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MNLA : “Pas de liens entre les Touaregs et les terroristes”

Alors que les rebelles ont accepté de signer l’accord de paix, Hama Ag Sid’Ahmed, porte-parole du MNLA, revient sur l’origine de la rébellion.

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C’est une victoire pour Bamako et la médiation algérienne. Après avoir boudé l’accord de paix inter-malien pendant plusieurs mois, les groupes armés indépendantistes du Nord du Mali ont finalement donné leur feu vert. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui rassemblent des combattants touaregs et arabes, a en effet annoncé qu’elle validerait le texte le 20 juin prochain, à Bamako. L’accord avait déjà été signé le 15 mai par le pouvoir central malien et les milices qui le soutiennent. Mais le MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad), l’aile dure de la CMA, réclamait de nouveaux amendements. Pour Hama Ag Sid’Ahmed, porte-parole du MNLA, les négociations ne sont pas terminées.

Le Point Afrique : Êtes-vous satisfait de l’accord de paix négocié avec la médiation algérienne ?

Hama Ag Sid’Ahmed : Cet accord est loin de répondre aux aspirations des Touaregs. La situation reste très tendue sur le terrain, la population ne croit pas du tout aux négociations en cours. Le 7 mars dernier, la CMA a conditionné la signature de l’accord par la prise en compte d’amendements. Pour éviter l’échec des négociations, Bamako et la médiation ont décidé que ces points seraient discutés après la signature du 20 juin, lors de la réunion de Comité de suivi. La communauté internationale fait aussi pression. Mais nous ne sommes pas dupes : si les autorités centrales maliennes ont refusé de négocier ces amendements à Alger, pourquoi accepteraient-elles de les négocier un peu plus tard ?

Que réclamez-vous ?

Sur le plan politique d’abord, nous réclamons en priorité la reconnaissance officielle de I’Azawad comme une entité géographique, politique et juridique. Un statut notamment permis par la création d’une assemblée interrégionale, regroupant les régions de Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudéni. Pour l’aspect sécuritaire, le point principal est la constitution des forces de défense et de sécurité sur le territoire de I’Azawad composées à 80% de ressortissants de I’Azawad, et dont la liste serait définie par la CMA elle-même. Le mécanisme opérationnel de coordination serait alors présidé par la MINUSMA (mission onusienne au Mali, NDLR) et co-présidé par les deux parties. Nous souhaitons aussi l’affectation d’un fonds spécial pour I’Azawad sur le budget de I’État, à hauteur de 40% et sur une période de 20 ans, en vue de résorber un retard de plus de 50 ans sur ce territoire.

Pourquoi le MNLA souhaite-t-il l’indépendance du territoire de l’Azawad, vous ne vous sentez pas Maliens ?

Les gens du Nord ne se sont jamais sentis Maliens. Pour qu’ils se revendiquent de cette nationalité, il aurait été nécessaire qu’ils se sentent soutenus par l’État sur le plan économique et politique. Or cette région n’a connu que la répression de la part de l’armée. Il est clair que Bamako ne considère pas les populations du Nord comme des citoyens maliens. Le président Ibrahim Boubacar Keïta conduit d’ailleurs la même politique de rejet que son prédécesseur, Amadou Toumani Touré.

Le 5 juin, la CMA a également signé un accord sécuritaire visant notamment à rétablir le cessez-le-feu à Ménaka, qui fait partie du territoire que vous revendiquez. A-t-il une chance d’être respecté ?

Selon cet accord, tous les miliciens doivent évacuer la ville au plus tard le 9 juin. C’est ensuite le rôle de la MINUSMA d’assurer la sécurité de Ménaka. La CMA doit rester cantonnée en périphérie, à 20 km de la ville. Mais il faut s’attendre à des provocations sur le terrain au cours des prochains jours, car le GATIA (milice loyaliste, NDLR) ainsi que les éléments affiliés au groupe terroristes d’Abou Kaka, le Mujao, ont déjà fait savoir qu’ils ne quitteraient pas la ville.

Après la reprise de Ménaka par le GATIA fin avril, le MNLA a attaqué plusieurs villes du Nord. Est-ce que ces violences ne mettent pas en péril les populations que vous prétendez défendre ?

Déjà, il n’y a pas grand monde dans la région du Nord du mali. Dès le début de la rébellion, les populations ont fui les grandes villes, surtout Tombouctou et Gao.
Selon l’ONU, 57 000 personnes ont pourtant fui le Nord au cours des dernières semaines… Il s’agit essentiellement de Peuls de la région de Mopti. Après les Touaregs et les Maures, l’armée malienne a commencé à les réprimer car ils réclament l’indépendance du territoire qui couvre l’ancien empire de Macina. Globalement, il est vrai que 90% de la population du Nord se trouve aujourd’hui dans des camps de réfugiés en Mauritanie, au Burkina, au Niger et en Algérie. La population souffre de cette situation.

La signature de l’accord conditionne le déblocage d’une enveloppe de l’aide internationale pour le développement du Nord, qu’en attendez-vous ?

D’abord, nous réclamons la création d’une Commission de développement économique, social et culturel, chapeautée par les bailleurs de fonds, pour éviter les détournements par le Sud. Il a toujours été difficile de savoir ce qu’étaient devenus les fonds versés suite aux accords précédents. Une fois que les collectivités territoriales que nous réclamons seront installées, les projets de développement pourront être identifiés. Tout reste à faire. Que ce soit au niveau hydraulique, de la santé, de l’éduction, des infrastructures et de la communication, le terrain est vierge ! Kidal est la région la plus isolée : il faut la relier aux autres communes par des routes. Il y a encore des éleveurs sur le terrain qui meurent de soif, alors que la région de Tamesma, au Nord-Est de Kidal, renferme de l’eau.

La chute de Kadhafi a relancé le mouvement de rébellion au Nord du Mali. Qui sont les Touaregs du MNLA, combien de combattants êtes-vous aujourd’hui ?

Il y a plus de 3 000 combattants au sein du MNLA. Il y a quelques semaines, les trois mouvements que sont le MNLA, le HCUA (Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad) et le MAA (Mouvement arabe de l’Azawad), ont décidé de former un seul corps militaire au sein de l’Armée nationale de l’Azawad. En 2010, le Touareg Ibrahim Ag Bahanga était déjà sur le terrain. Avec la chute de Kadhafi, près de 300 combattants Touaregs sont ensuite rentrés de Libye. Si certains ont préféré retrouver leur famille, une bonne partie a rejoint le MNLA en octobre 2011. De nombreux militaires Touaregs ont aussi déserté pour regagner la région. Le MNLA est alors né de tous ces regroupements. À l’époque, nous avons essayé d’approcher Amadou Toumani Touré pour engager des discussions. Mais la situation s’est dégradée sur le terrain, malgré l’intervention politique des Français. La rébellion s’est déclenchée le 17 janvier à Ménaka 2012 (le MNLA a attaqué la ville, NDLR). Les Touaregs ont ensuite été éjectés du Nord de manière spectaculaire par les terroristes.

Vos armes, d’où viennent-elles ?

La rébellion était déjà équipée lors du soulèvement de Kidal en 2006. Les Touaregs rentrés de Libye possédaient aussi un arsenal important. Mais la plus grande partie du stock d’armes et de munitions que nous possédons provient surtout de l’armée malienne : les soldats, qui ne se sentent pas chez eux dans le Nord, fuient régulièrement les affrontements avec les Touaregs et abandonnent tout.

Vous vous présentez souvent comme un rempart contre les groupes terroristes présents au Nord du Mali, pourtant il y a clairement des passerelles entre vos mouvements, quels sont vos liens ?

Il n’y a pas de liens entre les Touaregs et les terroristes. Les Touaregs étaient les seuls à pouvoir faire face à l’avancée des terroristes.

Iyad Ag Ghaly, figure historique de la rébellion touareg, est pourtant devenu un chef d’Ansar Dine…

C’est vrai qu’il y a eu cette alliance avec ce groupe en 2012. Les deux mouvements ce sont battus ensemble à Tessalit et un peu à Kidal. À l’époque, Ansar Dine, qui était dirigé par un Touareg, n’avait pas encore développé son idéologie. Les Touaregs du MNLA pensaient donc qu’ils poursuivaient les mêmes objectifs. Lorsque leur agenda s’est avéré totalement différent du nôtre, des affrontements ont suivi. Comme ils étaient très nombreux et grâce à l’argent des rançons mais aussi de complicités maliennes, qui préféraient la présence de groupe terroristes à cele de groupes indépendants, il leur a été facile de chasser les Touaregs. Aujourd’hui encore, il y a une guerre ouverte entre Touaregs et djihadistes. Depuis 2014, près de 40 Touaregs ont été exécutés par les groupes terroristes.

Source: Le Point.fr

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