Barkhane et le Mali, c’est fini. Le temps de remballer leurs bardas et de démonter leurs tentes, les militaires français auront quitté le territoire malien dans un délai proche. Dans leur sillage, les forces françaises s’en iront avec les contingents de la Task force TAKUBA qui, supplétive de Barkhane, n’a d’autre choix que de quitter également le Mali. Pour les Maliens, le retrait de Barkhane sonne comme la conséquence logique de ses insuffisances voire de « son inefficacité ». Voici un éventail de réactions.
Kadiatou Ouattara, comptable
C’est juste un grand jeu politique, sinon la France ne peut pas partir. C’est impossible. Leur survie en dépend, et nous aussi, car nos destins s’entremêlent sur plusieurs plans. Les deux États ont une vision différente aujourd’hui. Mais les peuples sont solidement liés en quelque sorte. Donc, même si Barkhane part du Mali, c’est pour aller se positionner derrière nos frontières et revenir tôt ou tard. L’Etat français ne peut marcher sans le Mali.
Abou Koné, commerçant
Le départ de Barkhane, à l’heure où nous sommes, ne présente aucun inconvénient. Dans la mesure où les troupes françaises se sont montrées incapables de jouer leur rôle au profit des citoyens maliens, elles doivent partir, c’est cela la logique. Ça fait longtemps qu’elles sont sur notre territoire, avec zéro victoire décisive. Il est temps qu’elles se retirent. On pourra se débrouiller sans elles.
Bassirou Coulibaly, enseignant (Mopti)
Le retrait de Barkhane du Mali ne nuira pas à notre pays. Cela fait des années que la force française est ici, mais la situation sécuritaire est demeurée problématique. Par conséquent, à mon avis, puisque la situation n’évolue pas, il est temps que Barkhane essaie de réorienter ces actions ailleurs. Mais, on doit faire en sorte que les autorités du Mali, Barkhane et nos autres partenaires s’entendent sur la manière dont le retrait doit se faire. Il faut une assise tripartite pour essayer de dégager les conditions de départ de Barkhane. Ce qu’il faut éviter, c’est que cela se fasse de manière brusque. Encore une fois, je suis pour le retrait des forces françaises du Mali mais pas un retrait brusque.
Barkhane, en un moment donné, a combattu les forces du mal au nord et a joué un grand rôle d’intervention ainsi que de stabilisation. Son retrait brusque pourrait créer un risque qu’on doit prendre au sérieux.
Amadou Sangaré, étudiant (Mopti)
La France est victime de son ambigüité au Mali. 9 ans sans résultats concrets, avec toutes les technologies de pointe en matière de guerre ; cela prouve que Barkhane a échoué. Donc, son départ est nécessaire pour que notre armée s’assume.
Ambadio Kassogué, étudiant en Master Communication
Analysons seulement les faits ! Barkhane n’aura jamais réussi à stopper ou même amoindrir le pouvoir de nuisance des forces jihadistes. Moi, je me dis conséquemment que son départ n’est que le résultat logique de son inefficacité. Certes, certains craignent que le retrait de Barkhane ne crée un vide dans un nord trop vaste. Peut-être bien ! Mais, tout bien considéré, je suis convaincu que le départ des contingents français ne constituera pas une perte pour le Mali. Et d’ailleurs, je suis de ceux qui croient que Barkhane est au Mali pour des raisons autres que la lutte antiterroriste. L’histoire dira si je me suis trompé, mais je maintiens que Barkhane est une force inefficace qui stationne dans notre pays pour servir des intérêts inavoués.
Tidiane Simaga, responsable marketing
Je suis absolument favorable au retrait de Barkhane du Mali. Mais pas pour les mêmes raisons que beaucoup de Maliens. De mon point de vue, le retrait de Barkhane va obliger les FAMAs à être encore plus performantes sur les théâtres d’opération. C’est en cela que j’applaudis le départ des Français. Car, Barkhane absente, les militaires maliens n’auront d’autre choix que d’exceller. Vous comprenez, non ? Puisque nos colonels ont tout fait pour que Barkhane s’éloigne, il sera de leur responsabilité devant le peuple malien de réussir dans la reconquête totale du pays. Barkhane partie, moi, je détesterais Assimi et ses camarades officiers s’ils ne parvenaient pas à bouter tous les jihadistes du Mali.
Hama Kansaye, enseignant
Le départ des Forces françaises et de leurs alliés du Mali est une très bonne chose pour le Mali. Selon moi, le sommet organisé par le président français, hier, jeudi 17 février, ne sert qu’à nous mettre la poudre aux yeux. La Guinée et le Burkina Faso, voisins du Mali, ont un grand un rôle à jouer dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, or, ces deux pays, en plus du nôtre, n’ont pas été invités à ce rendez-vous important. Ce qui porte à croire que cette rencontre est un échec. On ne peut pas raser la tête de quelqu’un sans sa présence. C’est absurde, selon moi. Après le départ des Français, nous pouvons également solliciter d’autres pays pour aider le Mali à lutter contre les jihadistes. La présence de la force française pourrait provoquer la propagation du terrorisme vers le golfe de Guinée.
Ousmane Camara, commerçant
Je pense que le départ des forces françaises est une sage décision. La preuve, depuis plus huit ans, plus de 4000 militaires étrangers sont chez nous afin de sécuriser le pays. Ce qu’on a remarqué, malgré leur présence, c’est que des villages entiers ont été rayés de la carte du Mali. Ça, on ne peut jamais tolérer ce carnage. Par contre, la présence des instructeurs russes sur le sol malien a permis à l’armée malienne de neutraliser beaucoup de bases jihadistes. Ce qui prouve l’inefficacité de Barkhane et d’autres forces qui veulent s’éterniser au Sahel. On ne veut plus d’eux, les soldats français.
Mamadou Coulibaly, électromécanicien
Si la France et ses partenaires sont sur le point de quitter le Mali, c’est le souhait de beaucoup de Maliens panafricains comme nous. La France n’est pas un partenaire fiable avec qui il faut traiter. Elle n’est pas là pour aider le Mali dans la lutte contre le terrorisme mais elle est présente chez nous pour nos ressources minérales. Je crois que la Russie a démontré le contraire aux yeux des Maliens. La France devrait avoir honte de rester au Mali car tous les Maliens constatent son inefficacité. Avec le concours des partenaires efficaces, notamment la Russie, la Chine et la Turquie, nous pouvons dire à l’Elysée de quitter les lieux et immédiatement.
Abdoulaye Maïga, professeur de Lettres
Je suis toujours contre la présence d’une force étrangère sur notre sol. Les réalités du monde veulent que nous soyons avec une puissance militaire afin qu’on puisse avoir des appuis en renseignements. Hélas ! Barkhane est sortie de ce cadre, pire, elle n’a pas fait le boulot qu’on espérait d’elle. Donc, je ne voyais plus sa raison d’être et j’ai salué son départ. Maintenant, j’interpelle les autorités à plus de travail et de sérénité.
Mody Dicko, professeur de Math & Physique-chimie
Pour moi, ils (les soldats français) doivent partir sans délai car il n’y a pas de raison valable pour leur présence au Mali. La question que je me pose même, c’est qu’est-ce qu’ils font ici ? Ils ne combattent que peu. D’après plusieurs témoignages de villageois, même si on tue devant eux, ils ne réagissent pas. Si leur mission n’est pas de traquer et tuer les terroristes, alors, je ne vois pas d’intérêt à leur présence. A moins qu’ils ne soient là à armer les terroristes.
Bintou Sissoko, secrétaire de direction
Pour moi, c’est une bonne nouvelle. Maintenant qu’ils (les soldats français) sont sur le point de partir, nous avons de moins en moins d’attaques. Je souhaite qu’ils partent. Voilà.
Diakaria Traoré, interprète
A mon avis, le retrait des troupes françaises est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Cela va soulager le citoyen lambda qui en veut à Barkhane pour son inefficacité. Mais ce que je crains, c’est une autre bataille en forme de guerre froide sur le sol malien. C’est-à-dire une entreprise de sabotage réciproque entre Wagner et les troupes françaises et partenaires. La mauvaise nouvelle est que nous sommes désormais surveillés par la Communauté internationale, et, à la moindre erreur, on nous tombe dessus. Je crains aussi la population. Elle très fragile. Elle t’applaudit aujourd’hui et à la moindre erreur, elle se retourne contre toi. L’Etat pourrait-il supporter le coût des opérations militaires complexes dans un pays sous sanctions ?
Cheikne Diarra, professeur d’Histoire et Géographie
Je ne suis pas surpris. Je m’attendais au départ des forces françaises. Peu importe la manière du départ, la France allait quitter le Mali un jour ou l’autre. Maintenant, Barkhane ou Wagner, il faut prendre le taureau par les cornes. Il faut compter sur soi-même. L’aide la plus noble provient de soi-même. Ni Wagner ni Barkhane n’ont vocation à rester éternellement au Mali.
Avis recueillis par
Kadiatou Ouattara, Mohamed Meba TEMBELY, Maffenin Diarra, Mamadou Sangaré et Abdoulaye Dicko
Source: Les Echos Mali
