L’adoption de nouveaux Codes Pénal et de Procédure Pénale marque le début d’une nouvelle ère pour la justice au Mali. Ces réformes ambitieuses, fruit d’un processus participatif et inclusif, visent à répondre aux défis contemporains et à restaurer la confiance des citoyens dans le système judiciaire. La modernisation de ces codes est une étape cruciale pour garantir la stabilité, la paix, et la bonne gouvernance dans notre nation.
Le mercredi 11 octobre 2023, marquera une étape cruciale dans l’histoire judiciaire de notre pays, avec l’adoption par le Conseil des Ministres de deux projets de loi portant réforme du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale. Cette décision intervient après plusieurs mois de travail, sous l’impulsion du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux.
En effet, depuis l’indépendance en 1962 et la révision en 2001, le pays a fonctionné avec deux codes pénaux et deux codes de procédures pénales. Cependant, face à l’évolution rapide de la société et l’avènement des nouvelles technologies, il est apparu nécessaire de moderniser ces textes qui régissent notre système judiciaire.
Des limites évidentes
Au fil des deux dernières décennies, les codes pénal et de procédure pénale en vigueur ont montré des lacunes, incapables de suivre le rythme des changements socio-économiques et technologiques. Afin de remédier à ces insuffisances, le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme a lancé un programme législatif ambitieux, visant à doter le pays d’instruments juridiques modernes pour lutter contre la criminalité sous toutes ses formes.
Ainsi, sous les directives du Président de la transition, le ministère a opté pour une approche participative et inclusive. Un atelier national de validation, tenu à Bamako du 15 au 20 août 2022, a réuni diverses parties prenantes, des ateliers régionaux préliminaires et des travaux de la Commission permanente législative de la Direction des Affaires judiciaires et du Sceau ont été réalisés. L’objectif était clair : élaborer des codes consensuels, modernes, et restaurer la confiance des citoyens envers le système judiciaire.
Des avancées notables
Le nouveau Code Pénal, qui compte plus de 702 articles contre 328 dans la version précédente, introduit des changements significatifs. Il s’adapte aux dispositions de la nouvelle Constitution, agrège les textes pénaux dispersés dans un document unique, intègre des mesures anti-blanchiment, et étend la lutte contre le terrorisme « à travers notamment l’incrimination de l’apologie du terrorisme, le recrutement de terroristes ». De plus, il intègre des infractions nouvelles telles que l’esclavage, la traite des personnes, et le trafic illicite de migrants.
Par ailleurs, il faut souligner « l’introduction de plusieurs dispositions du droit pénal général pour combler un vide juridique, telles que l’objet de la loi et celui du règlement, le principe de la légalité des peines, le principe de non rétroactivité de la loi pénale et l’application de la loi dans le temps et dans l’espace, les mesures relatives à la protection des dénonciateurs, des experts, des témoins ».
Une attention particulière est également portée à la responsabilité pénale des personnes morales, excluant cependant l’État et les collectivités territoriales.
Quid du Code de procédure pénale ?
Le projet de Code de Procédure Pénale, comprenant plus de 1371 articles contre 634 dans la version actuelle, apporte des changements significatifs dans le système judiciaire. Parmi les innovations notables, citons l’harmonisation avec la Constitution en ce qui concerne la suppression des immunités et privilèges à l’exercice des poursuites contre certains responsables politiques et administratifs, l’imprescriptibilité des infractions en matière de délinquance économique et financière en lien avec les biens publics lorsqu’elles sont de nature criminelle.
Les innovations concernent aussi la création de trois pôles spécialisés autonomes en matière de lutte contre la délinquance économique et financière, le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, et la cybercriminalité.
La suppression des cours d’assises au profit des chambres criminelles au niveau des tribunaux de grande instance permettra de « ne pas confiner les audiences dans une périodicité et instaurer le double degré de juridiction afin de permettre le jugement des affaires par les magistrats professionnels, le tout devant aboutir à la célérité dans la distribution de la justice et au désengorgement des maisons d’arrêt ».
Il faut ajouter à ces réformes « l’introduction du juge de l’application des peines dont la mise en œuvre se fera progressivement en fonction du niveau de l’effectif des magistrats qui sera de nature à éviter la surpopulation carcérale, l’introduction de la surveillance électronique comme alternative à la détention dans certains cas, l’institution du référé liberté qui permet de demander la remise en liberté à tout moment et à toute étape de la procédure ».
Désormais
Dorénavant, il sera aussi question de sanctions en cas de violation de certaines règles de procédure contre les acteurs de la justice, de procédures particulières, notamment les techniques spéciales d’enquête tout en les encadrant dans le temps et en respectant les principes de la proportionnalité en vue de préserver les droits de l’homme. S’y ajoutent l’actualisation des dispositions relatives au casier judiciaire, et les précisions sur la procédure d’extradition.
En somme, ces réformes visent à assurer la bonne gouvernance, la stabilité, et la paix tout en restaurant la confiance des justiciables envers le système judiciaire. Le gouvernement s’engage ainsi à instaurer une justice plus rapide et efficace, prête à répondre aux défis du 21e siècle.
Cyril ADOHOUN
Source : L’Observatoire