Dans un contexte mondial marqué par l’aggravation des conditions de travail des médias, la capitale zambienne Lusaka a accueilli du 11 au 13 mai 2023 la deuxième Convention des médias africains. Interrogés par Sputnik, deux journalistes, sénégalais et malien, présents à l’événement, évoquent les défis à relever pour les médias africains et l’état de la liberté de la presse dans le monde actuel.
“Il y a une véritable bataille médiatique pour le contrôle et la volonté d’influencer les opinions publiques africaines”, avance Abdou Karim Diakhate, directeur du magazine Le Panafricain.
Pour ce journaliste sénégalais, il est “évident qu’il y a un risque réel que de tels médias (occidentaux) puissent être utilisés comme outils d’influence au niveau du continent”.
Contacté par Sputnik, Mohamed Kenouvi, journaliste malien, souligne que cette influence diminue: “Certains de ces médias occidentaux étaient considérés par une certaine opinion, malheureusement majoritaire sur le continent, comme intouchables et dont l’information n’était jamais remise en cause”. Cependant la donne s’est renversée:
“Il y a de plus en plus une prise de conscience collective qui fait que même si ces médias occidentaux gardent plus ou moins leur influence, elle est clairement en train de diminuer, du moins dans certains pays du continent”.
Abdou Karim Diakhate pointe une certaine passivité des médias africains: “La responsabilité incombe aussi aux Africains eux-mêmes. Il y a très peu de médias africains ayant une couverture internationale et parlant de nos propres actualités. C’est cela qui explique l’influence de ces médias occidentaux”. De plus, le récent rapport de l’ONG Reporters sans frontières (RSF), publié le 3 mai dernier, montre que “c’est en Afrique que la liberté de la presse a le plus reculé en 2022, avec notamment des menaces et intimidations envers les journalistes”, rappelle-t-il.
Blocages des médias russes en Europe
Peu après le déclenchement par la Russie de l’opération militaire en Ukraine, l’UE, ainsi que les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et certains autres pays ont bloqué les médias russes, notamment Sputnik et RT.
Ce geste est qualifié de “discriminatoire” par Abdou Karim Diakhate. Il rappelle que cette mesure avait été dénoncée par la Fédération européenne des journalistes, qui avait évoqué un précédent dangereux. De plus, “le Conseil européen est passé outre et les États ont voté directement l’interdiction (des médias russes, ndlr) en l’intégrant aux sanctions économiques contre les entreprises russes”.
Ce blocage “est beaucoup plus lié à des intérêts géopolitiques, géostratégiques que ces pays veulent préserver”, avance Mohamed Kenouvi.
“Aujourd’hui, la communication ou bien l’information est devenue un outil de guerre”, met-il en garde.
Le Malien remet en cause l’attitude de l’Occident. “Ce que je déplore, c’est juste que l’Occident se mette en donneur de leçons. Ce n’est pas qu’en matière de liberté d’expression, mais dans beaucoup d’autres domaines, l’Occident se donne très souvent en donneur de leçons pour le reste du monde “, souligne Mohamed Kenouvi.
L’Occident “devrait apprendre que le reste du monde est différent de lui”, selon le journaliste malien.
SOURCE: https://fr.sputniknews.africa/