De Aguelhok à Boulkessi et Mondoro, en passant par Nampala, Niafunké, Ménaka, Kidal, Batoma et Dioura, les forces armées de défense et de sécurité du Mali, continuent de payer un lourd tribut face aux attaques des groupes terroristes, de narco-trafiquants et autres djihadistes.
En 8 ans, près de deux cents de nos frères militaires ont sacrifié leur vie pour la défense de notre patrie. Et comment ne pas avoir une pensée forte pour nos populations civiles victimes de la barbarie des hors-la-loi.
Après la dernière attaque contre les forces armées et de sécurité du Mali, l’inquiétude et le désespoir envahissent notre peuple. Il ne sait plus à quel saint se vouer. Quant aux manifestations de colère, elles se multiplient.
Quelle stabilité ?
À quoi sert la présence sur notre territoire des militaires étrangers : 16 416 Casques bleus et policiers des Nations-Unis (Minusma), 4 500 militaires de l’opération Barkhane, 600 soldats de la Mission européenne de formation des militaires maliens ?
Avec des effectifs aussi importants, comment comprendre que notre pays s’enfonce de plus en plus dans la crise ?
En jetant un regard sur la carte politique des conflits, à travers le monde, on dénombre pas moins de 14 opérations des Nations-Unis pour le maintien de la Paix. Pour quel résultat ?
Je suis resté abasourdi en écoutant un haut responsable de la Minusma affirmer : «Nous ne sommes pas venus pour combattre au Mali, mais pour assurer la stabilité». Quelle stabilité ?
•Le peuple malien n’en peut plus.
Une vérité incontournable s’impose à nous : personne ne viendra faire la paix au Mali à la place des Maliens.
Le décompte macabre de nos soldats morts au front, les armes à la main, nous interpelle tous. Il nous invite à la réflexion, à l’analyse, au dépassement de soi.
J’étais de ceux qui en 2013, ont salué (à la demande du président Dioncounda Traoré), l’intervention militaire française Serval. La maison brûlait, l’ennemi était aux portes de Bamako.
Aujourd’hui, comment ne pas constater que les objectifs n’ont pas – et de loin – été atteints.
•Construire la paix
Où va s’arrêter ce cycle infernal de massacres de nos frères en tenues et de nos populations civiles au Nord et au centre du pays ?
Il est grand temps pour les forces démocratiques et patriotiques du Mali, de repenser un processus national de construction de la paix, de l’entente et de la cohésion sociale pour le développement.
Nous vivons dans un monde complexe où les cartes se distribuent et se redistribuent à grande vitesse.
Je verse au débat deux réflexions qui, de mon point de vue, pourraient conduire à organiser une résistance patriotique et populaire en vue d’un règlement, d’une résolution politique, solide et durable de la crise. Un processus décidé par les Maliens eux-mêmes.
1)Tendre la main aux fils et filles du pays, égarés dans une fuite en avant sans issue.
Pour illustrer cette proposition, je ne prendrais que trois exemples de guerre entre des pays qui sont devenus aujourd’hui des partenaires privilégiés.
•Le « couple » franco-allemand, au sein de l’Union européenne ? Après la funeste période nazie, après la guerre et les millions de morts des deux côtés, Paris et Berlin ont choisi la réconciliation.
•Le Japon et les États-Unis ? Le largage de la première bombe atomique nord-américaine sur Hiroshima n’a pas empêché aux deux pays de reprendre des relations étroites.
•L’Afghanistan ? Les Nord-Américains mènent des négociations avec les Talibans qu’ils vomissaient, il y a peu encore.
Dans le cas du Mali, une seule ligne rouge ne peut être franchie : la partition du pays, la mise en cause de notre souveraineté, de l’intégrité territoriale du pays.
Le Mali est et restera à jamais Un et Indivisible.
2)Redonner confiance à nos soldats.
En assainissant les rangs de l’armée, en mettant hors d’état de nuire les «ripoux» et autres corrompus dont la presse ne cesse de faire échos.
Au moment où on intègre massivement dans les rangs des forces armées et de sécurité des individus qui ont pris les armes contre leur pays, ne pourrions-nous pas réfléchir à une identification efficiente, un recensement correct, un encadrement rigoureux et une formation spécifique des milices communautaires d’auto-défense en place à travers le pays.
Au lieu de les interdire ou de les dissoudre, il faudrait transformer ces compatriotes armés, en une force supplétive aux FAMA. Des expériences similaires ont fait leurs preuves sous d’autres cieux.
Bassirou Diarra
Officier de l’Ordre National du Mali
Chevalier de la Légion
d’honneur de France