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Migration et changements climatiques : Près de 216 millions de personnes vont migrer dans le monde d’ici 2050

Le Centre Amadou Hampâté Bâ de Missira (en face du Djenné) a abrité vendredi dernier (15 décembre 2023) les travaux de l’édition 2023 de «Migrances». Il s’agit d’une tribune essentielle initiée par Mme Aminata Dramane Traoré pour discuter des défis pressants liés à la migration. La cérémonie d’ouverture a été présidée par M. Mossa Ag Attaher (ministre des Maliens établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine) entouré d’éminentes personnalités, dont l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga.

Comment vivre décemment et dignement au Sahel et circuler librement ? Voilà une «question existentielle» qui se pose avec acuité au regard des départs forcés d’hommes, de femmes et d’enfants vers des horizons de plus en plus hostiles, notamment l’Europe, sur des routes dangereuses et mortifères. Ces hommes, ces femmes et ces enfants émigrent-ils par plaisir ? Pas forcément car ils sont ballottés tels «des fétus de paille, dans un monde en plein tourbillon». Sans compter que le Sahara et la Méditerranée sont devenus de véritables cimetières à ciel ouvert. Pourquoi ? Que faire ?

Autant de questions qui étaient au centre des débats de l’édition 2023 de «Migrances» organisée vendredi dernier (15 décembre 2023) au Centre Amadou Hampâté Bâ sur le thème : «Demain le Sahel et les Sahéliennes» ! «Dans le contexte actuel, cette thématique, met le focus sur la responsabilité de tout un chacun sur le futur du Sahel exposé à des défis multiformes, notamment l’instabilité politique, le terrorisme, les effets néfastes des changements climatiques avec comme conséquences des pluies de plus en plus aléatoires, des déficits alimentaires dû à la faible production agricole, des mouvements de populations ou des conflits communautaires», a souligné le ministre Mossa Ag Attaher qui a présidé la cérémonie d’ouverture de cette initiative de Mme Aminata Dramane Traoré.

Cette édition a donc mis en lumière le Sahel, une région confrontée à une combinaison délicate d’instabilité politique, de terrorisme et d’impacts croissants des changements climatiques. «Les effets des changements climatiques sur les migrations ne font aucun doute aujourd’hui et tous les acteurs s’accordent sur ce fait… Des foyers de migration climatique interne pourraient apparaître dès 2030 et s’accroître progressivement jusqu’en 2050», a-t-il ajouté. Le ministre s’est référé à un rapport publié en septembre 2021 par la Banque mondiale qui avait signalé que les changements climatiques constituent «un facteur de migration de plus en plus inquiétant qui pourrait contraindre, d’ici à 2050, près de 216 millions de personnes dans le monde en développement à migrer».

«Le contexte actuel de la migration est caractérisé par le durcissement des politiques migratoires qui accentuent la vulnérabilité des migrants… Cette situation nous interpelle et appelle à l’action pour les contenir des effets néfastes des migrations irrégulières», a déploré malheureusement Mossa Ag Attaher. «Notre engagement commun doit s’inscrire aujourd’hui dans un partenariat dynamique qui prend en compte l’ensemble des paramètres de la migration. Dans cette logique, il est impératif d’intégrer les préoccupations des communautés locales des migrants», a ajouté le ministre des Maliens établis à l’extérieur. Il a mis en avant le rôle de la coopération internationale et de la société civile dans la gouvernance des migrations. Son appel à l’action s’étend à tous les acteurs, incluant une diversité d’intervenants tels que les États, la société civile, les élus locaux et les partenaires techniques et financiers.

Il a aussi mis l’accent sur le rôle essentiel de la société civile dans la dénonciation des pratiques inhumaines envers les migrants et dans l’accueil, l’assistance, la protection et l’orientation des migrants. En conclusion, le ministre a appelé à une collaboration étroite, à l’adaptation des politiques nationales, et à la reconnaissance de la migration comme un facteur positif de diversité et d’enrichissement culturel mondial. Il a rappelé, «le Mali a adopté une ambitieuse Politique nationale de migration (PONAM) et son plan d’actions en 2014. Après 10 ans de mise en œuvre, nous envisageons de procéder au lancement de sa révision dans les jours à venir. Cette révision s’impose aujourd’hui pour l’adapter aux réalités migratoires».

Aux côtés de l’essayiste et  ancienne ministre de la Culture, Mme Aminata Dramane Traoré, il y avait Ousmane Issoufi Maïga (ancien Premier ministre), Chérif Salif Sy (économiste, ancien ministre du Sénégal), Boubacar Boris Diop (journaliste et écrivain du Sénégal), Alexis Kalambry (journaliste), Nathalie M’Dela-Mounier (enseignante et écrivaine de la France), Demba Moussa Dembélé (économiste et membre du Forum africain des alternatives du Sénégal)… On notait aussi la présence d’artistes comme Nahawa Doumbia, Mariam Koné et Abdoulaye Konaté (artiste/peintre-Mali).

En plus de la question de migration d’autre sous thème ont été traités lors de ce forum de quatre jours, notamment «le rôle des intellectuelles, des artistes et des médias dans la défense des droits des migrants» ; «la démocratie de quoi l’ordre constitutionnel normal est-il le nom ?» ; «comment contribuer à la désescalade, la paix sociale et la sécurité humaine après la reconquête de Kidal ?» ; «la jeunesse africaine cette force dont l’Occident fait une menace ; Quelle solidarité panafricaine face au durcissement des lois migratoires ?» ; «les défis et les opportunités liés à la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES)» ; «de l’échec et de l’autoritarisme ; «le traitement particulièrement dégradant infligé aux Subsahariens est à examiner à la lumière du racisme anti-noir et la question des valeurs», et «nommer enfin le capitalisme».

Pour les organisateurs, le refus des autorités maliennes de signer l’Accord de réadmission, qui préfigurait la fameuse obligation de quitter le territoire français (OQTF), n’est pas étranger à l’opération militaire Serval lancée par la France au Mali, en 2013, et sa transformation en force Barkhane. Et d’après des intervenants, «l’émigration forcée n’est pas une menace pour l’Europe. Elle est, en revanche, une inquiétante hémorragie pour l’Afrique qui perd ses enfants, sa sève, sa force vitale, sa jeunesse et hypothèque son avenir». Ainsi, ont-ils défendu, «la différence entre l’Afrique pillée et humiliée et l’Afrique libre et souveraine dépend également de la manière dont nous défendons les droits de ces laissés pour compte du développement extraverti et dépendant».

On retient des débats que sur 281 millions de migrants dans le monde en 2021, les Africains ne représentaient que 14 %. Un récent rapport de la Commission de la Cédéao signalait que les migrations entre les pays de la sous-région représentaient 84 % des flux migratoires des ressortissants de l’espace communautaire. D’où l’impérieuse nécessité, comme souhaité par le ministre Ag Attaher, de «faire de la migration une chance et une opportunité pour un monde meilleur».

«Migrances» est un espace citoyen de haut niveau de débat créé en 2006 par le Centre Amadou Hampâté Bâ (CAHBA) et le Forum pour un autre Mali (FORAM) suite aux évènements de Ceuta et Melilla (deux enclaves espagnoles au Maroc) où, en 2005, sont tombés les premiers candidats subsahariens à l’émigration en Europe. Parmi eux figurait un jeune malien du nom de Fily Dembélé. Gageons que les conclusions de cette édition vont contribuer à «renforcer le dialogue sur les enjeux migratoires et les initiatives à engager pour une meilleure protection des migrants» !

Naby

Le Matin

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