Le Pays : Depuis longtemps, des questions relatives aux violences basées sur le genre (VBG) font l’objet d’actualité au Mali. Selon vous, que faut-il comprendre par VBG et quels sont les types de violences que vous connaissez au Mali ?
Mme Dramé Mariam Diallo : La VBG est une violence qu’un individu (homme comme femme) subit en fonction de son genre. Parmi ces violences figurent les violences domestiques, l’excision des femmes ; le mariage forcé des filles ; le mariage de celles qui sont mineures ; les agressions physiques des femmes dans les foyers ; les violences en temps de conflit comme les viols ; les séquestrations ; l’enlèvement et la prise d’otage des femmes et des filles. Au Mali, la forme de violence répandue est une violence domestique des conjoints, avec de plus en plus des meurtres. Et puis, il y a l’excision, on a 89% des femmes excisées. Cela est énorme, quand on regarde les autres pays. Le mariage forcé et celui des fillettes restent aussi d’actualité au Mali. Il y a des filles qui sont mariées à moins de 15 ans. Avec des attaques et conflits dans le pays, on a beaucoup de formes de violences.
Quelles sont les causes de ces violences, et comment expliqueriez-vous la métastase de ce phénomène au Mali ?
Les causes de ces violences varient. En ce sens que quand on prend le cas de certaines ethnies au Mali, par exemple les Malinkés, la tradition demande à ce que l’homme cherche un fouet pour l’attacher à sa porte, une fois qu’il se marie avec la femme. C’est quelque chose qui, en fait, est ancrée dans nos coutumes. Ces coutumes supposent que l’homme doit donner des coups à sa femme quand il le juge nécessaire. Il y a des courants qui vont dire qu’il est écrit noir sur blanc dans le coran qu’on peut battre son épouse. Sauf que dans le verset qui parle de ça, il est clairement dit aussi qu’on doit le faire sans laisser de trace sur le corps de la femme. Ce qui veut dire qu’on ne doit pas violemment battre sa femme. Quand on regarde la conjoncture économique, il y a beaucoup de pauvretés dans notre pays. Le problème de polygamie s’ajoute à cela. Donc, il y a beaucoup de tensions au sein des ménages et des foyers qui peuvent malheureusement aboutir à des incompréhensions et des querelles qui se terminent par ces violences. Comme la femme est traditionnellement aperçue comme appartenant à l’homme, les gens ont du mal à s’interférer quand l’homme bat sa femme. Si elle lui appartient, on suppose que l’homme peut la faire ce qu’il veut. Et malheureusement, cela donne souvent des drames. Aussi, il y a beaucoup de femmes qui subissent des violences psychologiques dans leur foyer en longueur des journées.
Votre association, AFLED, lutte contre ces violences, mais elle se bat aussi pour la promotion des droits des femmes. Donc, selon vous, quels sont les rôles et responsabilités des femmes maliennes dans la réconciliation nationale ?
Le rôle des femmes est primordial dans la réconciliation, parce qu’elles sont les plus grands nombres des victimes. Les femmes doivent refuser d’être battues. Il ne faut pas accepter de prendre des coups de son mari et de trouver ça normal. Même si on trouve une explication à donner quelque part dans la tradition, ce n’est pas normal d’être battue par son mari. Le mariage se fait pour l’amour, le vivre ensemble, et l’harmonie. Non pas pour vivre constamment dans la violence. Une femme ne peut pas passer sa vie à se faire battre pour une soi-disant ‘’Baraka’’ pour ses enfants. Une femme qui est battue, qui pleure toute la journée, et qui est malade ne peut pas s’occuper de ses enfants. Le rôle des femmes doit consister à éduquer les filles ainsi que les garçons dans le sens du respect de tout le monde, et de la femme afin de bannir les violences.
Aujourd’hui, le Mali traverse une crise multidimensionnelle, chose qui fait qu’on assiste à la prolifération de ces violences. Pour vous, qu’est-ce que les autorités doivent faire pour la protection des femmes et des filles ?
Ça, il faut le dire. Les femmes et les filles ne sont pas du tout protégées dans le contexte de la crise. Au nord et au centre, il y a eu des viols massifs dus à des attaques. Les rapports de ‘’Human righs Watch’’ sont là, en plus de ceux d’autres ONG dont l’AFLED qui ont mené des enquêtes. Il y a eu plusieurs viols suite à ces attaques. Dans ce contexte d’insécurité, les forces du mal (terroristes) ont mis un système de mariage en place. Dudit système, il s’agit d’un leurre, parce qu’une fille est mariée pour ensuite se faire violer tous les soirs par plusieurs hommes. Des bébés sont nés à la suite de certains viols avant d’être pris en charge par des ONG. Au centre, des fillettes ont été enlevées lors des conflits intercommunautaires après chaque attaque djihadiste. Quel est le sort de ces fillettes ? Ça, personne ne cherche à connaitre. Souvent, il y a des cas de viols qui se passent mais on n’en parle jamais dans les rapports. Parce que ce sont des questions ou des thématiques qui n’intéressent pas les gens qui viennent pour faire des enquêtes et les rapports. Ce sont des choses qui se passent sous silence, mais on sait très bien qu’à chaque fois qu’il y a des attaques, ce sont des agressions sexuelles et physiques que subissent les femmes et les fillettes. Les autorités doivent pousser des enquêtes à ce niveau. Aussi, il faut que les charges de viols apparaissent, lorsque les auteurs sont poursuivis. Depuis 2013-2014, des femmes victimes de ces viols ont porté plainte devant le tribunal de grande instance de la commune III. Elles sont une centaine, mais il n’y a toujours pas eu de suite à ces plaintes. À l’Etat de rendre justice, et à celui-ci de faire son travail. Des mécanismes doivent être mis en place dans les zones à risque pour protéger davantage les femmes et les filles. Les filles enlevées qui vont avec les groupes armés sont réduites en esclaves sexuelles. Au moins 40% des femmes subissent des violences basées sur le genre au Mali.
Estimez-vous que le gouvernement fait de son mieux pour la participation et le renforcement de capacités des femmes dans les instances de prise de décision ?
Le Mali a ratifié, sans réserve, les conventions des Nations-Unies relatives à la promotion des droits des femmes. En plus, nous avons la loi n°052 permettant l’accession de 30% des femmes dans les fonctions nominatives et électives. Il ne s’agit pas de prendre une loi ou de ratifier les accords internationaux, mais il faudra les appliquer. Actuellement, cette loi n°052 est au moins respectée lorsqu’on est dans les élections. Son décret d’application n’est pas apprécié quant aux postes nominatifs. Pour accéder à certains postes, il faut que les femmes militent plus dans les partis politiques, acceptant d’occuper certains postes. Dans les pays de la sous-région, les conditions de vie des femmes sont les mêmes. Ce sont les mêmes réalités. Leurs conditions se caractérisent par la pauvreté qui est plus élevée chez les femmes que les hommes. Les femmes sont nombreuses dans les secteurs informels ; elles ont des problèmes de santé, et souffrent d’accès aux soins dans les centres de santé. Elles sont confrontées à des problèmes d’espacement des enfants et de la prise en charge des grossesses. De ce fait, nous demandons au G5 sahel et à la CEDEAO de garantir la sécurité des femmes Elles ne peuvent pas se déplacer sans être agressées. Que ces organisations contribuent autant que possible à consolider la paix.
Derniers mots !
Nous sommes le 8 mars, je souhaite bonne fête à toutes les femmes. Cette journée un moment pour réfléchir aux défis de nos problèmes ce, afin de trouver des solutions. C’est une journée où l’on doit rendre homme aux hommes et femmes qui ont contribué à l’avancement des conditions féminines.
Réalisée par Mamadou Diarra