationale. En effet, en sa 449ème réunion tenue le 11 août 2014, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (Ua) a réitéré son soutien aux efforts visant à consolider les avancées enregistrées dans la stabilisation du Mali, la restauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire et la consolidation de la paix.
Mais, voilà que la seconde phase de ces pourparlers s’annonce rude et compliquée du fait de la création et de la multiplication des groupes armés au Nord du Mali. Dernier né, alors que d’autres sont en gestation : le Gatia. Un nouveau groupe armé d’auto-défense proche d’El Hadj Gamou et qui est essentiellement composé de Touaregs de la tribu des Imrads, qu’on retrouve dans les trois régions du Nord du Mali. Ce Groupe d’auto-défense touareg Imrad et alliés (Gatia) revendique environ un millier de combattants. Il affirme avoir une base entre les villes de Gao et de Kidal. Mais, on ne peut pas dire que les éléments de ce groupe vont prendre à leur tour les armes contre le gouvernement malien. Bien au contraire. Ils sont contre toute forme d’autonomie. Pour ces Touaregs, un seul drapeau doit flotter sur le territoire malien. Bien dit, mais il faudrait être prudent, côté gouvernemental.
«En mai 2014, après le départ des forces armées maliennes de Kidal, les communautés qui n’avaient pas pris les armes en 2012, se sont retrouvées à la merci des groupes armés. Au même moment et jusqu’à fin juin, dans la région de Gao, aux environs de Tabankort et Anéfis, il y a eu des affrontements entre, d’un côté, le Mnla, le Hcua et la branche autonomiste du Maa ; et, de l’autre côté, les groupes non-sécessionnistes, à savoir la fraction du Maa adhérant à l’accord de Ouagadougou, les Touareg Imghad et les Songhoïs de la Coordination des Mouvements et Front patriotique de résistance (CM-FPR). Ces affrontements nous ont amenés à sensibiliser les populations pour une Alliance intercommunautaire afin d’organiser notre protection. Cette Alliance a effectivement été scellée le 3 juillet 2014 à Gao. Nous nous sommes rendus compte que, comme l’Alliance n’était pas un groupe armé déclaré, nous ne pouvions pas assister aux négociations, et que nous n’étions pas les bienvenus par la Communauté internationale. Nous voulions pouvoir défendre notre point de vue et nos intérêts dans le cadre du dialogue inclusif de la deuxième partie des négociations et au sein des Comités de suivi et d’évaluation, des équipes mobiles d’observation, au même titre que les autres groupes. C’est ainsi que le Gatia est né, après la signature à Alger le 24 juillet 2014», confiait Fahad Ag Almahmoud, Secrétaire général du Gatia (Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés) à un confrère de la place.
Et d’ajouter par rapport à la provenance des armes du Gatia pour équiper ses combattants : «Il n’y a pas un nomade qui n’a pas une arme. On avait remarqué, dès 2010, que les gens commençaient à acheter des mitraillettes. Il ne faut pas oublier que les gens ont quitté la Libye avec leurs armes. Donc, les gens ont leurs armes, nous n’avons pas eu besoin de leur en fournir».
Voilà donc le grand danger, le vrai, dans cette histoire de création de groupes armés : chaque individu possède au moins une arme, pas blanche, puisqu’il parle de mitraillettes. Comment peut-on alors, en cas de besoin, désarmer tous ces gens ? Difficile. Et dire que des groupes armés sont encore en gestation dans le Nord, rien que pour être à la table des négociations à Alger, sans que le gouvernement ne bronche, cela est tout simplement incompréhensible. Dans ce cas de figure, au lieu de trois, quatre ou cinq groupes armés en face, le gouvernement aura peut-être vingt, trente… Ce qui sans nul doute compliquerait la situation.
Pourquoi le gouvernement reste alors muet come une carpe par rapport à la création de ces groupes armés ? Deux options. Soit pour que chaque communauté assure sa propre protection et sa propre sécurité, soit pour diviser les groupes armés déjà existants (Mnla, Maa, Hcua..) et les affaiblir, puisqu’ils clament leur suprématie ! En tout cas, à l’allure où vont les choses, tout porte à croire que la deuxième phase des pourparlers inclusifs inter-maliens à Alger le 1er septembre prochain seront difficiles, très difficiles. Autant dire que le gouvernement aura du fil à retordre, surtout qu’on apprend qu’en prélude à ces pourparlers d’Alger, les groupes armés réclament aussi une intégration massive de leurs éléments dans l’armée et un partage des responsabilités militaires.
Bruno LOMA