La République du Mali a connu une étape et une mémorable et regrettable histoire pour l’avènement d’une démocratie qui semble aujourd’hui par certains acteurs et témoins. Chaque année, la chute de celui qui était appelé dictateur, Moussa Traoré, est indirectement célébrée par les rescapés d’une folie meurtrière. Également, une nouvelle génération, engagée dans bien de luttes mais manquant parfois d’expériences et de stratégies dans la sauvegarde des acquis fortement chahutés.
Les événements de Mars 1991 constituent un exploit populaire qui n’est pas venu subitement. Ils ont connu des précurseurs et des acteurs incontournables qui sont les vrais dépositaires des non-dits d’une révolution légendaire. C’est dans une dynamique de lever les barrières de l’ignorance et celles de la confusion, que l’association Faso Kanu, présidé par un adepte de Modibo Kéita en la personne d’Ibrahima Kebe, que la maison de presse de Bamako a accueilli le lundi 26 Mars 2018,Me Mountaga Tall, acteur incontournable du mouvement démocratique, ancien ministre, ancien député et président du parti CNID Faso Yiriwaton.
L’intérêt était manifeste, au regard d’abord des invités et de l’affluence de toutes sortes de participants. Cet espace dénommé « Guara Kènè » entre dans le cadre de la mobilisation pour la patrie. En tout cas, c’est ce qui est lisible sur une banderole derrière le présidium composé de Siriki Kouyaté, chroniqueur à la RFM, d’Ibrahima Kebe de Faso Kanu et du vestige de la démocratie, l’homme à plusieurs titres : Mountaga Tall.
Le témoignage de l’homme est une source indiscutable, aussi bien pour des doyens que pour des jeunes qui n’ont même pas connu le monde au moment de cette croisade républicaine. Le premier des réflexes, la première des observations de Me Tall a consisté à saluer la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés durant cette résistante lutte pour un Mali de liberté : « Nos pensées vont à tous ceux qui se sont illustrés dans le combat du 26 Mars et qui ne sont pas ici aujourd’hui. Nos bénédictions à ceux qui sont tombés sur le champ de l’honneur. Que la terre leur soit légère ! Nous pensons à eux, nous sommes ceux qui avons assuré et transmis le flambeau qu’ils ont allumé. »
Le conférencier, Mountaga Tall, a particulièrement rendu un hommage singulier à certains invités, dit-il, qui ont été témoins oculaires de la lutte sanglante et criminelle imposé par un régime qu’il n’a, un seul instant, jugé. Il a évoqué des faits, cité des noms, projeté des extraits de vidéos et d’images d’une histoire peu moderne.
Après une brève introduction, celui qui porté le drapeau de l’humilité, s’est livré aux questions d’une assistance faite de confrères et d’autres professionnels. Les revendications qui ont soutenu la révolution n’étaient si clarifiées et les différents commentaires apportés par certains intervenants ont été littéralement contredits ou confirmés par des documents d’archives apportés pour la circonstance par un avocat qui était visiblement dans le tribunal de l’histoire démocratique.
Quelle a été sa vraie et principale motivation dans la lutte contre le régime de GMT ? Quel âge avait-il à l’époque des faits ? Que peut-il brandit de positif ou de regrettable ?
Pour le conférencier, répondant à la série de questions, il y a une confusion terrible qu’il faut rectifier : « Le mouvement démocratique a géré le Mali du 26 Mars 1991 au 8 Juin 1992 après l’élection et l’investiture d’Alpha Oumar Konaré. Depuis, tous les autres pouvoirs étaient la gouvernance de ceux qui ont eu le pouvoir. Tout ce qu’ils ont réalisé de bon ou de mauvais leur appartient en termes de bilan, mais ça n’appartient pas au mouvement démocratique.»
Au moment de la colonisation, le multipartisme était en vigueur. Il y avait l’US-RDA et le PSP. Après l’accession de l’US-RDA au pouvoir, le PSP a disparu et nous sommes passés au parti unique. En 1968, il y a eu le coup d’Etat de Moussa Traoré et du CMLN (Comité Militaire de Libération Nationale)
Très jeune à l’époque de la lutte, « j’avais 33 ans », précise Mountaga Tall, ce martyre vivant de la démocratie. Il raconte les premiers moyens de révolte et de dénonciation. Les premiers journaux qui étaient publiés n’avaient aucune autorisation. Le régime, dit-il, avait exigé que les journaux soient soumis à l’approbation du pouvoir avant d’être publiés. Mais les directeurs d’organes avaient catégoriquement refusé.
La situation était invivable, la dictature en place ne favorisait aucune liberté. Les agitateurs de l’époque avaient exigé que soit bannie le parti unique et la vision unique. Pour Me Tall, loin de jeter la faute à ses anciens collègues du gouvernement, il s’est dit convaincu que la gouvernance actuelle est inquiétante. C’est dans esprit de faire des propositions qu’il a été créé un nouveau regroupement Unis pour le Mali (UMA).
« Le jour où nous avons décidé d’entrer dans le gouvernement, c’était pour aider à faire avancer les choses, c’était au nom du Mali. Nous sommes sortis puis nous avons été appelés à y retourner. Mais nous avions estimé que ce n’était pas la peine. »
L’homme a expliqué son soutien à la candidature d’IBK en 2013 par les enjeux de l’époque et les défis à relever. A la question de sa perception sur l’actuel chef de l’Etat qui a longtemps accompagné, l’ancien Ministre de l’Enseignement Supérieur et de l’Economie Numérique dira que c’est par expérience qu’il s’est engagé à aider le Mali et non IBK : « C’est parce que je savais qu’IBK seul ne pouvait pas, c’est pourquoi nous avons décidé de le soutenir et de l’accompagner. En 2013, nous avons surestimé nos forces à pouvoir faire changer les choses. Nous reconnaissons que nous nous sommes trompés.»
En homme d’humilité, Me Tall s’est défendu de n’avoir jamais vanté ou injurié dans ses déclarations, y compris quand il était porte-parole du gouvernement. Il a souhaité que les maliens prennent leur destin en main afin de changer le régime en place car, selon lui, le chef de l’Etat actuel est un patriote, mais il a atteint ses limites.
Ammi Baba Cissé ABC
Source: figaromali