“Il n’y a pas de crise au CNPM, une minorité ne veut pas être fair-play”
Dans une interview qu’elle a bien voulu nous accorder, Mme Berthé Minian Bengaly, directrice et promotrice du Centre international pour le conseil et la formation (CICF), présidente de la Fédération nationale des consultants du Mali, un groupement membre du Conseil national du patronat du Mali), nous donne sa part de vérité sur la conduite de cet organe dirigé par le doyen Soya Golfa. Selon elle, ce sont les groupements professionnels qui ont donné mandat à cette structure de prendre toutes initiatives nécessaires pour ramener la paix, la cohésion et l’union au sein de l’organisation. «Ceux qui essayent de contester les actions de l’administration provisoire ont donné leur mandat pour cela. Rien n’est obscur dans cette histoire, tout est clair dans leur démarche», soutient Mme Berthé, qui réfute l’idée d’une nouvelle crise.
Aujourd’hui Mali : Quel regard portez-vous sur la conduite de l’administration provisoire du CNPM ?
Mme Berthé Minian Bengaly : Je ne fais pas partie du collège transitoire qu’on appelle administration provisoire, mais je fais partie de ceux qui ont initié la négociation pour rapprocher les deux parties. Je vais un peu revenir en arrière et vous expliquer l’origine du problème…
A un moment donné, tout le Mali savait que le CNPM était dans une crise très profonde. Le CNPM a fait 18 mois de crise avec des procédures judiciaires interminables et à rebondissement. Il fallait régler cette crise et mettre le patronat voire le secteur privé au-dessus de toutes ces considérations personnelles.
Dans cette optique, des négociations ont été enclenchées et je faisais partie de ceux qui œuvraient à rapprocher les positions. Et je répète ce que j’ai affirmé à l’assemblée du 2 février quand on a regroupé tous les présidents des groupements professionnels, je leur ai dit que si on n’arrive pas à résoudre une crise avec 155 personnes, on doit se poser forcément des questions sur notre leadership managérial car en tant que chef d’entreprise nous avons pratiquement chacun plus de 100 personnes à gérer dans nos entreprises respectives. Même avant le 2 février, nous avons toujours œuvré dans la dynamique de concilier les parties, de faire en sorte que le patronat soit unifié. Heureusement ! Dieu faisant bien les choses, nous avons élargi les négociations à d’autres parties des deux camps ; à savoir : les camps de Mamadou Sinsy Coulibaly et d’Amadou Sankaré dit Diadié. Ainsi, un protocole d’accord de sortie de crise a été signé le 1er mars au CNPM. C’est dans ce cadre que nous avons mis une administration provisoire en place avec la finalité d’organiser une nouvelle élection.
Certains étaient d’avis pour qu’on choisisse des personnes extérieures au CNPM pour composer cette administration provisoire. Si vous connaissez l’histoire du CNPM, c’est un syndicat d’employeurs, l’Etat n’a aucune main mise sur le Conseil. Nous, groupements professionnels réunis et les CPR des régions sommes la légitimité du CNPM, à ce titre nous avons soutenu que personne ne viendrait dire comment gérer le CNPM. C’est dans cette vision que nous avons décidé de mettre une administration provisoire composée des membres du Conseil et de porter à sa tête le doyen des doyens à savoir Soya Golfa. Il a été choisi en toute impartialité. Il faut noter aussi que Soya est le plus âgé d’entre nous et il a participé à la création du CNPM, c’est un sage, qui a toujours prôné la paix, la cohésion, l’unité de tous les membres jusqu’à ce jour.
Après sa prise de fonction, l’équipe de Soya a rencontré tous les groupements un à un, les images et les PV de réunion attestent cela. Elle a recueilli les préoccupations des groupements professionnels. C’était pour savoir qu’elle est la feuille de route qu’elle doit adopter malgré une directive qu’on leur avait donné. Ce travail étant fait, on devait mettre en place un règlement électoral. Ce règlement électoral ne pouvait être mis sur place que si les textes étaient nettoyés.
Ainsi, pour faire un bon règlement électoral, il fallait toucher aux textes, d’ailleurs de nouveaux textes n’ont pas été créés ; ce sont les postes existants qui été ont doublés et nous avons renforcé le pouvoir de l’assemblée générale, entre autres.
Est-ce que c’était la mission de l’administration provisoire de toucher à ces textes ?
Pour votre gouverne, nous groupements professionnels à l’assemblée du 2 avril, nous avons donné un mandat à l’administration provisoire de mettre tout en œuvre et de prendre toute initiative pour que le patronat ne subisse pas une autre crise et qu’il puisse évoluer dans l’entente et la cohésion. On leur a donné carte blanche de prendre toutes initiatives et même ceux qui essayent de protester les actions de l’administration provisoire ont donné leur caution. C’est dans le PV, si vous voulez ces PV on peut les mettre à votre disposition. Rien n’est obscur dans cette histoire, tout est clair.
Donc, ce sont les groupements professionnels qui ont donné carte blanche à Soya Golfa et à son équipe d’exclure Madou Coulou et Diadié de la course à la présidence ?
Une précision de taille dans les textes : il est dit que les anciens présidents ne pourront plus se représenter pour la paix et la stabilité du CNPM. Si ces deux personnes sont dans ce lot c’est qu’ils ont déjà tous servi comme président ce qui est tout à leur honneur. En tout cas imaginez, après avoir fait tout ce travail, revenir avec les mêmes candidatures pour faire les mêmes élections comment vous allez gérer ce problème ?
Aujourd’hui au CNPM, c’est désormais un mandat unique de 5 ans. N’est-ce pas une révolution de taille ? Parce que nous sommes venus au constat que tous les problèmes d’élection sont surtout le renouvellement des mandats. Personne ne pourra désormais renouveler son mandat. Nous devons tirer des leçons de cette crise c’est ce qui a été fait car nous sommes tous des responsables, des chefs d’entreprise.
Et il y a quelque chose d’important que je voudrais dire aussi, nous ne sommes pas les envoyés des deux anciens candidats. Parce que c’est ce qu’on a tendance à dire dans les réseaux ou dans la presse que l’administration provisoire a trahi. Personne n’a trahi personne. Nous sommes des groupements autonomes, des personnes responsables et ne servant aucunement d’autres semblables.
On peut apporter sa contribution à l’avancement du CNPM sans être président, c’est cela ma philosophie et j’ai toujours œuvré dans ce sens. J’ai toujours apporté tout ce que je pouvais en tant que conseiller sans pour autant prétendre à un poste quelconque. Donc il y a un faux débat autour de ça. Et je continue toujours en disant que l’AG du 13 août qui a validé les textes est une assemblée générale légitime.
On ne va pas remettre en cause la résolution de notre crise, l’évolution du secteur privé à cause de quelques insatisfactions. On ne peut pas réinventer des délégués, on ne peut pas recréer un patronat et aller chercher d’autres personnes qui ne sont pas des délégués aujourd’hui. Cette assemblée était représentative à la majorité absolue. Et la démarche de la dynamique de l’élection est amorcée ; elle ne va pas s’arrêter parce que deux ou trois personnes sont mécontentes. C’est la majorité qui compte.
Lors de l’assemblée du 13 août, certains n’étaient pas d’accord avec l’ordre du jour, ils ont soulevé des motions qui ont été soumises au vote. C’est ce qui a été fait et la majorité l’a emporté. Moi je pense que il n’y a pas plus démocratique que ça. Les PV sont là pour l’attester et c’est à la disposition de tout le monde. Ceux qui ont émargé les PV, la liste de présence en disant qu’on a fabriqué les noms, qu’ils dévoilent quel nom a été fabriqué. C’est trop facile de faire le dilatoire en avançant des propos mensongers et sans pour autant attester la preuve.
Ne pensez-vous pas que l’objectif recherché, c’est-à-dire l’unité, l’entente et la cohésion au terme de ce processus est déjà une illusion, car on tend vers une nouvelle administration provisoire prônée par ceux qui contestent la démarche de l’actuelle administration provisoire ?
Une autre administration provisoire ? C’est vous qui le dites ! Moi, l’administration provisoire que je connais, que la majorité des groupements professionnels reconnait est celle qui est au CNPM. C’est l’administration provisoire à qui on a donné mandat de travailler et qui fait bien son travail. D’ailleurs quand l’administration a fait le projet de texte de révision des textes, le document a été soumis à tous les groupements professionnels. Ceux-ci avaient une semaine pour faire des observations. C’est pour vous dire que ce n’est pas quelque chose qui a été faite en catimini ou contre telle ou telle personne, non !
Le débat a été houleux, mais une majorité s’est dégagée et si la minorité n’est pas fair-play, que voulez-vous qu’on fasse ? La minorité ne veut pas être fair-play sinon il n’y a pas de crise au CNPM. Elle dit si je n’ai pas ce que je veux comme un enfant je vais aller créer ma propre boîte que je peux maîtriser que je peux manipuler.
Sinon les textes ont été donnés à tout le monde. Tout le monde a donné son point de vue. Les réserves c’était juste ceux qui pensaient qu’on ne devrait pas faire la relecture des textes et même là quand il y a eu la réunion de restitution il a été expliqué pourquoi cette relecture était nécessaire et le PV de l’AG du 2 avril donne mandat à l’AP pour ce faire.
Avez-vous un message d’apaisement ?
Je pense qu’il est temps, il est vraiment temps qu’on sorte des problèmes de personnes. Je ne peux pas comprendre qu’on puisse dire simplement que telle ou telle personne a été écartée pour être président qu’on tente de remettre tous nos efforts à néant. Mais où est l’alternance dans tout ça ? Même un chef de famille, tôt ou tard, sait qu’il est appelé à être remplacé.
Aujourd’hui, on n’a vraiment pas besoin de gérer une nouvelle crise et même là je trouve ce n’est pas une crise. On veut créer une crise de toutes pièces, sinon il n’y en a pas. Vous pouvez demander à qui vous voulez, vous pouvez accéder à tous les PV, vous pouvez assister à la rencontre du 1er octobre. Moi je demande qu’on nous laisse travailler. Qu’on s’occupe des vrais problèmes du secteur privé et il y en a beaucoup. Aujourd’hui la preuve, c’est que l’Etat n’a pas d’interlocuteur au CNPM.
On voudrait que tous les membres du CNPM puissent se retrouver comme avant, qu’on sorte des problèmes de personnes. Nous avons une crise endogène malienne que nous sommes en train de régler, nous n’avons pas besoin de mettre une crise sur une crise. Le moment est très mal choisi.
J’espère que les uns et les autres vont revenir à de meilleurs sentiments pour comprendre les motivations de certaines démarches et accepter d’aller de l’avant.
Propos recueillis par
Kassoum Théra
Source: Aujourd’hui-Mali