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Motion de censure contre le gouvernement : Crise ouverte au sommet de l’Etat

C’est la première fois dans l’histoire politique du Mali démocratique que le  parti au pouvoir s’allie à l’opposition pour déposer une motion de censure contre le gouvernement. La crise est ouverte au sommet de l’Etat.

Assemblée du Mali. Salle Modibo Kéïta. Il est 14 h 45 mn. Honorable Mamadou Awa Gassama tente, à sa façon, de ‘’cuisiner’’ le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Général Salif Traoré. Survient le coup de théâtre : l’honorable Sory Ibrahim Kouriba du Rassemblement pour le Mali (RPM) sollicite une motion. Le locataire du perchoir, Issaka Sidibé accepte la motion. L’honorable Kouriba avance alors vers le pupitre en compagnie d’Ahmadou Maïga du Groupe parlementaire Vigilance République et Démocratique (VRD).

Le pays va très mal, dit-il. Aussi, des députés de la majorité mais aussi de l’opposition ont-ils décidé de déposer, conformément au règlement de l’Assemblée Nationale, une motion de censure contre le gouvernement dirigé par le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga. Joignant l’acte à la parole : ‘’À cet instant, je vous remets la motion de censure’’ en allant effectivement remettre une copie du document au Président de l’Assemblée Nationale.

C’est l’épilogue d’une matinée mouvementée dans les couloirs de l’Assemblée Nationale où la plénière a commencé avec plus de deux heures de retard à cause d’une panne au niveau de la climatisation centrale de la salle Modibo Kéïta. À la manœuvre pour récolter les signatures : l’honorable Moussa Diarra, député élu en commune IV. Il est, raconte-t-on, coaché par le 1er questeur du  Parlement, l’honorable Mamadou Diarrassouba. Le 1er vice-président de l’Assemblée, Moussa Timbiné s’active aussi de son côté.

Pendant plusieurs heures, un groupe de députés se retire dans les locaux de la commission Lois pour peaufiner le texte. Plusieurs pérégrinations entre  la salle des plénières et celle de la Commission Lois. Des parlementaires montent et descendent les escaliers sous le regard de nombreuses personnes présentes, dont une poignée de journalistes.

Vote décisif ce vendredi 19 avril

Interrogé par la presse, l’honorable Moussa Timbiné explique que l’Assemblée nationale est dans son rôle en tant qu’institution de la République. Le pays, souligne-t-il, connaît d’énormes difficultés. « Nous sommes à une phase où chacun doit s’employer pour le sauver», lance le patron des jeunes du RPM, non moins élu national en commune V du district de Bamako. Le dépôt de la motion de censure, détaille-t-il, a été décidé après une analyse de la situation du pays par une commission mise en place par l’Assemblée nationale. Il s’agit, précise-t-il, d’atténuer les effets de tout ce qu’il y a comme crises. Au moment opportun, ajoute Moussa Timbiné, les noms des signataires de la motion seront rendus publics.

Le vote du texte aura lieu le vendredi 19 avril. Si la motion de censure passe, le Premier ministre présente sa démission. Si elle échoue, il conserve son fauteuil. En tout état de cause, le ver est dans le fruit. C’est la première fois dans l’histoire politique du Mali démocratique que le parti du Président de la République s’allie à l’opposition pour déposer une motion de censure contre le gouvernement. Depuis l’arrivée d’IBK au pouvoir en 2013, c’est la troisième motion de censure. L’opposition avait tenté en vain de faire partir les Premiers ministres Moussa Mara et Modibo Kéïta.

La crise est manifestement ouverte au sommet de l’Etat. Soit le Président Ibrahim Boubacar Kéïta dissout l’Assemblée nationale. Dans ce cas, il maintient son Premier ministre dont la tête est mise à prix par deux influents leaders religieux et toute l’opposition politique. Soit il se plie à la volonté des élus de la nation.

De témoignages recueillis auprès de certains députés non signataires de la motion, il revient de façon constante que le Président IBK rejette la démarche. Paradoxe : certains députés proches du Chef de l’Etat voire de la famille présidentielle passent pourtant pour les meneurs de cette fronde. Quid de l’honorable Karim Kéïta ? Le fils du Président de la République jouerait-il un rôle crucial dans la conduite de cette fronde visant à faire partir Soumeylou Boubèye Maïga ? La motion de censure aura-t-elle l’adhésion de la majorité requise des élus de la nation ? Que feront les initiateurs en cas d’échec ?

Aux dernières nouvelles, le RPM aurait réussi à convaincre les autres partis de la majorité présidentielle ayant des députés à l’Assemblée nationale de voter en faveur de la motion. Cette motion de censure est perçue comme une occasion pour le chef de l’Etat d’écouter sa propre formation politique mais aussi les alliés jusque là marginalisés dans la gestion des affaires publiques. Selon d’autres analystes, elle permettra au Président de la République de ne pas agir sous la colère de la rue. Elle pourra traduire aussi un éveil de conscience de la part des partis politiques. Enfin, si la motion de censure passe, l’Assemblée nationale considérée comme une chambre d’enregistrement se réhabilitera aux yeux de l’opinion.         

Chiaka Doumbia

Le challenger

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