“A mon âge, mon seul souhait est de voir mon pays uni et prospère, là je pourrais mourir en paix car cette situation me coupe le sommeil“. Ainsi s’exprimait, en 2012, Bakary Kamian face à deux journalistes de Mediapart qui le faisaient réagir sur la crise du septentrion malien. Il avait 85 ans à l’époque, cet âge où chaque jour gagné est une vie vécue. Plus donc qu’une simple course contre la montre. Laquelle s’est hier et irréversiblement arrêtée pour l’historien,l’activiste, le patriote, le panafricanisme, le citoyen du monde, l’enfant du terroir et l’homme de culture.
Car Kamian était tout cela à la fois, digne échantillon d’une génération en voie d’extinction et pour laquelle patrie se conjugue avec vertu, travail avec passion, humilité avec profondeur. Ceux qui le voyaient fréquenter les couloirs des débats voyaient les ans l’agresser le long des derniers mois. Mais il avait tenu à témoigner malgré les difficultés d’élocution.
D’ailleurs, il avait su garder une mémoire limpide et un sens captivant du récit. Tout cela est bien fini maintenant, au moment et au lieu choisis dictés par un autre terrain sur lequel échouent toujours nos petites capacités de mortels oublieux. Mais lui, le doyen a rempli chaque clause du contrat. Il laisse une bibliographie que seule peut la rage de témoigner. Il a été là où pouvaient être les autres, en fils authentique du Mali, inquiet pour ces générations du désarroi, de la rapine et du farniente.
Vas doyen, tu ne nous dois plus rien et nous te devons tout. Nous te devons surtout d’unir et d’enrichir ce pays. Puisse le ciel faire que nous nous y attelions toutes, tous, et sans jamais nous divertir.
Adam Thiam