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Mort des grandes entreprises : La tragédie du géant pétrolier SAMPANA SA

La société pétrolière « SAMPANA-SA a été liquidée par le tribunal de commerce de Bamako en son audience du 16 mai 2012. Son PDG, Mohamed Sampana, croupit, quant à lui, derrière les barreaux. Pour quelles raisons ?

Moustapha Ben Barka ministre industrie promotion investissement

SAMPANA-SA était une société de droit malien au capital de 500 millions de FCFA, dont la principale activité était l’importation et la commercialisation d’hydrocarbures. Elle est vite montée en grade. Son chiffre d’affaires, de 2 milliards de FCFA en 2003, atteint 21 milliards en 2009. Cette bonne santé financière lui vaut l’obtention d’un emprunt obligataire de 3 milliards FCFA garanti par le Fonds de Solidarité Africain et le Fonds « GARI ». Cet emprunt lui permet de réaliser d’importants investissements: achat de camions-citernes, construction de stations d’essence, etc. Avec ses 109 employés, la société joue un rôle important dans l’économie du Mali car elle paie 4% de ses recettes en droits de douanes.

Tout commence à s’effondrer courant 2009. La société accumule des arriérés de droits et taxes de douane de 620. 697. 546 FCFA. Afin d’obtenir son dû, la douane fait confisquer les citernes de SAMPANA aux frontières. La société adresse à la douane une lettre du 17 mars 2010 où elle propose de régler immédiatement 100 millions de FCFA et le reste sur 5 mois. Le moratoire est accepté par la douane. SAMPANA verse 100 millions ainsi que le prouvent les quittances n°874 et 875 du 30 mars 2010. Le directeur adjoint de la douane de l’époque, Moumouni Dembélé, ordonne le déblocage des opérations de transit de SAMPANA par message Rac n°0018 du 2 avril 2010. Curieusement, l’ordre reste sans effet car les citernes restent confisquées par la douane. Un incident se produit dans les jours suivants: la société constate, lors d’un transit, que ses produits (de l’essence) sont étiquetés « gaz-oil » par les agents de douane. Craignant que cette irrégularité ne lui soit reprochée plus tard, SAMPANA la dénonce à la direction de la douane par courrier du 10 mai 2010, demandant de corriger les mentions incriminées. Ce courrier irrite-t-il la douane ? SAMPANA croit que oui. En effet, le 14 mai 2010, la douane lui réclame le paiement immédiat du reliquat d’arriérés de taxes, au mépris du moratoire de 5 mois accordé à la débitrice. La douane fait aussi saisir, le 8 juin 2010, les comptes bancaires de la société.

Avant ces événements, une banque de la place avait consenti à SAMPANA un prêt contre la promesse suivante : les produits importés par SAMPANA seraient placés sous la main de la banque qui récupérerait son dû au fur et à mesure de leur vente. La banque, de crainte de faire les frais du litige entre SAMPANA et la douane, propose à celle-ci le plan suivant: levée des saisies et remboursement des arriérés de taxes par affectation de 60% du bénéfice brut généré par les produits importés par SAMPANA. La proposition de la banque est matérialisée par une lettre du 20 juillet 2010. Elle est acceptée par la douane par courrier du 23 juillet 2010. Le plan a cependant un grave défaut: il empêche SAMPANA de faire face à ses autres créanciers (impôts, fournisseurs, employés, énergie, transport, etc.) car le prélèvement de 60% des bénéfices bruts étouffe la trésorerie de la société. C’est ce que notera ultérieurement l’expert-comptable Oumar Kouma dans un rapport du 27 septembre 2010.

Le PDG, pour tenter de sauver sa société, s’adresse au tribunal de commerce de Bamako. Il explique aux juges que son entreprise traverse une crise de trésorerie mais que sa situation économique n’est pas irrémédiablement compromise. Il lui faut un temps pour se redresser et, entre-temps, échapper aux poursuites individuelles des créanciers. Sensible aux arguments et aux chiffres présentés par SAMPANA, le tribunal lui octroie un règlement préventif et désigne un expert pour examiner les possibilités de redressement de la société.Par jugement du 13 janvier 2011, le tribunal déclare que ces possibilités sont sérieuses et, malgré l’opposition des créanciers, homologue le concordat préventif en donnant 2 ans de moratoire à SAMPANA.2 ans pendant lesquels nul-pas même la douane ! – ne peut saisir ses biens.

Problème : conscientes des difficultés de l’entreprise, les banques refusent de financer ses activités. Pour ne rien arranger, la douane, malgré le jugement de règlement préventif qui interdit toute saisie des biens de SAMPANA, refuse de libérer les citernes, principaux outils de travail de l’entreprise.La messe est, dès lors, dite. Certains créanciers, notamment la BMS et la BNDA auxquelles elle doit respectivement 452 et 712 millions de FCFA, obtiennent la liquidation judicaire de la société. Le jugement du 16 mai 2012 qui ordonne la liquidation intervient à l’insu de SAMPANA. Elle fait opposition mais sans succès: le tribunal du commerce, par jugement n°582 du 21 novembre 2012, confirme le premier verdict. SAMPANA doit être liquidée et ses biens vendus pour désintéresser ses créanciers!

Ayant relevé appel du jugement, Mohamed SAMPANA, toujours convaincu des potentialités de sa société, adresse un mémorandum à l’actuelle ministre des Finances. Il ne reçoit aucune réponse. Ses demandes d’audience restent sans suite. Quelqu’un empêche-t-il le malheureux PDG d’accéder à la ministre ? Cherche-t-on à rendre irréversible la liquidation de ses biens ? Mohamed Sampana le croit. Mais ses malheurs s’aggravent. Le 11 avril 2014, il est arrêté et déféré à la prison centrale de Bamako exécution d’une ordonnance de contrainte par corps du 18 juillet 2012 obtenue contre lui par un de ses créanciers : le Fonds « Gari ». S’apprêtant à sortir de prison après les 3 mois de contrainte par corps, il fait l’objet d’un mandat de dépôt du 25 mai 2014, suite à une plainte du liquidateur de sa société qui lui reproche des faits d’abus de confiance et de faux. Le comble, c’est que depuis le 25 mai, le juge d’instruction saisi de la plainte ne l’a pas auditionné au fond. Le pauvre SAMPANA ne compte plus que sur les autorités pour le sortir de cette tragédie en lui restituant ses biens et sa liberté.

Abdoulaye Guindo

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Mort des grandes entreprises : La tragédie du géant pétrolier SAMPANA SA
23 sept 2014 à 13:16 PM Rubrique: Economie
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La société pétrolière « SAMPANA-SA a été liquidée par le tribunal de commerce de Bamako en son audience du 16 mai 2012. Son PDG, Mohamed Sampana, croupit, quant à lui, derrière les barreaux. Pour quelles raisons ?

SAMPANA-SA était une société de droit malien au capital de 500 millions de FCFA, dont la principale activité était l’importation et la commercialisation d’hydrocarbures. Elle est vite montée en grade. Son chiffre d’affaires, de 2 milliards de FCFA en 2003, atteint 21 milliards en 2009. Cette bonne santé financière lui vaut l’obtention d’un emprunt obligataire de 3 milliards FCFA garanti par le Fonds de Solidarité Africain et le Fonds « GARI ». Cet emprunt lui permet de réaliser d’importants investissements: achat de camions-citernes, construction de stations d’essence, etc. Avec ses 109 employés, la société joue un rôle important dans l’économie du Mali car elle paie 4% de ses recettes en droits de douanes.

Tout commence à s’effondrer courant 2009. La société accumule des arriérés de droits et taxes de douane de 620. 697. 546 FCFA. Afin d’obtenir son dû, la douane fait confisquer les citernes de SAMPANA aux frontières. La société adresse à la douane une lettre du 17 mars 2010 où elle propose de régler immédiatement 100 millions de FCFA et le reste sur 5 mois. Le moratoire est accepté par la douane. SAMPANA verse 100 millions ainsi que le prouvent les quittances n°874 et 875 du 30 mars 2010. Le directeur adjoint de la douane de l’époque, Moumouni Dembélé, ordonne le déblocage des opérations de transit de SAMPANA par message Rac n°0018 du 2 avril 2010. Curieusement, l’ordre reste sans effet car les citernes restent confisquées par la douane. Un incident se produit dans les jours suivants: la société constate, lors d’un transit, que ses produits (de l’essence) sont étiquetés « gaz-oil » par les agents de douane. Craignant que cette irrégularité ne lui soit reprochée plus tard, SAMPANA la dénonce à la direction de la douane par courrier du 10 mai 2010, demandant de corriger les mentions incriminées. Ce courrier irrite-t-il la douane ? SAMPANA croit que oui. En effet, le 14 mai 2010, la douane lui réclame le paiement immédiat du reliquat d’arriérés de taxes, au mépris du moratoire de 5 mois accordé à la débitrice. La douane fait aussi saisir, le 8 juin 2010, les comptes bancaires de la société.

Avant ces événements, une banque de la place avait consenti à SAMPANA un prêt contre la promesse suivante : les produits importés par SAMPANA seraient placés sous la main de la banque qui récupérerait son dû au fur et à mesure de leur vente. La banque, de crainte de faire les frais du litige entre SAMPANA et la douane, propose à celle-ci le plan suivant: levée des saisies et remboursement des arriérés de taxes par affectation de 60% du bénéfice brut généré par les produits importés par SAMPANA. La proposition de la banque est matérialisée par une lettre du 20 juillet 2010. Elle est acceptée par la douane par courrier du 23 juillet 2010. Le plan a cependant un grave défaut: il empêche SAMPANA de faire face à ses autres créanciers (impôts, fournisseurs, employés, énergie, transport, etc.) car le prélèvement de 60% des bénéfices bruts étouffe la trésorerie de la société. C’est ce que notera ultérieurement l’expert-comptable Oumar Kouma dans un rapport du 27 septembre 2010.

Le PDG, pour tenter de sauver sa société, s’adresse au tribunal de commerce de Bamako. Il explique aux juges que son entreprise traverse une crise de trésorerie mais que sa situation économique n’est pas irrémédiablement compromise. Il lui faut un temps pour se redresser et, entre-temps, échapper aux poursuites individuelles des créanciers. Sensible aux arguments et aux chiffres présentés par SAMPANA, le tribunal lui octroie un règlement préventif et désigne un expert pour examiner les possibilités de redressement de la société.Par jugement du 13 janvier 2011, le tribunal déclare que ces possibilités sont sérieuses et, malgré l’opposition des créanciers, homologue le concordat préventif en donnant 2 ans de moratoire à SAMPANA.2 ans pendant lesquels nul-pas même la douane ! – ne peut saisir ses biens.

Problème : conscientes des difficultés de l’entreprise, les banques refusent de financer ses activités. Pour ne rien arranger, la douane, malgré le jugement de règlement préventif qui interdit toute saisie des biens de SAMPANA, refuse de libérer les citernes, principaux outils de travail de l’entreprise.La messe est, dès lors, dite. Certains créanciers, notamment la BMS et la BNDA auxquelles elle doit respectivement 452 et 712 millions de FCFA, obtiennent la liquidation judicaire de la société. Le jugement du 16 mai 2012 qui ordonne la liquidation intervient à l’insu de SAMPANA. Elle fait opposition mais sans succès: le tribunal du commerce, par jugement n°582 du 21 novembre 2012, confirme le premier verdict. SAMPANA doit être liquidée et ses biens vendus pour désintéresser ses créanciers!

Ayant relevé appel du jugement, Mohamed SAMPANA, toujours convaincu des potentialités de sa société, adresse un mémorandum à l’actuelle ministre des Finances. Il ne reçoit aucune réponse. Ses demandes d’audience restent sans suite. Quelqu’un empêche-t-il le malheureux PDG d’accéder à la ministre ? Cherche-t-on à rendre irréversible la liquidation de ses biens ? Mohamed Sampana le croit. Mais ses malheurs s’aggravent. Le 11 avril 2014, il est arrêté et déféré à la prison centrale de Bamako exécution d’une ordonnance de contrainte par corps du 18 juillet 2012 obtenue contre lui par un de ses créanciers : le Fonds « Gari ». S’apprêtant à sortir de prison après les 3 mois de contrainte par corps, il fait l’objet d’un mandat de dépôt du 25 mai 2014, suite à une plainte du liquidateur de sa société qui lui reproche des faits d’abus de confiance et de faux. Le comble, c’est que depuis le 25 mai, le juge d’instruction saisi de la plainte ne l’a pas auditionné au fond. Le pauvre SAMPANA ne compte plus que sur les autorités pour le sortir de cette tragédie en lui restituant ses biens et sa liberté.

Abdoulaye Guindo

SOURCE: Procès Verbal

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