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Mois de la solidarité : Plongée dans le quotidien des « Doyens »

Instauré depuis 1995 comme Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion, octobre revêt un caractère spécial au Mali. Moments de partage et de convivialité avec les couches vulnérables de la population, ses 30 jours sont consacrés chaque année aux gestes de solidarité partout à travers le pays. À l’occasion de la première semaine, consacrée aux personnes âgées, immersion dans le quotidien de ces « Doyens » de Bamako, qui, malgré leur âge très avancé, tiennent bon.

Entre le récit de leurs vécus et les changements inévitables des conditions de vie dû aux nombreux printemps qu’ils ont vécu, en passant par les mesures que prennent leurs familles et l’État pour leur prise en charge, la vie de ces ainé(e)s vaut le détour.

Awa Sidibé a 95 ans révolus cette année. Elle habite à Yirimadio. Avec l’âge, celle qui est mère de cinq enfants et grand-mère de 19 petits-enfants ne se souvient plus de beaucoup de choses. Dans le passé, dit-elle néanmoins, l’éducation était solide, de telle sorte que les parents éduquaient par des gestes comme des clins d’œil ou le fait de poser le pied sur celui de l’enfant afin qu’il arrête ce qu’il était en train de faire. «  Hélas, les enfants d’aujourd’hui ne prêtent plus attention à tout cela », regrette-t-elle. À l’en croire, à l’époque, une jeune fille et son fiancé ne se voyaient pas avant le mariage. Les parents prodiguaient des conseils à la nouvelle mariée, ainsi qu’à son époux, sur les valeurs fondamentales de l’homme et de la société. C’est pourquoi Awa Sidibé fait appel aux parents et aux enfants d’aujourd’hui pour changer la donne. « Je demande aux jeunes de rester dans leur foyer, quelles que soient les difficultés et j’invite les parents à mieux éduquer les enfants », conseille la doyenne.

Quotidien monotone

Concernant son vécu aujourd’hui, Awa Sidibé s’enthousiasme et ne semble pas beaucoup se plaindre. « Il y a peu, je filais encore du coton pour en faire des habits et je cultivais. Je peux toujours manger et prier toute seule », nous confie-t-elle. Néanmoins, « de temps en temps j’allais me promener, mais actuellement, avec mon état de santé, je ne peux plus beaucoup bouger.  La vie d’une vieille personne de mon âge, c’est de garder la maison et de bien manger », concède-t-elle. Revenant sur son alimentation, la nonagénaire indique qu’avec son état de santé elle ne peut manger que des aliments légers et des fruits. Quant à sa relation avec ses petits-enfants, la vieille dame assure vivre en en parfaite symbiose avec eux. « Tous les matins, je sors et je m’assoies devant ma porte. Compte tenu de mon âge, les gens passent me rendre visite pour causer, d’autres pour des conseils et certains pour me taquiner. Mon entourage me rend la vie agréable de jour en jour », déclare Awa Sidibé, qui, par la même occasion, « invite tous les jeunes à s’approcher des ainés, afin de connaître nos histoires et de se connaître soi-même ». Selon elle, tout le monde n’a pas la chance d’avoir des personnes âgées à ses côtés et les avoir est une chance que la jeunesse doit saisir parce que, dit-elle,  « les ainés comme nous sont des trésors ».

Une vie après la guerre

Le vieux Kaba Doumbia a, pour sa part, fait la guerre de 1939 – 1945. Cet ancien combattant, âgé de 98 ans, est père de sept enfants et compte de nombreux petits-enfants. « J’ai été représenter les anciens combattants du Mali à Toulouse, en France, le 12 août 2014 », raconte  celui qui, par la même occasion, a été décoré par le gouvernement français de la Légion d’honneur.  « Quand on dit l’armée, c’est la discipline qui en est la force principale, pour les supérieurs tout comme pour les subordonnés », souligne t-il. « De nos jours, je suis le seul survivant malien de cette guerre. 13 anciens combattants devraient recevoir ensemble la somme de 80 millions de francs CFA, mais hélas je n’ai rien eu », regrette-il. Évoquant son état de santé, celui qui sera centenaire dans deux ans est optimiste. « Je ne suis pas paralysé, je peux aller aux toilettes. Je marche à l’aide d’un bâton mais ma mémoire est toujours bonne. Arrivé à un certain âge, l’homme doit se munir d’un bâton, qui, en cas de déséquilibre, peut lui être utile », avance-t-il, avant de reconnaitre qu’il soigne sérieusement un diabète, des maladies de l’estomac et des maladies de nerfs. À l’en croire, son propre père a vécu 110 ans, ce qui lui fait penser que sa longue vie est une affaire de lignée familiale. Kaba Doumbia affirme que la vieillesse n’est pas toujours facile à vivre. C’est pourquoi le doyen appelle l’État malien à « créer un cadre favorable à la prise en charge effective des vieilles personnes ». Car, selon lui, les personnes âgées méritent mieux que ce qui est fait actuellement au Mali.

Centenaire heureuse

Maïmouna Sangaré, devenu centenaire en 2008, a aujourd’hui 110 ans. Mère de quatre enfants, avec une dizaine de petits-enfants à son actif, elle affirme que sa propre maman a vécu pendant 114 ans avant de trépasser. Après nous avoir plongés dans son époque, qu’elle décrit avec beaucoup de nostalgie, elle retrace sa vie de tous les jours aujourd’hui. « Ce n’est pas la vieillesse qui m’empêche de faire des mouvements, c’est ma cécité depuis 10 ans. Mais bien que je ne voie plus, je peux me laver et aller aux toilettes toute seule », dit-elle. « J’ai eu de la chance, tous mes enfants ont de bonnes épouses et elles s’occupent très bien de moi. J’ai tout ce que je demande. Avec mes petits-enfants, nous nous taquinons », renchérit-elle. Rendant grâce à Dieu pour sa vie, la centenaire dit ne pas regretter sa longue existence sur Terre. « Je suis un régime alimentaire car, avec l’âge, je ne peux plus beaucoup manger », confie-t-elle, avant de prodiguer des conseils à l’endroit des jeunes. « Je demande aux jeunes filles de rester dans leur foyer en toute circonstance. Nous aussi nous avons souffert, mais aujourd’hui, Dieu merci, nous sommes toujours là. Il faut que les  jeunes d’aujourd’hui ne se laissent pas emporter  par les futilités », souligne Maimouna Sangaré. Pour elle, le Mali est une terre de dignité où il faisait bon vivre et où les ainés étaient très respectés.

Solidarité par dessus tout

L’instauration du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion au Mali, durant le premier quinquennat du l’ex Président Alpha Omar Konaré, a toujours reçu un écho favorable auprès de l’ensemble de la population, engendrant des gestes de partage et de soutien des plus nantis vers les plus démunis et les plus vulnérables. Avec pour objectifs spécifiques, entre autres, la promotion d’une culture de la solidarité, la mobilisation des populations et des partenaires autour de la mise en œuvre d’actions visant le maintien de la cohésion sociale et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, ce mois spécial a toute sa place au Mali, pays dont la société demeure marquée par la solidarité comme valeur intrinsèque depuis la nuit des temps.

Au-delà de la première semaine, qui prend en compte les personnes âgées, le mois de la solidarité compte aussi une semaine thérapeutique du 8 au 14 octobre, une semaine des personnes handicapées du 15 au 22 octobre, et enfin une semaine de l’économie solidaire et sociale, du 23 au 31 octobre. Cette initiative a déjà donné des résultats satisfaisants, mais il reste toujours à pérenniser les acquis et à intensifier les actions pour le bonheur de beaucoup plus de couches vulnérables du Mali.

Journal du mali

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