Au-delà du scandale de la fourniture d’intrants subventionnés, qui risque d’ailleurs de compromettre les objectifs de production de cette année, le Ministère du Développement rural se trouve embourber dans d’autres scandales qui prouvent, si besoin était, qu’il faut trouver une solution au cas Modibo Kéita.
Le Bureau du Vérificateur Général a en procédé à une vérification financière à la DFM du Ministère du Développement Rural au titre des exercices 2018, 2019, 2020 et 2021, afin de s’assurer de la régularité et de la sincérité des opérations de dépenses. Les résultats sont sans appel !
En effet, suite à la vérification financière effectuée par le BVG à la DFM du Ministère du Développement Rural au titre des exercices 2018, 2019 2020 et 2021, afin de s’assurer de la régularité et de la sincérité des opérations de dépenses, il s’est révélé des irrégularités tant financières qu’administratives. Les travaux de vérification ont porté sur l’exécution des dépenses de fonctionnement et d’investissement, les procédures de distribution des intrants subventionnés.
Irrégularités financières
Le montant total des irrégularités financières s’élève à 2 329 496 637 FCFA. En cause, le non-respect par le Directeur des Finances et du Matériel des procédures d’attribution et de distribution des intrants Agricoles subventionnés.Selon le BVG, la DFM du Ministère de Développement Rural a payé pour des travaux de construction non exécutés. L’article 47 du Décret n°2018-0009/PRM du 10 janvier 2018 portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique est clair : « La liquidation a pour objet de vérifier la réalité de la dette et d’arrêter le montant exact de la dépense… ».
L’équipe de vérification a procédé à l’examen des dossiers de marchés mais également effectué des contrôles physiques des réalisations sur le terrain en compagnie des représentants des entités concernées. Le marché n°004089/CPMP/MA-2020 du 02 décembre 2020 d’un montant de 24 803 300 FCFA relatif aux travaux de réhabilitation des bâtiments du centre de Naréna, au compte de la Cellule de Promotion de l’Entreprenariat Agricole (CPEA), non pas été exécutés (des tôles vétustes non remplacées, pas de corrections des infiltrations de la toiture, la non-fourniture d’enseigne lumineuse de 4mx0.6 m, le non-aménagement des espaces verts avec gazon, fleurs et arbustes) pour un montant de 6 900 000 FCFA.
Le marché n°004093/CPMP/MA-2020 du 02 décembre 2020 d’un montant de 24 724 158 F CFA relatif aux travaux de réhabilitation des bâtiments du centre de Kangaba, au compte de la Cellule de Promotion de l’Entreprenariat Agricole, s’est volatilisé sans la moindre exécution de l’extension du mur de clôture ni fourniture et pose d’une enseigne lumineuse et de deux extincteurs CO25 kg, entre autres. Le DFM du Ministère de l’Agriculture a transféré des équipements Agricoles non fonctionnels à la Commission de Gestion et de Suivi du Programme de Subvention des Equipements.
Le coût des botteleuses acquises et réceptionnées mais non-fonctionnelles s’élève à 653 208 920 FCFA. Le DFM a également procédé à des remboursements indus à des fournisseurs sur la base des listes validées dans le système E-voucher pour des quantités d’engrais non livrés. Le montant des remboursements indus s’élève à 1 091 565 FCFA et le montant total des marchés payés mais non-exécutés et partiellement exécutés s’élève à 100 669 038 FCFA.La vérification souligne que le DFM du Ministère de l’Elevage et de la Pêche n’a pas appliqué des pénalités de retard sur des marchés lorsque requis soit un montant total de 18 551 577 FCFA.
Le DFM a aussi payé pour des produits et équipements piscicoles non-conformes pour un montant de 26 950 000 FCFA. Une somme importante a été payée pour des cages flottantes incomplètes pour un montant total de 13 500 000 FCFA. En outre le Directeur des Finances et du Matériel du Ministère de l’Elevage et de la Pêche a payé pour des travaux non-exécutés conformément au devis estimatif et quantitatif des marchés pour un montant total des irrégularités s’élevant à 29 738 700 FCFA. Il n’a pas fourni la preuve du reversement au Trésor public des produits issus de la vente des véhicules mis à la reforme pour 700 000 FCFA.
Par ailleurs, le Régisseur d’avances du Ministère de l’Agriculture a payé des indemnités de déplacement et de mission indues pour un montant de 125 000 FCFA. Des représentants locaux de l’APCAM n’ont pas reversé au Trésor public des produits issus de la vente des équipements. Les représentants locaux de l’APCAM de Kayes, Koulikoro, Sikasso et Ségou n’ont pas reversé la totalité des produits issus de la vente des équipements dans le compte bancaire pour un montant total non-reversé de 128 294 653 FCFA. Les Gestionnaires des Centres Ruraux de Prestation de services agricoles, quant à eux, n’ont pas remboursé des montants dus sur les échéances des équipements reçus pour un montant non-reversé qui s’élève à 7 632 960 FCFA.
Le Directeur des Finances et du Matériel a payé pour des quantités d’engrais subventionnés non livrés pour un montant total de 14 888 750 FCFA. Le Président de l’Association des riziculteurs de la plaine aménagée de San-Ouest a majoré le prix de vente fixé pour les engrais minéraux subventionnés dont les irrégularités s’élèvent à 28 054 500 FCFA. Pendant que la Commission de Gestion et de Suivi du Programme de Subvention des Equipements Agricoles n’a pas reversé des produits issus de la vente des équipements évalué à 235 119 917 FCFA.
Irrégularités administratives
Les irrégularités administratives relèvent de dysfonctionnements du contrôle interne. Le BVG souligne que la DFM du Ministère du Développement Rural ne s’assure pas du respect des calendriers de livraison de l’engrais subventionné. Normalement, l’engrais de fond devrait être livré du 1er juin au 31 juillet et l’engrais de couverture du 1er juin au 31 août. Le BVG a procédé à l’analyse des documents de livraison et de réception des engrais et a rencontré des bénéficiaires dans les régions de Nioro, Kayes, Kita, Koulikoro, San, Dioila, Ségou, Koutiala, Bougouni et Sikasso.
Un retard de livraison a été constaté, ce qui ne permet pas une meilleure utilisation et peut entraîner une baisse de la productivité agricole. Le BVG a également constaté que le DFM du MDR n’a pas exigé des fournisseurs la mise en état de fonctionnement des équipements Agricoles alors que l’article 7 de la Convention de transfert d’équipements agricoles du 30 juillet 2019 entre le Ministère de l’Agriculture et l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM) stipule que : «… les frais de mise en état de fonctionnement des équipements sont assurés par les fournisseurs».
Il est accusé à la DFM du Ministère du Développement Rural la construit d’un Centre Rural de Prestation de services agricoles à Koumantou en l’absence d’acte de création. Et pourtant, l’article 21 de la Loi n°06-045 du 05 septembre 2006 portant Loi d’Orientation Agricole (LOA) l’exige. Pire, des vérifications, il ressort que la DFM a attribué un contrat de livraison d’intrants à un fournisseur n’ayant pas acheminé des intrants dans les localités bénéficiaires. Mais aussi, la Régie d’avances du MEP a irrégulièrement payé pour des dépenses dépassant le seuil autorisé.
Des sous-commissions de distribution des intrants agricoles n’ont pas respecté les procédures de délivrance des autorisations d’achats. L’autre irrégularité administrative est liée au fait que des Directions Régionales de l’Agriculture ne veillent pas au respect de la procédure d’évaluation des besoins en intrants Agricoles subventionnés. Cette année, le montant total de la subvention hors zone CMDT est estimé à 17 milliards de FCFA. Sur ce moment, 60% sont prévus pour l’achat d’engrais organiques et 40% pour les engrais minéraux.
Sauf que pour des raisons qu’on ignore, certains se sont amusés à capoter tout le processus d’approvisionnement des paysans en intrants agricoles. Des grands fournisseurs et le ministre du Développement Rural s’accusent mutuellement. Entre temps, ce sont les paysans qui ne savent plus à quel saint se confier, alors le Mali risque tout simplement de rater tous ses objectifs de production pour la campagne agricole 2022-2023 ! Est-on vraiment dans un Etat sérieux, quand certains peuvent se permettre d’endosser la responsable de la faillite de tout un pays ? La question se pose, face à la sempiternelle question des engrais, tout un éternel recommencement sous nos tropiques !
Expliquant les raisons de la mise à disposition tardive ou de la non mise à disposition de l’engrais subventionné dans la zone hors système coton (offices, agences, DRA, projets/programmes), le ministre Modibo Keïta, ne mesurant peut-être pas l’urgence de la situation, fera savoir que la problématique liée à la subvention, qui ne représente que 15% des besoins en engrais minéraux des exploitants agricoles, ne saurait compromettre la campagne. Il estime par ailleurs que notre pays pourrait atteindre ses objectifs alimentaires si la pluie continuait jusqu’à la fin du mois de septembre.
Il a bien dit « si la pluie continuait jusqu’à la fin du mois de septembre » ! En ce 21ème siècle, ces genres d’insinuations ne suent pas à une personnalité à rang de ministre de la République dans un contexte où une simple prévision dans l’anticipation aurait pu nous éviter de vivre des situations pareilles !
Flani SORA
Source : Notre Voie