Bien que l’AIGE justifie le report des élections présidentielles au Mali par des impératifs techniques et légaux, des doutes persistent quant à l’impact réel de ces changements sur l’intégralité du processus électoral.
Le 5 octobre 2023, Me Moustapha SM Cissé, Président de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE), a tenu un point de presse pour aborder les récentes modifications apportées au calendrier électoral par le gouvernement malien, suscitant des interrogations et des réactions diverses au sein de la population.
De fait, dans le communiqué officiel n°060 du 25 septembre 2023, le gouvernement de la transition a annoncé son intention de limiter l’organisation des élections aux seules présidentielles, repoussant les autres scrutins et reportant légèrement les dates du premier et du deuxième tour de l’élection présidentielle initialement prévues pour le dimanche 04 février 2024 (1er tour) et éventuellement le dimanche 18 février 2024 (2ème tour). Ces changements, justifiés par des raisons techniques, ont été présentés comme une nécessité pour assurer des élections transparentes et crédibles.
L’AIGE, dans sa réaction, soutient la décision gouvernementale en insistant sur le caractère légal de cette démarche au regard de la loi électorale. Elle rappelle que sa compétence formelle se limite à la convocation des électeurs pour l’élection présidentielle et que le calendrier initial de la transition a précédé sa création. « Il est important de préciser ici qu’au regard de la loi électorale, l’AIGE n’a pas une compétence générale à intervenir formellement dans la fixation de la date des élections », a précisé son président Me Moustapha SM Cissé. Ainsi, l’AIGE déclare que le report s’inscrit dans le cadre des réformes politiques et institutionnelles du pays.
Les contraintes techniques mentionnées dans le communiqué, en particulier la prise en compte des résultats de la révision annuelle des listes électorales, sont soulignées par l’AIGE comme relevant de sa responsabilité. Elle explique que la mise à jour du fichier électoral exige des opérations minutieuses et qu’il est nécessaire de garantir des élections transparentes et inclusives.
Par son point de presse, l’AIGE tient à rassurer l’opinion nationale quant à son indépendance et à son impartialité, affirmant sa volonté de jouer pleinement son rôle dans le bon déroulement des élections à venir. Elle annonce également des cadres d’échanges avec l’administration, les partis politiques, et la société civile pour parvenir à des solutions consensuelles.
Cependant, malgré les explications fournies par l’AIGE, des questions subsistent quant à la justification du report et à la sincérité des motifs avancés. Certains politiques interprètent ces changements comme une manœuvre politique visant à favoriser certains acteurs ou à influencer le processus électoral. « Un fort soupçon de la participation aux compétions électorales de ceux qui gèrent la transition », craint le président du parti Yelama (Changement), Dr Youssouf Diawara. Pour le parti, les autorités de la transition ont brillé par « le manque d’anticipation, l’incompétence de leurs hommes et leur refus d’honorer leurs engagements contractuels avec des partenaires sensés produire les documents électoraux. Toute chose qui est de nature à jeter de lourds soupçons sur le caractère prémédité de cette prolongation ».
Pour le regroupement Action Républicaine pour le Progrès (ARP), la décision du report léger des élections « compromet sérieusement le respect du chronogramme électoral validé par la CÉDÉAO et suscite des inquiétudes quant à l’engagement du gouvernement envers un processus démocratique transparent et inclusif ».
Le son de cloche a été même du côté de la CMAS de l’imam Mahmoud Dicko qui a condamné ce report qu’elle juge “unilatérale’’ et ‘’qui renvoie à une autre prorogation de la transition”. Ce qui a d’ailleurs expliqué sa décision de « mobiliser ses militants, sympathisants et autres pour organiser dans les meilleurs délais, la tenue d’actions patriotiques pour exiger la mise en place d’une transition civile, seule voie pour sauver la République ».
Un fait marquant, ce report des élections présidentielles intervient dans un contexte d’engagement des Forces Armées Maliennes sur les théâtres des opérations de lutte contre le terrorisme et la libération de l’ensemble du territoire. Kidal reste aujourd’hui la seule ville à reconquérir, et les FAMa sont déjà aux portes de cette capitale régionale. Certes, la libération de Kidal ne va pas ramener zéro insécurité au Mali, mais elle aurait une portée significative à plusieurs niveaux à savoir la stabilité Intérieure via la restauration de l’autorité de l’État, la réduction des menaces sécuritaires, le renforcement de l’Unité nationale, la reconstruction et le développement.
Somme toute, entre l’organisation des élections et la survie du Mali, les autorités de la transition ont opté pour le rétablissement de la stabilité, le renforcement de l’unité nationale et le développement.
Cyril ADOHOUN
Source : L’Observatoire